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Politique

Le Jura recrute le maire de Saint-Imier

Le canton avait besoin d’une personne pour s’occuper de l’accueil de la ville de Moutier. Son choix s’est porté sur Patrick Tanner.

Les destinés de la ville de Moutier seront en partie entre les mains de deux Bernois: celles de Mario Annoni, du côté du Gouvernement du sud, et de Patrick Tanner, côté nord. Archives Stéphane Gerber

Par Dan Steiner

C’est ce qu’on appelle un tournant inattendu, puisque l’on ne peut parler de revirement. Une surprise. Un choc, même. Le canton du Jura avait besoin d’une personne aux compétences reconnues pour occuper le poste de témoin de mariage, de facilitateur en vue du transfert prochain de la ville de Moutier dans son giron. Pour cela, elle a jeté son dévolu sur le maire de la plus grande commune du Jura bernois après la Prévôté, Patrick Tanner, qui a ainsi présenté sa démission pour le 31 octobre prochain.

Reste que la République n’a pas débauché le représentant du parti ARC, puisqu’il s’est lui-même porté candidat pour cette nouvelle fonction. Fonction historique, ce qui le motive avant tout. «Quand l’annonce a paru, j’ai monté mon dossier. Il fallait que je saisisse ma chance», livre celui qui est entré en politique au niveau local à 25ans, alors qu’il en a aujourd’hui 42, et occupe les plus hautes responsabilités de sa localité depuis 2015. «Evidemment que ce fut un choix difficile, car je quitte la mairie avec un pincement au cœur. C’est un poste formidable et varié, mais la suite est motivante et cette opportunité ne se présente qu’une fois dans une vie.»

Le sentiment du devoir accompli

Dans un message posté sur le site de sa commune, Patrick Tanner est revenu sur son engagement depuis ses débuts, poussé par le «désir de servir notre cité» en la faisant grandir et rayonner, sur la confiance accordée lors des élections l’ayant mené à la maire, ainsi que sur ses dossiers, qu’il laisse désormais à celle ou celui qui lui succédera. «Ces derniers sont sur de bons rails, et je sens que je peux partir avec le sentiment du devoir accompli.» Sur de bons rails, les projets en cours sur le plateau de la gare le sont, effectivement: le projet de nouvelle Migros est actuellement au stade de la demande de permis, permis que n’attend plus que l’hôtel pour être érigé, alors que la Municipalité devrait bientôt communiquer ses intentions quant à la réhabilitation des anciens abattoirs.

Or une bonne partie de son texte est également dédiée au climat tendu qui a régné au village, surtout avant le vote sur la fusion du Haut-Vallon. «Mais je ne pars pas amer ou fâché», assure-t-il. Un oui sorti des urnes l’aurait-il retenu de postuler? «Sûrement que ça m’aurait travaillé quand même, car cela répond tout à fait à ce que j’attends d’un défi. Quant à la fusion, davantage que le non, c’est la campagne qui m’a heurté.» Suspicion et opposition avaient pris le pas sur le fait d’avancer main dans la main. L’évolution de la politique imérienne n’allait pas dans le bon sens.

Sa nomination et ses faits et gestes à son nouveau poste seront cependant scrutés et commentés avec le même aplomb. «Mes tâches consisteront à avoir une vue d’ensemble sur le projet de transfert. Moutier est un centre dans le Jura bernois. Et elle restera un centre. Ses communes voisines auront encore besoin d’elle, au niveau des écoles ou des collaborations existantes.»

Simplement le meilleur candidat

Pour les autorités jurassiennes et Nathalie Barthoulot, il était simplement le meilleur des 25 candidats et des sept personnes finalement auditionnées. Et pas le seul Bernois. Un homme de dialogue, disposant d’un excellent réseau. «Monsieur Tanner s’occupera du transfert opérationnel», explique la présidente du Gouvernement. «Le volet politique restera toutefois entre les mains de ce dernier.» Avec cette nomination, les décideurs jurassiens veulent d’ailleurs montrer qu’ils sont suffisamment confiants pour jeter leur dévolu sur une personnalité bernoise. «C’est un joli signal», se réjouit Nathalie Barthoulot.

Son contrat de quatre ans signifie-t-il que c’est plutôt le 1er janvier 2026 qui est envisagé? Le Gouvernement a reçu de son Parlement comme mission d’avancer le transfert à 2024. «Ça paraît tôt, mais on va faire notre possible», conclut la présidente.

Les partis locaux quelque peu pris de court
Alors qu’ils ne fourbissaient pas encore franchement leurs armes en vue des élections imériennes, prévues à l’automne 2022 seulement, les partis politiques locaux devront presser le pas. Hier, en toute logique, personne d’ARC, la maison de Patrick Tanner, du PLR ni du PS ne s’est risqué à articuler de nom pour sa succession. L’élection complémentaire devrait fort probablement être agendée au 28 novembre, jour de votations fédérales.

«C’est dommage pour la commune, qui exporte là ses talents», a réagi Stéphane Boillat, président d’ARC et prédécesseur de Patrick Tanner à la mairie. Ce qui est également dommage, selon lui, c’est de ne plus pouvoir fonctionner dans une ambiance franche mais saine. Allusion à la campagne ayant entouré le vote concernant la fusion. «Mais ARC a d’excellents membres», glisse Stéphane Boillat. Qui ne fera pas de retour fracassant, assure-t-il.

Côté socialiste, Elisabeth Beck salue l’entente cordiale qu’elle entretient avec son maire actuel. «Mais personne n’est irremplaçable.» Pour le PLR, bien qu’opposé à la fusion, c’est tout de même «un gros coup de massue», avoue Gisèle Tharin, cheffe de groupe au Législatif. Mais une belle opportunité, aussi, assurément.

Commentaire

Le choix de l’apaisement, vraiment?

S’ il n’a jamais caché son affection pour la cause ou la région jurassiennes, dans le sens large du concept, on ne peut pas dire que Patrick Tanner ait milité pour faire de Saint-Imier un bastion séparatiste du sud de la Roche Saint-Jean. Lui qui baigne dans la politique locale depuis ses 25 ans. Pour le futur ex-maire, le taux de 75,87% de non constaté dans sa localité, le 24 novembre 2013, au sujet de la possibilité d’entamer une étude tendant à la création – ou non – d’un nouveau canton, mettait une fin définitive à la question. Quelques mois plus tard, Alliance jurassienne, créée en 1978, devenait ARC, Alternative régionale et communale.

Reste que c’est un Bernois, maire en poste de la plus grande commune de l’arrondissement après Moutier, qui mettra toute son énergie afin que cette dernière perde le moins de plumes possible dans un processus de transfert qui pourrait chauffer très vite. Femmes et hommes politiques de la région et du canton ont d’ailleurs déjà gratté des allumettes. Dans son communiqué de presse, le Gouvernement jurassien assure que son choix contribuera à «dépassionner le processus» et «dépolitiser le poste en question». Voilà qui ressemble plutôt à un quitte ou double.

S’il est parvenu à faire l’unanimité en tant que maire grâce à sa connaissance pointue des dossiers, selon ce qu’en disent les autres partis de la commune, et que les gros dossiers, en souffrance depuis des années, pour certains, sont en passe de trouver une issue heureuse, Patrick Tanner sait toutefois qu’il prend un risque. «Mais je suis prêt à faire le dos rond.» Ce n’est toutefois pas ce qui est conseillé en cas d’attaque d’ours. Nul doute toutefois que celui qui quittera également son poste de responsable du système de gestion du ceff a approfondi la question. Même si ce n’est pas lui qui sera envoyé au front.

 

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