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Moutier

Un autre regard sur la Question jurassienne

En demi-finale du 56e Concours national de Science et jeunesse, hier, le Prévôtois de 19 ans Loris Roth a fait mouche avec la présentation de son travail de matu. La finale a lieu à Lugano, en avril.

C’est vraiment autour de juin 2017 et du premier scrutin communaliste que Loris Roth a commencé à s’intéresser à la question institutionnelle qui taraudait sa ville. Archives

Par Dan Steiner

Universitaire en première année d’économie, à Lausanne, Loris Roth a pris un plaisir fou à se plonger dans les méandres de la Question jurassienne. Son histoire lointaine et récente, le processus ayant conduit au vote du 18 juin 2017 à Moutier et à son annulation, la préparation pour le scrutin de répétition du 28mars dernier. C’est en octobre 2020, sans toutefois avoir pu discuter du résultat final du scrutin communaliste, que le Prévôtois, âgé aujourd’hui de 19 ans, a déposé puis soutenu son travail de maturité, au Gymnase de Bienne.

Sanctionné par la note maximale, son dossier a également été retenu l’automne dernier, parmi 400 autres, pour prendre part aux demi-finales du Concours suisse de Science et jeunesse, qui avaient lieu ce samedi, par vidéoconférence. Et lors desquelles il s’est qualifié pour la finale de Lugano, en avril (lire aussi ci-dessous).

Economique et juridique
Or à la question de savoir si son ouvrage, qui s’étire sur pas moins de 90 pages, annexes comprises, lui a donné envie de faire de la politique dans sa ville, la réponse est un clair «non». A un autre échelon, peut-être une fois, mais pas à Moutier. «Tout l’aspect négatif qu’a pu apporter ce continuel combat identitaire, cette ambiance politique me donne tout sauf envie, en tout cas en l’état actuel des choses», lâche-t-il sans grande hésitation.

Reste que c’est par intérêt pour cette thématique brûlante qui a toujours ou presque secoué la ville où il a grandi qu’il s’est lancé. «J’avais 11 ans seulement en 2013 (réd: lors du vote régional sur le lancement d’un processus visant à créer un nouveau canton), et c’était nouveau. J’en avais 15 en 2017, et on en parlait davantage à l’école», rembobine-t-il. Idem lorsqu’il s’est rendu au gymnase. «Ce thème m’intéressait car je pouvais le mettre en rapport à mon option spécifique et aussi avec ce que je voulais faire plus tard.»

Près de 250 personnes sondées
Etudiant en économie et droit à Bienne jusqu’à l’été dernier, Loris Roth explique dans son introduction que son travail «porte notamment sur l’aspect juridique de l’organisation d’un vote, et sur les incidences, surtout économiques, qu’il peut avoir sur la ville. C’est aussi au niveau émotionnel, par affection réelle pour Moutier que je me penche sur le sujet.» Ce dernier – peut-être le plus débattu dans la région depuis un demi-siècle – manquait de documentation informative neutre, de son propre avis. Installés à Moutier mais pas originaires de la ville, ses parents n’ont jamais baigné dans le conflit ni ne l’ont mis sur la table à la maison.

Pour son travail, Loris Roth a posé la problématique suivante: «Conditions de revote et conséquences pour la ville». Il s’est ainsi évertué à comparer et analyser les arguments favorables ou non à un départ dans le canton du Jura, mais également la situation d’un Jura bernois amputé de Moutier. Il s’est notamment penché sur le traitement du sujet dans la presse pour la partie historique, dans des rapports d’experts et les jugements des instances judiciaires.

Finalement, il a tenté de récolter les avis des internautes via un sondage partagé sur les réseaux sociaux et mené quatre interviews: avec le maire PDC, Marcel Winistoerfer, le conseiller municipal PSA et président de la Délégation prévôtoise aux affaires jurassiennes, Valentin Zuber, mais aussi aux chefs de file du «non», les anciens membres du Conseil de ville PLR Muriel Kaeslin et Steve Léchot. «Je voulais également sortir des chiffres et de la presse pour m’intéresser au ressenti», précise-t-il à propos de son sondage. «L’enjeu était finalement davantage émotionnel qu’objectif, et cet exercice s’est imposé dès le début.»

Rattraper le temps perdu
Près de 250 réponses lui sont parvenues, dont 150 de personnes vivant à Moutier. Et ces avis? Du 50/50. «Quand les réponses sont anonymes, les gens s’enlèvent une partie de leur retenue. Certains m’ont fait sentir qu’ils étaient touchés par cette question et à quel point c’était viscéral.» Mais sans débordement, assure Loris Roth. «Une grande majorité a toutefois manifesté son ras-le-bol et que c’était le moment d’en finir avec la Question jurassienne. Seul un quart environ était prêt à ne rien lâcher en cas de défaite.» Quant aux politiques interrogés, l’étudiant relève leur retour positif après lecture de son travail.

Il conclut toutefois en faisant ces observations: l’émotion supplante les chiffres et les deux camps avaient des propositions pas si éloignées les unes des autres. «Il est grand temps pour la ville d’essayer de rattraper les heures perdues et de chercher la situation qui offrira la durabilité dans les plus brefs délais.» La sagesse n’attend pas forcément les années.

Une qualification mais... pas de retour
Reconnue par la Berne fédérale, Science et jeunesse est une fondation d’utilité publique à but non lucratif. En 2022, elle organise le 56eConcours national consacré aux jeunes talents et à la recherche scientifique, dont la finale aura lieu du 21 au 23 avril, à Lugano. Sur inscription, les travaux de matu ou de fin d’année en sciences humaines, sociales, naturelles ou encore dans les arts ont d’abord été évalués en octobre. Une première sélection sur 400 dossiers a été effectuée pour participer aux demi-finales de samedi, en ligne.

Sur les 30 candidates et candidats romands, Loris Roth était en compagnie de Numa Maggio (Chules) et de Myriam Simonazzi (Berne), auteurs d’un travail sur une enzyme du parasite de la toxoplasmose, respectivement du monomythe au cœur du cinéma. Eux aussi iront au Tessin. «J’ai toutefois été le seul à ne pas avoir reçu de retour de son expert. Ce dernier était malade», rapporte Loris Roth. Il recevra donc celui-là cette semaine. La finale (137 qualifiés) , qui s’était déroulée en ligne en 2021, est donc son prochain objectif. Pas de quoi en faire une fixette, cependant, juste une autre occasion pour lui de «faire découvrir ce thème à travers la Suisse».

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