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Langues

Apprendre à parler suisse à Neuchâtel

L’exposition «Helvétismes», soutenue par le Forum du bilinguisme, se penche sur ces particularités linguistiques de notre pays.

Photo David Marchon

Stéphane Devaux

«Il a bu un schlouck de schnaps avec son ristrette, a croqué une flûte et a quitté son stamm; son collègue alémanique a laissé son Chauffeur réparer son Pneu et a enfilé un Tricot avant de filer au Soussol de son Chalet.»
Cette historiette n’a pas de sens; pourtant elle en dit long sur les échanges linguistiques propres à la Suisse. Le Welsche mâtine ses phrases de mots empruntés à l’allemand, voire à l’italien, et le Suisse allemand truffe les siennes de termes francophones, la majuscule en plus. Le Tessinois fait un peu pareil, au risque de ne pas être compris à Milan.

Emprunts mutuels
Ces emprunts mutuels, qui font sourire autant que réfléchir, composent une partie des helvétismes, ces mots ou ces expressions propres à la Suisse, mis en valeur dès dimanche au Centre Dürrenmatt de Neuchâtel. Un musée en terre francophone dédié à un écrivain germanophone et conçu par un architecte tessinois et italophone. Un vrai bout de Confédération, donc.

Cette exposition trilingue, interactive et participative illustre la «volonté de favoriser le multilinguisme en Suisse», souligne Madeleine Betschart, directrice du Centre Dürrenmatt. «L’objectif était de proposer une lecture large des helvétismes et de mettre en évidence l’influence mutuelle des langues.» Objectif partagé par de nombreuses institutions, Schweizerischer Verein für die deutsche Sprache, Observatorio linguistico della Svizzera italiana, Forum du bilinguisme ou encore Centre de dialectologie et d’étude du français régional de l’Uni de Neuchâtel.

Sans oublier le Forum Helveticum, structure vouée à la compréhension entre les cultures et les langues dans notre pays. Sa directrice, Christine Matthey, a souligné lors de la présentation à la presse la «cohérence» de ces efforts en commun «pour défendre une cause qui nous est chère».

Pour autant, l’exposition «Helvétismes» a été imaginée pour tous les publics. Ludique, elle emprunte aussi le ton de l’humour, notamment lorsqu’on s’amuse à suivre, sur plusieurs écrans juxtaposés, des extraits d’interventions parlementaires aux Chambres. Quelle que soit la langue, on savoure les formules propres à la politique fédérale. Quel autre pays au monde est gouverné par un Conseil fédéral?

Jusqu’au procès
Un volet de l’exposition est consacré à Dürrenmatt lui-même. Lui qui a passé presque toute sa vie à cheval sur la frontière des langues allemande et française, a toujours revendiqué l’utilisation d’helvétismes dans son œuvre. Au grand dam de ses éditeurs allemands. Il est même allé jusqu’au procès avec le magazine «Stern», qui voulait gommer tous les termes trop suisses selon lui des textes appelés à paraître sous la signature de l’écrivain et dramaturge bernois! A un spectateur allemand lui demandant de parler Hochdeutsch, il avait répondu: «Ich kann nicht höher!»

Le vernissage, qui a eu lieu dimanche, a cheminé tout près du «Röstigraben», grâce à la chanteuse (biennoise) Phanee de Pool et le collectif (neuchâtelois) U-Zehn, spécialisé dans la sérigraphie. Après le 21 juillet, l’exposition, prévue pour être «à l’emporter», partira pour un grand tour de Suisse. Première étape, Lucerne, à partir du mois d’octobre. Sûr que ça va jouer...

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