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Denys Mathey

«Au moins, on a échappé à Johnny!»

Etabli à Bruxelles depuis plusieurs années, le célèbre auteur de «bandes gribouillées» relativise le sentiment d’apocalypse décrit par certains médias

Denys Mathey: à Bruxelles, le Tramelot ne se laisse certes pas terroriser par les terroristes! Grégory Brodard-Telebielingue

Pierre-Alain Brenzikofer

Bruxelles en état de siège et de choc pour cause d’alerte jihadiste maximale? Établi dans la capitale belge depuis une semi-éternité, le Tramelot Denys Mathey, placide électron libre de la planète BD, va jusqu’à jouer les Einstein pour clamer que tout est relatif. C’est que l’auteur de «Titus et Grominus», «Invasion?» et «Planète Fars» a l’esprit rebelle des vrais punks.

Pas question, pour lui, de ramper à la moindre alerte. En observateur attentif – on n’allait quand même pas écrire privilégié –, il a bien voulu nous confier ses impressions. À sa façon, heureusement!

D’emblée, on lui a demandé de manière bien triviale si l’ambiance était un peu plombée dans la capitale des Belges.

«Pas vraiment, à franchement parler, nous a-t-il rétorqué tout de go. Bien sûr, tout le monde en parle, mais plutôt comme d’un danger lointain, les risques de se faire buter restant malgré tout très faibles. Quand on connaît la mentalité bruxelloise, on trouverait étonnant qu’ils se mettent à chialer! C’est même devenu un nouveau sujet de plaisanterie. Pour les gens, en tout cas. Pour les responsables politiques, ça reste forcément une affaire sérieuse.»

Alerte maximale

À tel point que l’état d’alerte est toujours de mise. Comme le confirme Denys Mathey, c’est même le niveau 4 (sur 4, donc maximal), jusqu’à lundi prochain au moins: «Ça veut dire plein de flics un peu partout et un paquet de soldats ‹en campagne›.

Il s’agit souvent des patrouilles mixtes, un cop pour pouvoir exiger les papiers et deux paras pour si ça devait chauffer... Ça donne des images assez pittoresques, blindés devant les bâtiments sensibles, commandos cagoulés, etc.

On pourrait se croire à Sarajevo ou ne je sais pas où. Mais on est bien conscient que ça n’a rien à voir avec les vraies situations de guerre! Les quatre premiers jours, le métro était carrément à l’arrêt, je vous dis pas le bordel. Mais il se rétablit progressivement depuis ce matin (ndlr: mercredi matin). Et les écoles viennent aussi de rouvrir aujourd’hui...»

Comme on peut parfaitement l'imaginer depuis la Suisse, cette situation a eu d’inévitables répercussions sur les bistrots et les commerces, notamment. Eh bien, s’ils ont tous rouvert leurs portes, la clientèle ne se presse pas au portillon et le chiffre d’affaires s’en ressent, foi de témoin «privilégié». Tous ces établissements craignent surtout de voir l’état d’alerte demeurer au niveau 4 pour le Marché de Noël.

Pauvre Jojo

Et quid de la planète fun? «Forcément, bon nombre de spectacles et de rencontres sportives ont été annulés pour pouvoir dégager davantage de policiers sur les endroits potentiellement chauds. Y a quand même du bon dans tout ça, voire de l’excellent: le concert de Johnny est passé à la trappe! Hahaha!» Sacré Denys:on ne le changera pas. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’a pas modifié d’un iota son mode de vie, ainsi qu’il nous l’a confié de manière péremptoire.

Au fait, les gens auraient-ils peur? «Je ne crois pas vraiment. Quelques mères vaguement inquiètes de renvoyer leurs gosses à l’école, peut-être?»

Quoi qu’il en soit, on imagine bien que pareille situation aura d’inévitables répercussions sur le tourisme, notamment en prévision des fêtes de fin d’année...

«Difficile à dire, répond le gribouilleur. Mais avec le foin que fait la presse étrangère, c’est effectivement un risque. Mais bon, qui diable pourrait avoir envie de visiter Molenbeek? Personnellement, j’y suis peut-être passé trois fois en trente ans. Y a rien à y faire... C’est vrai que la plupart de ces cinglés ont vécu là. Mais même si la population est à 30% immigrée, pour la plupart maghrébine, c’est pas tous des terroristes!»

À propos de ce quartier, notre homme tient dur comme fer à une nuance de taille: «Damned! ça ne se prononce pas ‹molenbèque› comme à la télé frouze, mais bien ‹môlenbéék› en laissant traîner le ‹é› assez longtemps.» Exactement comme on prononce Tââââââvannes! C’est vrai, quoi, un peu de respect pour les locaux.

En égard à ce qui précède, on aura forcément deviné que Denys Mathey ne fuira pas Bruxelles pour se planquer à Tramelan, cité qui est un peu son île d’Avalon. Comme d’hab, il rentrera pour Noël et Nouvel-An afin de se ressourcer, voir sa famille et ses potes. Et écouter à coin «The Who Live at Leeds» avec son frère Laurent.

De quoi en faire une BD

Au fait, le psychodrame bruxellois sera-t-il de nature à lui inspirer une bande gribouillée?

«Eh bien, il est possible que le terrorisme s’insinue dans un futur ‹Titus et Grominus›, avec des Gaulois fanatiques de Toutatis, mais faut voir!» Admettez que ça vaudrait le détour! Qui sait, peut-être une des grandes nouveautés de Tramlabulle 2016.

Côté boulot, l’homme est en train de travailler sur le troisième épisode de sa série SF «Invasion?», comme il s’efforce de mettre en marche un album avec le fameux «Cyberzooï», ce personnage que les heureux lecteurs du Journal du Jura ont pu découvrir en première mondiale le jour de l’ouverture de Tramlabulle 2015.

Pas qu’aux autres

Et puisqu’il doit forcément y avoir une morale pour pareille histoire, on laissera évidemment le soin à Denys Mathey de nous la faire.

«Pour tout dire, philosophie un brin l’intéressé, partant du principe, certes un peu hasardeux, que ‹ça n’arrive qu’aux autres›, je suis presque content de voir Bruxelles baignée dans cette ambiance un peu surnaturelle. Le week-end passé, recommandations gouvernementales aidant, la ville était presque déserte. C’était vraiment chouette d’avoir la Grand-Place pour soi tout seul!»

 

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