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Jubilé

«Au boulot à 7h, même après les matches»

Carlo Valenti prendra sa retraite à la fin du mois de mars. En tout, il aura travaillé 48 ans au sein de l’entreprise Gassmann SA. Il revient sur son travail et sa carrière en parallèle au HC Bienne.

Carlo Valenti vient résoudre les problèmes informatiques dans la rédaction du Journal du Jura. Photo:Raphael Schaefer

par Beat Kuhn, traduction Marcel Gasser

S’il avait encore ses cheveux, ils seraient à coup sûr tout blancs, et Carlo Valenti ferait alors son âge. Mais grâce à son crâne chauve, il fait plus jeune, et on a de la peine à croire qu’il aura 65 ans le 16 mars et qu’il prend sa retraite à la fin du mois, après 48ans de fidélité à l’entreprise Gassmann SA. «Ma calvitie date du gigathlon de l’Expo.02. Dans les vestiaires, quand j’ai vu un participant se raser le crâne, je me suis procuré un rasoir et j’ai fait disparaître la couronne de cheveux qui garnissait encore mon crâne à l’époque», raconte-t-il.
Une photo autographiée de l’époque où il jouait au HCBienne montre de quoi il avait l’air avec des cheveux. «Vous pouvez la garder, il m’en reste encore pas mal d’autres, je ne les ai pas toutes distribuées», dit-il avec la malice qui le caractérise.

Typographe, comme papa
Avec ses 48 ans de service, il aura travaillé plus longtemps chez Gassmann que son père francophone, un typographe de profession qui a travaillé un peu plus de 40 ans au Journal du Jura, au service du soir, du dimanche au vendredi.
Quand il était gosse, Carlo entrait et sortait librement chez Gassmann, alors à la rue Franche. Après le divorce de ses parents, il allait souvent voir son père sur son lieu de travail. «En été, je voulais surtout lui extorquer 50 centimes, pour pouvoir aller à la piscine le lendemain», raconte-t-il, amusé. «L’entrée coûtait 30 centimes, et une grosse tranche de pain à la moutarde 20 centimes.» Au gré de ses visites, le petit Carlo a donc eu tout loisir de contempler comment les lettres en plomb se transformaient en mots et en phrases.
La rotative, sur laquelle le Journal du Jura et le Bieler Tagblatt étaient imprimés, le fascinait à tel point qu’il sut relativement tôt qu’il deviendrait typographe, comme son père. Mais le jour, et non le soir. «Une fois, j’ai bien voulu essayer dans la boulangerie, mais quand j’ai frappé à la porte, la machine à pétrir faisait tellement de bruit que personne n’a entendu et que je m’en suis retourné bredouille à la maison.»

Du plomb à l’ordinateur
Carlo Valenti a fait son apprentissage de typographe dans la dernière volée d’apprentis encore formée sur des matrices en plomb, un système qu’il a encore pratiqué durant les trois premières années de sa carrière professionnelle. Puis, à la fin des années70, la maison Gassmann s’est convertie à la technique de la photocomposition, révolutionnaire à l’époque.
Après 500ans d’imprimerie avec des caractères en plomb, on imprimait désormais par tirage du film, une technique qui exigeait de gros ordinateurs. Au début des années 80, Carlo Valenti passa au traitement électronique des données, comme on qualifiait jadis l’informatique.
Cette technologie en plein essor nécessita de sa part la fréquentation de nombreux cours afin d’acquérir les connaissances nécessaires. Au milieu des années 80 débuta l’ère des PC (personal computers) avec le Macintosh d’Apple: chacun avait désormais son petit ordinateur personnel sur son bureau.
Carlo Valenti se souvient avoir découvert cette nouvelle technologie à Londres, lors d’un congrès consacré à la presse: une page de journal entière, avec les photos, y était projetée sur grand écran à partir de l’écran d’un Macintosh. «Cela ne s’était jamais vu, tout le monde en bavait des ronds de chapeau.»
La carrière de Carlo Valenti comme joueur de hockey sur glace doit également beaucoup à la maison Gassmann, mais elle a commencé sans aucun lien avec elle. A l’âge de 11 ans, il vivait en effet avec sa sœur chez sa mère germanophone, à la Longue-Rue, à Boujean, en face de l’ancien Stade de Glace. Chaque jour, à midi et après l’école, il jouait auhockey avec les gosses du quartier.

L’ère Willy Gassmann
Un jour, Stu Cruishank, alors entraîneur du HCBienne, les a regardés jouer un moment, puis a invité les meilleurs d’entre eux à participer, le mercredi après-midi suivant, à un tournoi d’écoliers. «Je me souviens qu’il avait même établi une sorte d’autorisation que nous avions dû faire signer à la maison. C’est ainsi que j’ai été découvert par le HCBienne.»
Son premier grand moment, c’est quand son équipe, contre toute attente, est devenue championne suisse juniors. Et son deuxième, c’est quand il a reçu une canne toute neuve des mains d’une star qu’il adulait, Charly Greder. «A l’époque, j’étais très timide.»
Entre 1956 et 1982, le président du HCBienne s’appelait Willy Gassmann, éditeur du Bieler Tagblatt et du Journal du Jura. Il soutenait le club matériellement, notamment en procurant du travail dans son entreprise à plus d’un joueur. Outre Carlo Valenti, Köbi Kölliker, Aldo Zenhäusern ou encore Georges Aeschlimann en ont bénéficié.
C’est grâce au soutien financier de Willy Gassmann que le HCBienne a pu vivre ses moments les plus glorieux. A la suite de la saison 1959/60, le club est monté en ligue nationale B, puis en ligue nationale A à l’issue de la saison 1974/75, enchaînant immédiatement avec un titre de vice-champion suisse. L’ère Gassmann connut son couronnement avec les titres de champion suisse obtenus en 1977/78, en 1980/81 et enfin, après le départ de son président, en 1982/83.
Carlo Valenti a joué dans la première équipe à partir de 1974/75, contribuant d’entrée de jeu à la promotion du club en ligue A. Puis il participa aux deux premiers titres de champion suisse. En revanche, il ne figurait plus dans l’effectif de la première équipe lors de la saison 1982/83. A sa décharge, il faut relever qu’à l’époque le cadre comptait bien moins de joueurs qu’aujourd’hui. Carlo Valenti a toutefois poursuivi sa carrière de hockeyeur en ligue A d’abord à Lausanne (1982/83), puis à La Chaux-de-Fonds (1983/84 et 1984/85), avant de revenir à Bienne (1985/86). Par la suite il embrassa durant quelques saisons la carrière d’entraîneur, notamment au SC Lyss, en 1re ligue, avant d’entraîner pendant 17ans les juniors du HCBienne.
Les joueurs que Willy Gassmann engageait dans son entreprise ne bénéficiaient d’aucun privilège. On exigeait d’eux les mêmes performances que des autres employés. Au contraire: à cause de leur sport, ils devaient consentir à plus d’efforts que tout le monde. «Le lendemain d’un match, nous commencions quand même à 7h», se souvient-il. «Et nous étions très, très loin de toucher les salaires à six chiffres d’aujourd’hui.» Mais Willy Gassmann savait se montrer généreux: lorsque l’équipe finissait un championnat à l’une des trois premières places, il invitait toute l’équipe à un voyage outre-mer. C’est ainsi qu’après le premier titre de champion suisse, tout le monde a passé deux semaines aux Bahamas.

En minibus aux concerts
Carlo Valenti se réjouit d’être à la retraite. «J’aurai tout le temps devant moi pour faire de la voile et du surf aux Caraïbes», sourit-il. Faire du VTT dans le Jura bernois est également à son programme. «Et puis je me suis acheté un minibus, avec lequel j’ai l’intention de parcourir l’Europe, notamment pour assister à des concerts de rock. J’en ai déjà vu plus de 1000, de Led Zeppelin à David Bowie, en passantpar les Rolling Stones, que j’ai vus six fois.»
En juin, il s’offrira le concert d’Eric Clapton à Londres, histoire de fêter dignement son 65e anniversaire.

Carlo Valenti a participé à l’ascension du HC Bienne dans les années 70 et 80.  LDD

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