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Plan d’action radium

L’assainissement des sites se poursuit

Dans l’Arc jurassien, sur les 130 ateliers, immeubles et jardins contaminés par de la peinture au radium, près de 110 ont été assainis.

Entre 1920 et 1960, le radium a été largement utilisé sur les index et les aiguilles des montres et réveils pour les rendre visibles de nuit. dr

 

Par Philippe Oudot       

–    Entre 1920 et 1960, de la peinture luminescente au radium a été utilisée pour rendre les aiguilles et les index de montres et réveils visibles de nuit. Ce travail était effectué par des ouvrières, en partie dans des ateliers d’horlogerie, mais aussi et surtout à domicile, sans mesures de protection particulière. Or, le radium est un élément radioactif. Suite à la découverte de traces radioactives dans une ancienne décharge de Bienne, en 2014, un Plan d’action radium a été engagé pour assainir les sites contaminés, situés principalement dans l’Arc jurassien. Il prévoit l’analyse de plus de 1000 immeubles et jardins potentiellement contaminés. Sur les 129 bâtiments qui, à ce jour, doivent être assainis (dont 56 dans le canton de Berne), la grande majorité – environ 110 l’ont déjà été, dont48 dans le canton de Berne, principalement à Bienne.

Lancé il y a six ans, le Plan d’action radium 2015-2019 a été prolongé de trois ans. D’abord, parce que, dans le cadre de l’évaluation des immeubles potentiellement contaminés, leur nombre a quasi doublé:en 2016, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), en charge du dossier, évaluait à 500 le nombre de biens-fonds dans toute la Suisse – principalement dans l’Arc jurassien.

Aujourd’hui, ce nombre est d’environ 1000, selon les dernières analyses de l’OFSP. Cela représente plus de 4600 appartements ou anciens ateliers. La seconde raison de ce doublement est due à la pandémie, qui a considérablement ralenti le rythme des travaux d’assainissement.

Ace jour, pas moins de 822biens-fonds ont déjà été passés au crible par les services de l’OFSP. Sans surprise, c’est dans les cantons horlogers de Berne et de Neuchâtel qu’on trouve le plus grand nombre d’immeubles contenant des traces de radium. Quelque 265objets ont ainsi été identifiés côté bernois – dont 183 à Bienne –, et 338 dans le canton de Neuchâtel – dont 256 à LaChaux-de-Fonds.

Valeur limite dépassée
Ces bâtiments ne devront toutefois pas tous être assainis. Pour l’OFSP, l’objectif est d’exclure toute exposition à des rayonnements artificiels supérieurs à 1milliSievert (mSv) par an, dose limite acceptable fixée dans l’ordonnance fédérale sur la radioprotection. Une dose qui s’ajoute à l’exposition annuelle naturelle moyenne de 4mSv à laquelle est déjà soumise la population suisse, et qui est principalement due au radon.

Le milliSievert est une unité de mesure qui indique l’énergie déposée par la radiation dans les tissus, qui est pondérée par la dangerosité du rayonnement, et par la sensibilité des organes irradiés. En cas de dépassement de cette valeur-limite, un assainissement est nécessaire.

Dans ce contexte, sur les 822biens-fonds déjà examinés, la grande majorité (près de 85%)ne présente pas de risque particulier, le rayonnement étant inférieur à 1mSv. Sur les 129autres, on dénombre 80appartements ou objets commerciaux, ainsi que 84 jardins. La plus grande partie de ces objets (107 en tout, dont 38 à Bienne) a déjà été assainie. Trois sites sont en cours d’assainissement, dont un, à Moutier.

Comme l’indique Martha Palacios, suppléante du chef de section Risques radiologiques à l’OFSP, «il reste toutefois encore une soixantaine d’immeubles à contrôler dans le canton de Berne, principalement à Bienne».

 

La terre de jardins également contaminée

Les peintures au radium n’ont pas seulement contaminé les ateliers et appartements où les ouvrières à domicile travaillaient, mais aussi des jardins. Pas moins de 84 sont concernés. Pourquoi des jardins?«Parce qu’àl’époque, l’eau utilisée pour rincer les peintures était parfois jetée dans les jardins. Les zones contaminées se trouvent en effet souvent sous les fenêtres», indique Martha Palacios.

Lorsque la concentration de radium dans la terre dépasse les 10000 becquerels par kilo (Bq/kg), un assainissement est nécessaire, le becquerel étant une unité de mesure de l’activité radioactive. Dans ces 84 jardins, la valeur moyenne était de 26000 Bq/kg. Dans un cas, elle s’élevait même à 668200 Bq/kg! Au vu de ces concentrations, les légumes sont-ils consommables? Selon le service de presse de l’OFSP, «le risque dans les jardins est surtout lié à l’ingestion de terre par des enfants. Les mesures réalisées sur des échantillons de légumes ont montré que le niveau de référence ne pouvait en aucun cas être dépassé dans le cas d’un jardin potager privé, en raison des petites quantités de légumes produites».

Dans le cadre de ces assainissements, la terre contaminée est mise en décharge spéciale, avec une surveillance radiologique, lorsque l’activité dans la terre ne dépasse pas la limite de 10000 Bq/kg. L’OFSPa fait mettre en place des mesures de radioprotection afin de s’assurer que le personnel travaillant sur ces sites et la population des alentours ne soient pas exposés à des doses dépassant les seuils admis.

Lorsque la valeur dépasse les 10000Bq/kg, la terre contaminée doit être éliminée comme déchet radioactif au Centre de stockage intermédiaire de la Confédération, dans le canton d’Argovie. C’est là que sont stockés les déchets radioactifs issus de la médecine, de la recherche et de l’industrie. Ce centre se situe à côté du Zwilag, là où sont stockés ceux provenant des centrales nucléaires. Aterme, tous ces déchets devront être enfouis en couches géologiques profondes.

 

Les mauvaises surprises du radium

Le radium est un élément chimique alcalino-terreux radioactif et cancérigène. Toute dose supplémentaire de rayonnement peut augmenter le risque de cancer. Durant la première moitié du 20e siècle, le radium a notamment été utilisé en médecine pour la radiothérapie de tumeurs cancéreuses. Cette matière a également été utilisée dans le domaine cosmétique, notamment. Mais c’est principalement dans l’horlogerie que son utilisation était courante, pour la confection de peinture luminescente. Les traces radioactives se retrouvent notamment dans les appartements où des femmes travaillaient à domicile. L’objectif du Plan d’action radium 2015-2022 est de réduire ces doses à moyen et long termes.

Dans les 80 appartements nécessitant un assainissement, les doses se situaient entre 1 et 20mSv/an. La moitié présentait des doses faibles, entre 1 et 2mSv par an. Dans 26 appartements, elles se situaient entre 2 et 5; elles variaient entre 5 et 10 dans huit logements, entre 10 et 15 dans cinq cas, et entre 15 et 20 dans un seul appartement.

Comme le souligne Martha Palacios, «nous n’avons jamais détecté de dose supérieure à 20 mSv par an dans le cadre du Plan d’action radium. Vu les faibles doses, il n’y a pas eu de risque immédiat pour la santé des occupants.»

 

«Un suivi médical n’est pas nécessaire»

Martha Palacios, quelles sont les priorités dans les locaux où les doses sont trop élevées?
Les assainissements sont réalisés en continu. Dans la mesure du possible, nous traitons les cas avec les doses les plus élevées prioritairement.

Les personnes qui y ont été exposées sont-elles suivies médicalement?
Non, le risque pour la santé étant considéré comme faible. Aucune mesure particulière n’est nécessaire en termes de suivi médical.

En 2015, l’OFSP avait fait mention d’une ancienne crèche-garderie contaminée par du radium. Y a-t-il eu un suivi?
Nous avons évalué rétrospectivement la dose reçue par les enfants à partir des résultats de mesures et de scénarios d’exposition, la dose étant inférieure à 1mSv par an pour un scénario d’occupation moyenne, et d’environ 4 mSv par an pour un scénario d’occupation extrême. Par chance, la pièce contaminée n’était pas l’endroit de séjour des enfants, mais le bureau de la directrice. Le risque pour la santé étant considéré comme faible, aucune mesure particulière n’était nécessaire en termes de suivi médical pour les enfants. Tous les parents concernés ont été informés de ces conclusions.

Dans le canton de Berne, c’est surtout à Bienne que des assainissements ont été nécessaires. Qu’en est-il dans le Jura bernois?
Deux assainissements sont terminés à Tavannes, un est en cours à Tramelan, et il en reste un à effectuer à Moutier.

Où les taux les plus élevés ont-ils été découverts?
Les doses maximales (situées entre 10 et 20 mSv/an) ont été identifiées dans cinq bâtiments situés dans les cantons de Berne – trois à Bienne, un à Berne –, et un bâtiment à La Chaux-de-Fonds.

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