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Bienne

Bienne favorable au droit de vote pour les étrangers

Les conseillers de ville Miro Meyer et Levin Koller (Juso) ont déposé un postulat pour étendre le droit de vote aux étrangers.

L'Exécutif biennois est favorable à l'introduction du droit de vote pour les étrangers. Mais il est limité par la législation cantonale qui ne l'autorise pas. Photo: Archives

Lino Schaeren / Traduction Marcel Gasser

Les conseillers de ville Miro Meyer et Levin Koller (Jeunes Socialistes) souhaitent introduire à Bienne le droit de vote pour les étrangers. Ils estiment que dans la ville qui affiche le taux d’étrangers le plus élevé du canton, tenir à l’écart de toute participation politique un tiers de la population est «une injustice flagrante». Par postulat, les deux parlementaires ont donc demandé au Conseil municipal de soutenir auprès du gouvernement cantonal l’idée d’accorder le droit de vote aux étrangers sur le plan communal. Dans sa réponse, le Conseil municipal déclare qu’il est favorable à l’introduction de ce droit de vote et qu’il le soumettrait aujourd’hui même au Conseil de ville s’il le pouvait. Mais il ne le peut pas.

Pas la première tentative

En effet, le canton de Berne ne prévoit pas de droit de vote pour les étrangers, même à l’échelle communale. La dernière initiative (de gauche) dans ce sens a été balayée en 2010 par 71% des votants, le peuple ayant préféré suivre la recommandation du parlement cantonal, à prédominance bourgeoise, plutôt que celle du gouvernement. Les partisans estimaient que tous les citoyens devaient être soumis aux mêmes devoirs et aux mêmes droits, et considéraient le droit de vote pour les étrangers comme un bon moyen d’intégration. Les opposants considéraient au contraire que l’intégration politique des étrangers ne devait pas s’effectuer au moyen du droit de vote, mais par le biais de la naturalisation. La défaite de 2010 n’était pas la première: en 1994 déjà, une initiative semblable réclamant le droit de vote pour les étrangers à l’échelle cantonale et communale avait clairement échoué, ce qui avait poussé le Conseil exécutif bernois à demander au Grand Conseil de modifier la loi afin de l’autoriser au moins sur le plan communal. Devant le refus du Législatif, la minorité de gauche avait alors lancé son initiative, sans succès.

Tradition suisse-alémanique

En s’accrochant au statu quo, Berne se range dans une tradition solidement ancrée en Suisse alémanique. Alors qu’en Suisse romande, où la gauche est plus fortement implantée, le droit de vote pour les étrangers existe depuis des décennies, en Suisse alémanique seuls les cantons des Grisons, d’Appenzell Rhodes-Extérieures et de Bâle-Ville l’autorisent à l’échelle communale, et seule une infime minorité de communes l’a introduit. C’est dans les zones urbaines que la volonté de changement se manifeste le plus. Ainsi la socialiste Corine Mauch, maire de Zurich, a déclaré cet été qu’elle souhaitait désormais laisser les étrangers voter. Le gouvernement de la plus grande ville de Suisse a donc exigé une modification de la Constitution cantonale allant dans ce sens. Le parlement cantonal s’est saisi de l’affaire hier et a soutenu le principe de cette initiative des autorités. Le Grand Conseil devra se prononcer une deuxième fois, et si la majorité de 180 voix est atteinte, la voie sera libre pour lancer une initiative populaire dans le canton de Zurich.

L’initiative des autorités est un instrument inconnu dans le canton de Berne, raison pour laquelle la ville de Bienne ne peut pas contraindre le Canton à statuer sur l’introduction du droit de vote pour les étrangers. Le Conseil municipal de Bienne conseille donc à Miro Meyer et Levin Koller de gagner à leur cause quelques députés du Grand Conseil, qui eux pourraient remettre l’affaire sur le tapis. Autre possibilité: lancer une nouvelle initiative populaire. Erich Fehr, maire socialiste de Bienne, estime que l’heure est venue de relancer le débat. «Sur le plan communal, nous prenons des décisions qui touchent directement aussi bien les Suisses que les étrangers», déclare-t-il, nullement découragé par les déroutes des initiatives précédentes. «La Suisse et le canton de Berne ont bien changé depuis 2010: la population s’est urbanisée, et les propositions de la gauche ont désormais tendance à trouver des majorités», estime-t-il, tout en revendiquant plus d’autonomie pour les communes. «En quoi cela dérangerait-il le Canton si les étrangers obtenaient le droit de vote en matière communale?», poursuit-il.

Un signal clair de l’Exécutif

Les postulants se montrent satisfaits de l’attitude affichée par le Conseil municipal biennois. «Nous espérions que l’Exécutif affiche un signal clair à ce sujet, c’est chose faite. Il est désormais possible de hisser cette thématique à un niveau supérieur. Le droit de vote pour les étrangers n’est plus uniquement une requête émanant des partis politiques, mais le souhait de beaucoup de communes», déclare Miro Meyer.

La population biennoise s’est d’ailleurs déclarée favorable à une participation accrue des étrangers à la vie politique communale. En 2018, un sondage représentatif plaçait même ce sujet à la deuxième place des priorités. Ce qui ne signifie pas que le droit de vote pour les étrangers trouverait une majorité en cas d’initiative. En 2010, Bienne l’avait en effet rejeté à 61,8%, et le sondage de 2018 avait révélé qu’une courte majorité défendait encore l’idée que les étrangers devaient d’abord acquérir la nationalité suisse avant de jouir du droit de vote.

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