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Reconvilier

Après le curé, le meunier de Cucugnan!

Dans le Jura bernois et même beaucoup plus loin, le combat d’Olivier Hofmann, célébrissime boulanger de Reconvilier, en faveur d’un pain de haute qualité, ne passe jamais inaperçu. Même remarque en ce qui concerne sa passion pour le recours à des céréales anciennes.

Pierre-Alain Brenzikofer

Pourtant, l’homme n’a de cesse d’innover et de se perfectionner. Dans cette optique, il a convié dans son fief une autre célébrité, française cette fois. Evocation de Roland Feuillas, meunier de Cucugnan, mais aussi boulanger et paysan. Oui, un autre traditionaliste impénitent. Son but? Galvaniser le label «Pain 100% Nature», dont le cahier des charges est plus qu’impressionnant. On y revient ci-dessous. La preuve qu’après les cuisiniers, on célèbre désormais aussi les grands boulangers et les maîtres de l’affinage, à l’image de Bernard Antony, le fameux «éleveur de fromages» de Vieux-Ferrette connu sur les cinq continents.

Histoire d’en revenir à Roland Feuillas, il débarquera donc chez Olivier Hofmann mercredi prochain, certes pas pour le mettre dans le pétrin. Quoique... Après quelques «réglages», le visiteur sera à l’œuvre le samedi 2 février dans le fief de son compère. Une authentique fête du pain à laquelle le public est évidemment convié.

Tout commenceà Cucugnan

Mais revenons furtivement à Cucugnan. Ceux qui connaissent ce petit village de l’Aude, cet authentique joyau, plutôt, savent forcément qu’un certain Alphonse Daudet a évoqué le sermon du curé local dans ses «Lettres de mon moulin». Ah! le sermon du curé. Paraît que l’Alphonse aurait un peu repiqué l’histoire, laquelle a encore été ramenée en langue occitane par l’impénitent Achille Mir. Ce dernier a donné son nom au petit théâtre local, où l’on présente toute l’année un spectacle plutôt drôle justement intitulé «Le sermon du curé de Cucugnan». Et comme nous sommes dans les Corbières, région de vin par excellence, on vous conseille aussi «Le pot du curé», nectar ma foi fort sympathique. Et accessoirement la cuvée Peyrepertuse, du nom du château tout proche et qui se traduit par... Pierre-Pertuis!

On s’en voudrait d’achever ce tour d’horizon sans évoquer ce que les catholiques ont appelé «l’hérésie cathare». Soit ces dualistes un brin intransigeants, persuadés que la Terre est le royaume du Diable pendant que les Cieux sont celui de Dieu. D’ailleurs, même un certain Jésus avait clamé que son royaume n’était pas de ce monde. Ceci est une autre histoire. Pour en revenir à Cucugnan et aux cathares, le village abrite l’une des plus belles forteresses justement dites cathares, l’impressionnant nid d’aigle de Quéribus.

Sacrée filiation

Curé, cathares, moulin, passé, religion: autant de mots qui ne pouvaient qu’inspirer un esthète et un quêteur comme Roland Feuillas. Et interpeller Olivier Hofmann, par la même occasion: «Notre hôte est tout à la fois agriculteur, meunier et boulanger. Il contrôle littéralement toute la filière, s’émerveille le boulanger de Reconvilier. C’est un extrémiste qui n’utilise que des céréales anciennes.»

Les deux compères se sont rencontrés au Salon du goût, à Turin. De cette entrevue, en plus d’une solide amitié, nos chevaliers du bon pain ont ramené une même vision de la boulangerie: «Roland Feuillas a beaucoup plus d’expérience que moi, précise modestement Olivier Hofmann. Lequel se réjouit de l’accueillir à Reconvilier: «Après quelques essais, nous serons opérationnels dès jeudi. Comme quoi, nous pourrons proposer du pain samedi 26 janvier.»

Une aubaine à laquelle est forcément conviée l’heureuse population. Des détails suivront.
Pour la petite histoire, c’est à titre personnel qu’Olivier Hofmann a invité son illustre confrère. Mais comme il est aussi membre de Cultura Bellelay, il aura recours samedi au glorieux four banal (c’est son nom) et néanmoins mobile que l’association précitée a fait construire. Cette dernière, on le sait, s’intéresse aussi beaucoup aux céréales anciennes du côté de Bellelay et notamment à l’épeautre. On en déduira tout à la fois que le monde est petit et que la boucle est bouclée!

«A ce propos, Roland Feuillas est un peu le Bernard Heiniger de l’Aude, s’amuse Olivier Hofmann en faisant allusion au célèbre héraut qui a presque financé à lui seul l’orgue de Bellelay. Mon collègue français a en effet racheté le moulin de Cucugnan et l’a totalement réhabilité. Il est d’ailleurs pleinement opérationnel. Enfin, cet homme possède un sacré bagage. Ingénieur de formation, il a mené de nombreuses études sur les liens du cerveau. Mais comme il retapait déjà le four à pain quand il était enfant, il a été rattrapé par sa passion en devenant meunier, boulanger et agriculteur.»

Motiver les paysans

A ce propos, les deux boulangers ont véritablement à cœur de motiver les paysans pour qu’ils aient recours à des céréales anciennes.
Preuve que chez ces deux-là, le pain n’est pas seulement l’affaire du prochain!

Un label 100% nature

Sacré cahier des charges! Les deux boulangers ont pour objectif de soutenir conjointement le label «Pain 100% Nature». Lequel consiste en un signe distinctif permettant de valoriser un produit par rapport à un autre en mettant en avant ses spécificités. Corollaire, le consommateur doit alors pouvoir le reconnaître.

Roland Feuillas a envoyé à ce propos à Olivier Hofmann un cahier des charges pour le moins exigeant. Qu’on essaye de résumer le mieux possible sans patiner dans la semoule.

Côté semences, il s’agira de travailler uniquement avec des blés de variétés anciennes. Soit des semences non hybridées et n’appartenant pas à une lignée pure, qui demeurent totalement fertiles et permettent chaque année de prélever une part de la récolte pour semer l’année suivante. Au bout du compte, on obtiendra une large palette nutritionnelle et des pains plus digestes, car contenant des glutens réputés mieux assimilables.
Les méthodes culturales prévoient qu’on élève les blés comme des organismes sauvages, sans insecticides, pesticides, herbicides et engrais. La mouture devra être réalisée en un seul passage, pour conserver l’intégralité du germe. Quant à la pétrie, elle devra être courte pour maintenir les qualités de la farine. La fermentation sera obtenue exclusivement sur levain naturel et l’utilisation du sel réduite au minimum. Le pointage sera d’environ 15 heures. Les opérations? Manuelles, sans brutalité, s’il vous plaît. La cuisson? Lente, forcément!

Respect Chaque boulanger adhérant à la charte précitée devra s’engager à respecter tous ces points. Le pain provenant de Pologne n’a qu’à bien se tenir...

 

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