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Etre soldat suisse en 14-18

L’historien de Perrefitte, André Bandelier, signe un nouvel ouvrage de microhistoire régionale d’une étrange actualité, «Robert Meystre: Journal de mobilisation de guerre 1914-1918».

André Bandelier, lors de la présentation de son livre à Saint-Imier. Théophile Bloudanis

Théophile Bloudanis

«Courtelary, dimanche 9 août 1914. Réveil 3h du matin et départ pour Courrendlin. 11 heures de marche très pénible, la route était poudreuse et les pieds nous brûlaient [...]. Arrivés à Courrendlin, plusieurs tombent d’inanition.» C’est par cette expérience que débute l’ouvrage de l’historien et professeur retraité de l’Université de Neuchâtel, André Bandelier, «Robert Meystre: Journal de mobilisation de guerre 1914-1918», aux éditions Alphil. Son livre, présenté jeudi soir à l’Espace culturel d’Erguël, à Saint-Imier, présente le journal personnel du Neuchâtelois Robert Meystre, qui a surveillé les frontières suisses dans le Jura, pendant la Première Guerre mondiale.

«C’est un document rare et à ma connaissance, sans équivalent dans l’Arc jurassien, ou en Suisse», s’enthousiasme ce spécialiste en microhistoire et des écrits du «for privé». «C’est mon beau-fils et petit-fils de Robert Meystre, qui m’a apporté ce trésor. Il était de mon devoir d’historien de l’étudier et le publier, afin d’apporter non seulement des détails sur la vie des soldats pendant cette époque troublée, mais aussi une contribution à la mémoire collective de nos régions», explique-t-il.

D’une étrange actualité

Entre le 4 août 1914 et le 7 décembre 1918, Robert Meystre décrit jour après jour et avec une précision militaire, la guerre vue depuis la Suisse, entre les exercices de drill «à la prussienne», son ennui, la camaraderie, sa proximité avec les combats et ses rencontres avec les «poilus» et les «boches».

Le contexte fait penser à celui du «Désert des Tartares», de Dino Buzzati, où la vie de garnison se mêle à l’attente d’un grand évènement, mais avec le détail propre à celui de l’armée Suisse de l’époque. «C’est un ouvrage qui est tout public. Non seulement on y retrouve des précisions sur le matériel utilisé, mais aussi la vie de manière générale à cette période», note l’historien. «Par exemple, on y lit que les soldats découvrent la vaccination!» Et d’ajouter: «Ses descriptions sont d’une étrange actualité, surtout si on pense qu’il a survécu deux fois à la grippe espagnole, en 1918. Comme aujourd’hui pour la pandémie de coronavirus, il compte le nombre de morts dans sa caserne, à Colombier.»

Compléter l’histoire de la région

Commencée en 2019 par André Bandelier, cette plongée profonde dans le quotidien de la mobilisation de la Première Guerre mondiale est un véritable «guide de voyage» de la Suisse des périphéries, celles qui ont été au plus près les combats. «Ce journal contribue non seulement à la mémoire collective du Jura bernois et du Jura, mais aussi à celle de la Suisse.», précise le professeur retraité. «Avec comme fond la Guerre, il décrit la vie dans les régions qu’il a visitées, celle des gens et des relations sociales.» Le livre est complété par une quarantaine de photographies en noir-blanc, réalisées par le soldat lui-même. «Elles ajoutent l’élément visuel et profondément humain de ses descriptions, comme celles où on voit sa section fraterniser avec des soldats français ou allemands.»

La présentation et conférence se sont déroulées dans le contexte de l’ouverture, en septembre dernier, du Musée des troupes jurassiennes, à Saint-Imier, par le colonel Walter von Kaenel, également présent à l’événement. «Un ouvrage exceptionnel, qui montre à quel point cette mobilisation était dure. En d’autres mots, ils en ont ch*!», s’exclame ce dernier. Le livre est disponible en librairie, pour tous les intéressés de microhistoire ou de ceux qui préfèrent la guerre de 14-18.

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