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Curiosités oubliées (3)

Souvenir de Bellelay en vieille ville

La maison du 10, rue des Maréchaux à Bienne abrite un trésor de l’abbaye. L’ex-propriétaire Annemarie Geissbühler partage volontiers les histoires de la bâtisse, léguée à ses enfants.

Du toit-terrasse de la maison du 10, rue des Maréchaux, Annemarie Geissbühler raconte volontiers les histoires de cette propriété. Yann Staffelbach
Julie Gaudio
 
Série d'été - Riche et passionnant, le patrimoine de nos régions passe parfois inaperçu. Cet été, Le JdJ met en valeur nos pépites locales.
 
«Pour beaucoup de personnes, Biennois ou touristes, la vieille ville se résume au Ring, et aux rues Haute et Basse. Mais la rue des Maréchaux devrait être mieux connue!» estime Annemarie Geissbühler, ex-propriétaire de la maison du 10, rue des Maréchaux à Bienne, aujourd’hui léguée à ses enfants. Avec sa façade en grès ocre de Hauterive, unique édifice de ce genre en vieille ville, la bâtisse mérite effectivement qu’on s’y attarde. D’autant qu’elle abrite un véritable bijou: un portail de l’abbaye de Bellelay. 
 
A 94 ans, Annemarie Geissbühler dispose d’une mémoire assez fraîche pour raconter les nombreuses histoires de la maison, transmise par héritage de génération en génération. La visite commence au deuxième étage, dans un appartement figé dans le 19e siècle, avec vieilles tapisseries somptueuses et portraits d’ancêtres. «La décoration n’a pas évolué depuis que ma grand-mère et ma tante y ont vécu», raconte la petite-fille et nièce. «Tous les meubles sont d’origine et disposés comme à l’époque, hormis ce canapé, que mon petit-fils doit récupérer depuis des années», sourit Annemarie Geissbühler, en désignant le meuble en question.
 
Terrasse sur le toit
 
Construit en 1579, d’après la gravure que l’on trouve sur une colonne de la cave, l’édifice a connu d’importantes rénovations depuis. «Dans les années 1920, mon père, l’architecte Eduard Lanz, a fait rehausser le toit et construire des appartements en hauteur, ainsi qu’une terrasse», relate Annemarie Geissbühler, en montrant les photographies prises à l’époque.
 
En grimpant les escaliers, toujours plus raides, qui mènent jusqu’au toit-terrasse, Annemarie Geissbühler poursuit son récit, lié aux plus grandes familles biennoises. «Autrefois, la maison appartenait à mon arrière-arrière-grand-père, Georg Friedrich Heilmann, un imprimeur qui venait d’Allemagne. La bâtisse a ensuite été léguée aux Lanz par mariage», poursuit la Biennoise. «Parmi les nombreuses familles biennoises qu’ils fréquentaient, mes grands-parents partageaient des liens étroits avec les peintres Robert. Paul-André était le filleul de mon grand-père.»
 
Arrivée sous le toit, Annemarie Geissbühler ouvre la porte de la haute terrasse, à l’abri des regards de la rue. La vue qui s’offre au visiteur coupe le souffle. Le clocher de l’église réformée de Bienne donne les repères spatiaux. «Dans les années 1990, la maison a connu une autre grande rénovation, pour changer les fondations. Les poutres en bois dataient du 16e siècle et étaient complètement pourries», poursuit la propriétaire des lieux. 
 
En redescendant, Annemarie Geissbühler s’arrête au premier étage devant un appartement où un institut de kinésiologie a pris place. «Mon père avait installé son cabinet d’architecte ici. Parfois, ma sœur et moi l’aidions à terminer ses dessins lorsqu’il était pressé par un concours», se souvient la Biennoise, l’aînée des trois enfants d’Eduard Lanz. La ville de Bienne lui doit, entre autres, la Maison du peuple, qu’il a réalisée au début des années 1930.
 
Portail historique
 
Dans la cour du rez-de-chaussée, qui fait la séparation entre l’entrée côté rue des Maréchaux et celle côté rue du Canal, à proximité d’une fontaine, un portail en fer forgé de l’abbaye de Bellelay encadre l’arrière du tailleur Atelier Moonfish. «Mon grand-père l’a transporté et installé ici lorsque l’ancien monastère a été transformé en sanatorium, à la fin du 19e siècle», détaille Annemarie Geissbühler. Magnifiquement rénové, laissant entrevoir des «B» dorés entrelacés, le portail a su trouver une place d’honneur au milieu de cette paisible cour, loin de l’agitation de la ville.
 
Si elle n’habite pas au 10, rue des Maréchaux, Annemarie Geissbühler ne demeure pas moins sensible à l’endroit, saluant personnellement les locataires qu’elle croise. Sur le seuil de la porte, elle conclut la visite en invitant à revenir une autre fois pour partager un thé ou un verre de vin en écoutant encore plus d’histoires. Avant de lui tourner le dos, la vieille bâtisse se laisse admirer une dernière fois depuis la ruelle de l’Hôtel-de-Ville, d’où l’on contemple le mieux sa façade.

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