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Bienne

Sur la trace du lynx

Le fantôme des forêts est actuellement à l’affiche d’un film. Le réalisateur Laurent Geslin évoque les dangers qui le guettent encore.

Laurent Geslin

Par Alexandre Wälti

Un cri aigu traverse les branches de noisetiers et d’épicéas. Les rochers répercutent l’écho d’un autre félin. Deux lynx se cherchent, un mâle appelle et une femelle lui répond en feulant. Ainsi débute «Lynx», film du photographe animalier et réalisateur Laurent Geslin. Entièrement tourné dans l’Arc jurassien, il a été présenté en avant-première dimanche dernier au cinéma Lido de Bienne.

Sa sortie publique est prévue le 24 février prochain dans la cité seelandaise. Au-delà du documentaire animalier, il s’agit véritablement d’un long métrage avec ses moments de tension et ses personnages. Comme lorsque le film montre les différentes espèces du massif jurassien qui communiquent entre elles. Les oiseaux préviennent le gibier de l’arrivée imminente du grand prédateur. Un bond, et le félin attrape un chevreuil à la nuque. Le scénario plonge dans le quotidien d’une famille de lynx, leurs interactions tout comme la cohabitation avec les êtres humains.

Au plus près du sauvage
«Je voulais montrer la réalité géographique et les difficultés du territoire de ces prédateurs sur les crêtes du Jura», explique Laurent Geslin. Le grand chat doit en effet vivre à proximité de zones habitées ou morcelées. Une scène montre par exemple l’influence directe des forestiers sur le comportement d’une mère. Celle-ci attrape immédiatement ses petits par le cou et les éloigne de la tanière, loin des bruits de tronçonneuses et des chutes d’arbres. La caméra saisit ainsi jusqu’au plus intime de la vie de l’animal emblématique pour la première fois au cinéma.

On y voit trois chatons grandir au fil des saisons. Laurent Geslin veut faire réfléchir: «Actuellement, la consanguinité des lynx commence à poser des problèmes dans les populations sauvages. Cette réalité provoque des malformations ou des souffles aux cœurs. Il devient également urgent de construire des corridors entre massifs pour favoriser leurs déplacements.»

Environ 150 individus vivent encore sur toute la chaîne du Jura. L’animal est protégé et les braconniers risquent gros dans toute la Suisse. Le film illustre tout de même la mort d’un mâle de la famille suivie, victime de braconnage. «J’espère que lorsqu’un cadavre de lynx est retrouvé ainsi, nous le remplacerons systématiquement par un individu d’un autre pays pour favoriser le mélange génétique», remarque le cinéaste. Il ajoute encore que «l’impunité reste trop souvent la norme avec les braconniers».

Des mois sans voir de lynx
L’intérêt du film se trouve aussi dans la volonté de montrer les bêtes à l’état le plus sauvage possible. «Tous les animaux filmés sont en pleine liberté et j’ai voulu les montrer dans leurs milieux naturels», souligne le photographe ayant notamment travaillé pour le National Geographic américain. Ce dernier admet également «avoir passé jusqu’à huit mois sans apercevoir ses lynx». Le tournage s’est ainsi étalé sur plus de neuf ans. Le choix de réaliser un long-métrage a germé après la publication d’un livre sur le félin en 2015.

Le projet s’est concrétisé lorsque Florence Adam, la productrice, a visionné les images de Laurent Geslin. «Je réalise un rêve d’enfant avec ce film et j’espère qu’il touchera le public, comme les lynx m’ont touché», glisse le réalisateur. Lui-même narre l’histoire à l’écran. Cette particularité «allait de soi» et correspond à une envie de montrer que le sauvage existe aussi près de chez nous. «Ma démarche a toujours été de partager la vie animale locale, sans la déranger et avec une perspective authentique», conclut-il.

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