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Conseil exécutif

«La fin de la Question!»

Les autorités bernoises ont pris connaissance du verdict avec regret, mais avec sérénité aussi. Pour elles, ce vote met un terme définitif à la Question jurassienne. Elles le rappelleront à leurs partenaires.

Philippe Müller, Pierre Alain Schnegg et Evi Allemann (de gauche à droite): forcément déçus du résultat, même s’il met fin à la Question jurassienne, selon eux. Photo:Yann Staffelbach

par Pierre-Alain Brenzikofer et Philippe Oudot

La Délégation du Conseil exécutif pour les Affaires jurassiennes – Pierre Alain Schnegg, Philippe Müller et Evi Allemann – a commenté le verdict face à la presse au Centre agricole de Loveresse. Pour le premier cité, par ailleurs président du gouvernement, les habitants de Moutier ont choisi, dans leur majorité, d’inscrire leur avenir dans le canton du Jura.
«Le Conseil exécutif regrette ce résultat, a souligné Pierre Alain Schnegg, mais il l’accepte, dans la mesure où il appartenait aux Prévôtois et à eux seuls de décider de leur destin.»

«La démocratie a parlé»
En remerciant les autorités fédérales pour leur participation, le magistrat a estimé que la démocratie avait parlé hier: «Ce résultat doit être accepté par toutes les parties. Le gouvernement attend de chacun qu’il manifeste désormais une attitude positive. Certes, ce vote a fait beaucoup de déçus. Le Gouvernement bernois, bien sûr, mais aussi le Jura bernois. Nous partageons dès lors la déception de ceux qui se sont engagés dans la campagne du non. Nous tenons surtout à les remercier pour la ligne respectueuse qu’ils ont adoptée jusqu’au bout, avec le sourire de surcroît.»
Pour Pierre Alain Schnegg, il convient désormais de passer à autre chose, afin de construire l’avenir ensemble: «Les habitants de Moutier doivent penser ensemble au futur de la ville. Ils méritent que la page des dissensions soit tournée, afin de pouvoir saisir pleinement les opportunités nouvelles qui s’offrent à eux. Le Conseil exécutif s’engagera auprès de son voisin jurassien pour qu’il fasse preuve de bienveillance envers les personnes qui auraient préféré un autre dénouement.»

«Pas une carte blanche»
Le magistrat a en tout cas plaidé en faveur d’une transition réussie, en martelant qu’être majoritaire ne signifiait pas pour autant avoir carte blanche pour faire ce que l’on veut.
«La minorité qui ne voulait pas d’un transfert dans le Jura est importante. Or, le canton de Berne, de par ses spécificités, connaît très bien les questions posées par les minorités.»
Et le conseiller d’Etat de rappeler que le canton de Berne s’est engagé pour la commune de Moutier, indépendamment des tensions politiques. «Il l’a prouvé par des actes! A la République et canton du Jura d’en faire de même et de respecter ses engagements. Il est temps que les habitants de la ville laissent de côté les querelles du passé et consacrent ensemble leur énergie au développement de leur cité.»
Ainsi que l’intéressé l’a rappelé, il conviendra encore de discuter avec le voisin jurassien pour les modalités du transfert. «Mais a-t-il insisté, ce vote met fin à la Question jurassienne. Le moment est venu de tirer les leçons du passé. Berne et le Jura se sont exprimés dans ce sens.»

Abroger le 138
Berne, on le soulignera, attend de son voisin qu’il abroge rapidement les articles 138 et 139 de sa Constitution ayant trait à la réunification. «Il s’agirait d’un geste important. Pour notre part, nous nous réjouissons d’en revenir à la normalité.»
Pierre Alain Schnegg a enfin tenu à s’adresser directement à la population de Moutier.
«Chers Prévôtois, a-t-il déclaré en substance, la défiance n’a désormais plus sa place dans l’avenir de votre cité.Je sais que la réconciliation ne sera pas facile. Mais il s’agira désormais de montrer le vrai visage de Moutier, d’en faire une ville unie. Il ne tient qu’à vous pour que ce dimanche entre dans l’Histoire pour de bonnes raisons.» PABR

 

«Le mieux est l’ennemi du bien…»
Directrice de la Justice, la conseillère d’Etat Evi Allemann a pris acte, elle aussi, que la population prévôtoise avait décidé de changer de canton. Elle a cependant tenu à citer l’adage selon lequel le mieux est l’ennemi du bien. «Le canton de Berne offrait à Moutier un cadre de choix au cœur de la région jurassienne, a-t-elle jugé. Et même si le résultat de dimanche n’est pas celui que nous souhaitions, il permet de clore la Question jurassienne. Il est grand temps que Moutier se tourne vers l’avenir et ses défis. Chacun devra désormais y trouver sa place.»
Pour l’intéressée, en tout cas, même sans Moutier, Berne restera la patrie des habitants du Jura bernois. «Nous allons poursuivre activement nos efforts en faveur de la région francophone et du bilinguisme, a-t-elle assuré. Le canton de Berne doit plus que jamais jouer ce rôle de pont entre la Suisse romande et la Suisse alémanique. La décision d’aujourd’hui signifie également que nous devrons raviver la collaboration intercantonale avec nos voisins jurassiens.» Evi Allemann a en effet constaté que l’affaire de Moutier avait freiné les relations Berne-Jura.
A l’heure des questions, interpellé à propos de la lettre adressée aux services de Karin Keller-Sutter, Pierre Alain Schnegg a indiqué que le canton n’avait fait que répondre à une question de l’Office fédéral de la justice, regrettant au passage que ce document confidentiel ait fuité dans la presse (voir page 2). Quant à savoir quand Moutier pourrait devenir jurassienne, le chancelier Christoph Auer a indiqué que cela prendra du temps et n’interviendra sans doute pas avant 2026.2027. PABR-PHO

 

«C’est la démocratie et la décision doit être acceptée par tous»
Egalement membre de la Délégation du Conseil exécutif aux Affaires jurassiennes, le conseiller d’Etat et directeur de la Police Philippe Müller a pris acte du fait que les Prévôtois ont choisi de rejoindre le canton du Jura et, partant, de déplacer la frontière cantonale de quelques centaines de mètres. «Le Conseil exécutif le regrette, mais c’est la démocratie et la décision doit être acceptée par tous».
Revenant sur le déroulement de la campagne, il s’est réjoui que celle-ci se soit déroulée dans un climat apaisé. Il a dit espérer qu’il en aille encore ainsi jusqu’à l’entrée en force de la votation et au-delà.

Bonne collaboration
En tout cas, a-t-il relevé, les autorités bernoises et jurassiennes ont travaillé ensemble, sous l’égide de la Confédération, pour que le scrutin se déroule dans les meilleures conditions possibles. Dans ce contexte, il a salué l’engagement de la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter, cheffe du Département de justice et police, ainsi que de l’Office fédéral de la justice, qui ont largement contribué au bon déroulement du processus.
Après l’annulation du scrutin du 18juin2017 pour les raisons que l’on connaît, Philippe Müller a mis en exergue le rôle d’intermédiaire joué par la Confédération, le qualifiant de «déterminant. Elle a en effet permis d’aplanir les difficultés et a contribué à restaurer la confiance de la population dans le processus électoral».
Une fois que le vote sera entré en force, soit après 30 jours, les cantons de Berne et du Jura devront s’asseoir à la même table afin de préparer le concordat intercantonal qui réglera le départ de Moutier et la question du partage des biens entre les deux cantons. Une fois les négociations terminées, le résultat sera soumis au Grand Conseil et au Parlement jurassien, avant que le corps électoral des deux cantons ne donne son feu vert. Ce sera ensuite à l’Assemblée fédérale de se prononcer sur le changement de frontière entre Berne et le Jura, a-t-il rappelé.

Une perte pour les Romands
Quoi qu’il en soit, Philippe Müller a regretté la décision des Prévôtois, soulignant que «c’est une perte pour tous les Romands du canton de Berne». Dans ce contexte, il a lancé un appel aux citoyens alémaniques, les invitant à ne pas remettre en question les acquis de la minorité francophone. Un appel s’adressant en particulier aux députés qui seraient tentés de remettre en question la représentation du Jura bernois au Grand Conseil, voire le siège qui revient au Jura bernois, conformément à la Constitution cantonale. En tout cas, le conseiller d’Etat a assuré que le Conseil exécutif allait continuer d’œuvrer dans ce sens.

Un appel du pied au Gouvernement jurassien
Tout en se félicitant de voir le scrutin d’hier mettre en terme définitif à la Question jurassienne de manière pacifique, Philippe Müller a dit que le Conseil exécutif espérait qu’il pourrait compter sur Gouvernement jurassien et que celui-ci se montre ferme à ce propos. «Avec le résultat de ce vote, la page est désormais définitivement tournée», a-t-il conclu. PHO

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