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Armée

Une taxe polémique

Comme d’autres Suisses récemment naturalisés, Davide a reçu une taxe militaire d’exemption, alors qu’il n’a jamais été convoqué à servir. Il questionne cette pratique.

Davide tente actuellement de démêler cette situation problématique avec l’administration, mais il n’exclut pas de faire recours. Unsplash

Par Maeva Pleines

«Pourquoi nous envoyer une taxe d’exemption militaire alors que l’on a jamais été convoqué à l’armée?» résume Davide*. Ce Biennois d’origine italienne ne cache pas sa surprise d’avoir retrouvé une facture dans son courrier du mois de mai. «Je ne m’attendais pas du tout à recevoir cette première tranche provisoire de presque millefrancs. Et, en tout, je devrais payer 3% de mon montant imposable», détaille-t-il.
Toutefois, au moment de sa naturalisation, la législation ne prévoyait pas cette disposition. «Je suis d’accord de participer financièrement au bon fonctionnement de mon pays, de manière solidaire avec mes concitoyens. Mais c’est l’aspect non-contractuel qui me dérange, car lorsque j’ai entrepris ma naturalisation, il n’était pas question de cette taxe. Je n’avais donc pas toutes les clés en mains. Si j’avais su, j’aurais sans doute agi différemment, soit en effectuant un service militaire plus jeune ou en obtenant la nationalité plus âgé.»

Immigré de troisième génération, le trentenaire note qu’avec son permis C, rien ne l’obligeait à obtenir le passeport suisse coûte que coûte. «J’avais déjà presque tous les droits. Mais je souhaitais pouvoir m’impliquer également dans les décisions politiques de ce pays où je suis né.» Il ajoute qu’à l’époque, rien ne poussait les étrangers à entreprendre une procédure longue et coûteuse. «J’ai commencé la démarche en 2016, pour finalement recevoir mes papiers début 2019, après avoir déboursé pas moins de 3000francs.»

Après ce «périple» administratif, une modification de la loi sur la taxe militaire entre en vigueur. Celle-ci prévoit que ceux qui ont acquis la nationalité suisse en âge de service devront passer à la caisse, même s’ils n’ont pas été convoqués. Face à ce qu’il voit comme une injustice, Davide reprend une métaphore développée par un membre d’un collectif vaudois s’opposant également à cette taxation:«C’est comme si on taxait un nouveau retraité pour ne pas avoir assez travaillé car, l’année après son arrêt, l’âge de la retraite était augmenté. Ou qu’on lui demandait de reprendre le travail.»

A la recherche de solutions
Le Biennois a déjà pris les choses en mains. Il s’est d’abord informé auprès du service de facturation, qui lui a confié avoir déjà reçu de nombreuses doléances de citoyens dans le même cas, sans pour autant lui proposer de solution. «J’ai ensuite appelé la protection civile, qui m’a indiqué qu’il était exceptionnellement possible d’être admis, sur dossier, après 30ans mais que cela ne changerait pas ma taxe militaire.»

La possibilité de faire son service n’est pas inenvisageable pour lui. «Mais il faut avouer que ce n’est pas la même chose à 20ans qu’à 35. La situation est bien plus compliquée avec ma profession, et je ne suis même pas sûr que l’assurance perte de gain fonctionnerait», commente-t-il. Pour l’instant, suivant un conseil juridique, Davide préfère s’acquitter de sa taxe provisoire dans les délais, afin d’éviter des intérêts moratoires. Il recherche toutefois une possibilité de prouver qu’il n’a pas «courbé» l’armée sciemment. «En Italie, la loi n’obligeait pas les jeunes de mon âge à suivre le service militaire. J’ai encore un espoir de me procurer une attestation pour le prouver et annuler cette taxe inique. Si ça ne suffit pas, je n’exclus pas de faire un recours», conclut-il.

Du côté de l’armée, la réponse est sans équivoque: même s’ils n’ont pas été convoqués, les nouveaux naturalisés sont soumis à la loi fédérale sur la taxe d’exemption. «Ils peuvent faire une demande pour effectuer un service militaire avant la fin de l’année de leur 37ème anniversaire», précise Romain Sunier, chef des unités affaires militaires et protection de la population du Jura bernois. Il admet toutefois qu’«il peut y avoir un conflit de générations entre une personne qui a 35ans et une qui en a 18».

*Identité connue de la rédaction

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