Vous êtes ici

Abo

Moutier

Ça graffe sévère

Connu pour ses œuvres géantes peintes sur l’herbe, l’artiste Saype était à l’école du Clos pour initier ses 180 élèves à l’art du graffiti.

Avec l’artiste Saype, les élèves du Clos graffent dans le préau. Photo: Stéphane Gerber

Par Vincent Nicolet  | Photos Stéphane Gerber

Il faut tenir la bonbonne à deux mains, et appuyer à grand renfort des pouces pour que la peinture jaillisse des capuchons et vienne se poser, avec plus ou moins de succès, sur leurs feuilles de papier glacé. Dans le préau, des élèves de sept ans sont absorbés par leur tâche. Personne ne prête attention à la cloche qui vient de sonner la récré. Guillaume Legros, alias Saype, slalome entre les groupes de camarades et donne ses conseils, «Si tu te mets à cette distance de la feuille ça ne fera pas de flaque». «T’as fait lequel toi?», demande un élève à son copain encore assis par terre. Le public s’est formé et scrute, le temps de la pause, la scène qui se déploie dans la cour.

Entre lundi et mardi, les neuf classes de l’école primaire du Clos ont eu droit à leur initiation à l’art du graffiti. C’est que Saype, qui vient d’inaugurer sa fresque éphémère de 15000m² au pied de la tour Eiffel, a lui appris tout seul. «Je trouve qu’avoir quelqu’un qui montre une technique et partage un moment sympa peut ouvrir des portes, créer de l’émotion. C’est con à dire, mais le fait que tu sois connu fait que les gosses, tu les captes vachement mieux. Et moi, ça a été une sorte de révélation dans ma vie de trouver un moyen d’expression manuel qui développe l’imagination», explique-t-il.

Les enfants s’emploient à dessiner leurs planètes et leurs astres. «Ils kiffent de ouf!» sourit Saype. Pour la grande sphère, un bol retourné sur la feuille dessinera son contour. Pour la petite, poser une bonbonne sur la feuille suffit. «On peut tout faire en bleu?», demande João, le doigt en l’air. Et pour faire les comètes, on retourne le spray pour poser le capuchon sur la feuille. Une petite pression et la peinture s’élance.

Les enfants se mettent au travail sous l'oeil bienveillant de Guillaume Legros, alias Saype, et de son assistant Lionel Koch-Mathian.

Un lien particulier
C’est Monia Koenig, directrice adjointe de l’école et connaissance de Saype qui a lancé l’idée de ces deux jours d’ateliers. «C’est un ami de la famille. On en a discuté pendant la fête de la vieille ville de Moutier où il faisait des animations». Pas compliqué de faire venir l’artiste dans une région qu’il connaît et qu’il affectionne particulièrement. Entre cinq projets d’ici fin octobre, trouver un créneau de libre est en revanche plus ardu. «De début mai à fin septembre c’est toujours hyper charrette», concède Saype. Alors ces deux jours à Moutier, ils sont posés depuis six mois. Un plaisir de revenir à l’endroit où il s’est découvert artiste, aussi, alors qu’il était infirmier à 80% à l’Hôpital du Jura bernois. «Je me sens hyper proche de la région. Depuis que je suis arrivé à 21 ans, elle m’a beaucoup apporté. Pour la qualité de vie, la qualité de travail, je m’y suis vraiment attaché». Il y revient d’ailleurs en 2017, à l’inauguration de la Transjurane, pour agrémenter l’A16 d’un portrait géant de mineur ayant travaillé dix ans sur cette autoroute.

Devant l’entrée de l’école primaire du Clos, les billes mélangeuses raisonnent dans leurs bonbonnes de peintures secouées. Il faut s’appliquer pour faire l’intérieur des planètes. Sans trembler, Clara retire le papier journal froissé qu’elle vient d’appliquer sur la couleur encore fraîche. «J’ai choisi le violet parce que j’aime bien, dit-elle. Chez moi j’ai beaucoup de trucs de peinture. Je dessine aussi des planètes, mais avec des aliens et je dessine le tour au crayon d’abord. Ouah ça donne bien! João tu me passes le vert s’il te plaît?».

C’est la première fois que João, en 6e Harmos, utilise une bonbonne de graffeur. A 11 ans, Clara a, elle, déjà de l’expérience.

Des murs aux pâturages
Comme Clara, Guillaume Legros était un enfant appliqué et studieux, en primaire du moins, dans le top du classement de sa classe. «Les choses se sont gâtées au lycée», dit l’artiste originaire de Belfort. Son ami d’enfance et assistant Lionel Koch-Mathian acquiesce en souriant. «Ouais c’est vrai, après on allait souvent faire des bêtises ensemble». C’est autour des 14 ans que Guillaume se consacre à la peinture. Du graff et des fresques murales qu’il pratique à côté de ses études. Petit à petit, son travail se déploie dans la rue puis en galerie. En 2013, celui qui travaille également sur plexiglas est un des premiers à expérimenter la peinture sur herbe. Créateur de gigantesques fresques éphémères, dans les Alpes notamment, avec un mélange de craie et de charbon 100% biodégradable, il s’attache à peindre son questionnement autour de l’être humain.

Ses œuvres inédites sont exposées jusqu’au 30 juin au POPA de Porrentruy.

Dans l’odeur de la peinture qui se dissipe, les enfants appellent Saype. Leurs œuvres terminées, il ne manque plus que la signature. Après leur avoir demandé leurs prénoms, Guillaume s’applique au poinçon. «Il faut mettre une vague sur le «a»», s’exclame João. Derrière lui, Link explique s’être donné beaucoup de mal. «C’était dur parce que si on reste longtemps appuyé ça fait mal aux doigts». En plus de sa signature, il paraît que Saype dessinera leur jeu de char du préau, et le hâte-toi lentement!

Mots clés: Moutier, Saype, Gaffiti, Art, Ecole

Articles correspondant: Région »