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New York

20 ans après

Deux décennies plus tard, la mémoire collective des attentats du 11 septembre reste vive. Même dans la région, certains ont été touchés.

Si certains Américains du Jura bernois comparent les attentats «au viol de leur mère», une Tavannoise sur place pendant le drame se rappelle encore des bruits des ambulances et des cris d’enfants. Keystone

Par Maeva Pleines

La plupart d’entre nous, du moins ceux en âge d’avoir connu le drame du 11 septembre, se rappellent exactement ce qu’ils faisaient lorsque la nouvelle leur est parvenue. Pour certains, toutefois, les circonstances sont particulièrement rocambolesques. C’est le cas de Geneviève Aubry. L’ex-conseillère nationale se trouve alors à New York. «Je devais vice-présider une conférence de la Ligne mondiale anticommuniste. La réunion se déroulait très tôt. Tout d’un coup, la porte s’est ouverte et le président a été réquisitionné...» La Tavannoise reprend les rênes de la réunion alors qu’une drôle d’atmosphère s’installe. «Tout le monde s’interrogeait. Moi la première! J’ai donc décidé d’aller voir de quoi il en retournait.»
Le personnel de l’hôtel procède alors à des évacuations. Mais la femme forte ne se laisse pas diriger. Elle décide de faire un crochet par sa suite au 33ème étage pour s’emparer de sa valise. «De là-haut, j’ai découvert le drame. Je me suis mise à hurler toute seule, jusqu’à ce que quelqu’un me somme de descendre», confie-t-elle. 
Son premier réflexe consiste à appeler son fils, domicilié à moins d’une heure et demie de là. «Passer un appel n’était pas si facile, mais j’ai réussi. Tout le monde a ensuite dû rester confiné dans l’hôtel. Une peur contagieuse y régnait. Certaines personnes ont dû être mises à l’écart dans une chambre pour se calmer.» Geneviève Aubry, quant à elle, est poussée par sa curiosité. «C’était très difficile de sortir, mais j’y suis parvenue et je me suis dirigée vers les tours», raconte-t-elle. Et de décrire le chaos... Le nuage noir et les flammes, ainsi que le cortège d’ambulances immédiatement dépêchées.
«Une cacophonie infernale faite de klaxons, de freins et de cris d’enfants s’est imprimée dans mes oreilles pendant des jours», souffle la Jurassienne bernoise. Elle ajoute avoir été impressionnée par la réaction instantanée des secours, notamment aidés par des bénévoles évacuant le plus de citoyens possible. «C’était horrible de les voir rentrer avec tous ces morts», ajoute la Suissesse, reconnaissant avoir fait partie d’une foule de curieux aussi anxieux qu’inconscients du danger.
 
Un symbole déchirant
Heureusement, l’histoire se termine mieux pour Geneviève Aubry que pour les 2977morts et 6291 blessés des attentats. Elle avoue avoir dû, dans un premier temps, utiliser des somnifères pour calmer les visions tournant en boucle dans sa tête. Puis, avec le recul elle a pu analyser cette journée noire dont l’impact demeure 20ans plus tard. «Plus que le nombre vertigineux de victimes, c’est le symbole de cette attaque en plein cœur de la première puissance mondiale qui marque l’histoire», déclare la conseillère nationale la mieux élue de Suisse. Selon elle, les Américains ont été profondément meurtris sur le long terme. «Ils se pensaient intouchables. Ils ont réalisé qu’ils avaient tort», profère-t-elle. 
Cet évènement a poussé les Etats-Unis à ouvrir la guerre contre le terrorisme. Une politique bouleversant durablement les équilibres du Moyen-Orient et masquant l’émergence de nouvelles tensions portées par la Chine et la Russie. Pour Geneviève Aubry, le récent retrait des troupes américaines en Afghanistan peut également être rattaché aux attentats de 2001. «L’Amérique est refroidie. Maintenant, elle connaît la peur.»
 
Un impact social
Pour les Américains de la région, comme l’enseignante d’anglais domiciliée à Saint-Imier Ann Calame, la blessure a également fait place à l’analyse. «A l’époque, les avions perforant The Big Apple m’avaient blessée autant que si ma mère avait été violée. Toutefois, aujourd’hui je trouve que les médias européens en font beaucoup sur cet évènement, sachant qu’il y a d’autres tragédies dans le monde. Pour les Américains, il est normal d’honorer la mémoire. Mais en Suisse cela s’explique moins», estime-t-elle. 
Olivier David, l’entraîneur assistant du HC Bienne originaire de Los Angeles, conclut sur une note douce-amère: «Les attentats ont modifié la conception de la sécurité internationale. Aujourd’hui, il n’est plus question de visiter le cockpit d’un avion, comme j’ai pu le faire en tant qu’enfant, et les écoliers américains sont entraînés à réagir correctement en cas d’attaque dans un établissement scolaire. Mais je dois dire qu’il est rassurant de savoir que des milliers d’Américains œuvrent à ce qu’un tel évènement ne se reproduise pas.»

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