«Explorer l’arc-en-ciel des émotions»

Marjorie Spart

Il l’avoue sans s’en cacher: «Oui, jouer à Bienne est un peu spécial pour moi. Cela me touche car c’est un peu un retour aux sources. Alors, c’est assez excitant et flippant à la fois!» Christophe Sermet a quitté la cité seelandaise il y a plus de 20 ans, pour se former au Conservatoire royal de Bruxelles, où il est désormais installé. D’abord acteur de théâtre et de cinéma, Christophe Sermet a lentement glissé du côté de la mise en scène.

Demain, il présente au Théâtre Palace sa pièce «Vania!», une mise en scène du texte d’Anton Tchekhov «Oncle Vania». Si Christophe Sermet a choisi cette œuvre, c’est avant tout parce qu’il aime parler de l’intime. «A mon sens, le théâtre est fait pour évoquer les tourments intérieurs, ce qu’il y a de plus inavouable, et de le tourner vers l’extérieur. Tchekhov est un maître en la matière. Grâce à sa profession de médecin de campagne, il a pu ausculter l’âme humaine au plus proche des gens», estime le metteur en scène.

De manière générale, l’homme de théâtre choisit ses pièces «au coup de cœur». Et de préciser qu’elles doivent «contenir un matériau assez riche pour explorer toutes les couleurs de l’arc-en-ciel des émotions».

Eviter les clichés
«Vania!» se penche sur les ratages de la vie, la quête de l’inaccessible. «Pour les personnages, ce n’est jamais le bon moment. On se situe dans un drame du contretemps», relève Christophe Sermet qui dit adorer le théâtre des relations entre les gens: «Le groupe est le cœur de la pièce. Il n’y a pas de héros solitaire.»

Pourtant, s’attaquer à Tchekhov n’est pas forcément une sinécure. L’auteur russe est très connu. «Il a fallu inventer un dispositif pour contrer les clichés qui entourent cet auteur du 19e siècle, dont on dit souvent qu’il présente des bourgeois qui se prélassent dans l’ennui...», décrit Christophe Sermet.

Lui s’est attaché à montrer des personnages qui se battent contre cet ennui. Pour ce faire, «j’ai voulu un spectacle vivant, physique et violent dans l’expression des sentiments. Tchekhov exige un travail d’acteurs sensible et actif». Le metteur en scène dit que ses acteurs ne peuvent jamais se reposer sur leurs acquis, mais doivent savoir se réinventer à chaque représentation pour continuer à entretenir cette «petite surprise, ce lien entre les personnages».

Notamment grâce à un grand investissement des acteurs, «Vania!» a reçu le Prix du meilleur spectacle 2015 de la critique belge. Une distinction qui a rendu Christophe Sermet très fier du travail accompli en équipe.

«Le collectif me plaît énormément. Les acteurs sont des partenaires et nous partageons ensemble notre vécu en préparant une pièce de théâtre», souligne-t-il en saluant l’engagement des huit acteurs qui portent cette pièce: Anny Czupper, Francesco Italiano, Philippe Jeusette, Sarah Lefèvre, Sarah Messens, Pietro Pizzuti, Yannick Renier et Philippe Vauchel.

Carrière d’acteur aussi
Si Christophe Sermet est présent à Bienne pour préparer la représentation de «Vania!», il a également une autre bonne raison de se trouver en Suisse. En effet, il tourne actuellement, en tant qu’acteur, dans un film suisse «Der Läufer», dont la préparation va bon train du côté de Berne. «Ce long-métrage revient sur les meurtres de femmes qui ont été commis à Berne il y a plusieurs années par un coureur de fond», explique celui qui mène donc une carrière d’acteur et de metteur en scène en parallèle.

Côté théâtre, Christophe Sermet présentera prochainement avec la Compagnie du vendredi qu’il a fondée – «Les enfants du soleil», issu du texte de Maxime Gorki. «Cette pièce formera un diptyque avec ‹Vania!›», dévoile-t-il. Au centre de l’intrigue? Les relations humaines. Et de nombreux acteurs pour lui donner vie.