Vous êtes ici

Abo

Assainissement des sols

Ce plomb qui pollue nos stands de tir

La Confédération a fixé des objectifs en matière de décontamination des installations de tir. Des récupérateurs de balles doivent notamment être installés. La commune de Reconvilier s’attelle à ces aménagements onéreux

A Reconvilier, les rondins de bois seront remplacés par des récupérateurs de balles dès le printemps prochain. Stéphane Gerber

Catherine Bürki

Un regard fixe, des mains immobiles, un doigt qui presse délicatement sur une gâchette et un coup qui part. Le scénario n’a rien d’exceptionnel. Il se répète même quotidiennement dans les nombreux stands de tir que compte le Jura bernois.

A priori anodin, le geste a toutefois des conséquences fâcheuses. Lâchées dans la nature, les petites balles de plomb laissent traîner derrière elles un paquet de composants réputés agressifs pour l’environnement.

De quoi faire tiquer la Confédération qui, depuis quelques années, contraint communes et sociétés de tir à prendre des mesures pour stopper la contamination des sols.

50% de balles perdues

A Reconvilier notamment, la problématique est des plus actuelles. Par ordre de la Confédération, les autorités communales – propriétaires du terrain sur lequel se trouvent les cibles et la butte pare-balles du stand de tir – s’apprêtent en effet à installer huit récupérateurs de balles. «Il s’agit de grosses caisses métalliques placées derrière les cibles. Les projectiles viennent taper contre et tombent dans un réceptacle», explique Marc Voiblet, conseiller communal en charge des Travaux publics à Reconvilier.

Des plus modernes, le système a pour avantage de garantir une récupération quasi totale des munitions utilisées. De quoi permettre aux tireurs de Reconvilier d’améliorer leur bilan écologique.

«Pour l’instant, la société de tir installe des rondins de bois derrière les cibles pour tenter de récupérer les projectiles», indique Marc Voiblet. Et de relever que la technique n’est guère optimale. «Sur les 10000 balles de plomb utilisées chaque année, seul un petit 50% peut pour l’instant être retrouvé puis éliminé de manière convenable», relève le conseiller communal.

«Le reste termine sa course dans la butte pare-balles située derrière les rondins et les cibles. Perdu dans la terre, le plomb rouille, s’infiltre et contamine le sol avec un potentiel risque d’aller jusqu’à toucher des nappes phréatiques», poursuit-il

Pas de subvention

Avec pareille quantité de plomb perdue chaque année dans la nature, Marc Voiblet ne remet pas en cause l’obligation fédérale de munir tous les stands de tir de récupérateurs de balles.

«Il est normal de veiller à protéger notre nature. Il faut penser à l’avenir, on ne peut pas tout détruire sans restriction.»

Là où le bât blesse, c’est du côté des finances. Pour installer ses huit récupérateurs de balles, la commune de Reconvilier devra en effet débourser quelque 60000 fr.

Un investissement relativement conséquent pour la commune, dont le budget est largement déficitaire. «Ni le canton ni la Confédération n’accordent de subventions pour ces installations», relève Marc Voiblet, qui précise toutefois recevoir une participation de 10000fr. de la société de tir.

«Il est rare qu’il revienne à une commune de payer pour ces récupérateurs de balles. La plupart du temps, le terrain appartient aux sociétés de tir et c’est donc à elles qu’incombe le paiement des aménagements», précise-t-il.

Risque de fermeture

Reste alors à savoir si pareil investissement est assumable pour de petites associations locales. Questionné à ce sujet, Jacques Ganguin, chef-adjoint de l’Office des eaux et des déchets du canton de Berne, est catégorique.

«De manière générale, les propriétaires d’installations de tir qui ne sont pas situées à proximité d’un captage d’eau potable ont jusqu’à 2020 pour se mettre aux normes. Elles en ont déjà été informées en 2009 et ont donc eu le temps de trouver des solutions, comme faire des provisions financières», estime-t-il.

Quid en cas de non-respect des délais? «Il serait notamment possible de fermer le stand de tir», prévient Jacques Ganguin. S’il reconnaît que le délai imparti est respectable, Marc Voiblet regrette alors surtout que les autorités de Reconvilier aient laissé traîner les choses.

«Comme ça ne semblait pas urgent, on a attendu le dernier moment pour empoigner le dossier.» Et d’indiquer qu’avec la tenue, en 2017, de la Fête cantonale de tir à Reconvilier, la cadence a dû être accélérée.

«Il est important pour nous d’être aux normes pour accueillir cet événement. Nous ne pouvions donc plus attendre», indique-t-il, se réjouissant ainsi que l’assemblée communale ait accepté cette dépense mise au budget 2015.

Tramelan conquis

Si Reconvilier est actuellement en plein dans le dossier de la mise aux normes de ses installations, une grande partie des stands de tir de la région ont d’ores et déjà opté pour le récupérateur de balles.

C’est notamment le cas de la société de tir de Tramelan. «Comme il y a des sources d’eau à proximité du stand de tir, notre zone est considérée comme sensible et nous avions seulement jusqu’à 2012 pour nous mettre aux normes», explique Florian Chatelain, président de la société.

Chiffré à 50000fr., l’aménagement des récupérateurs de balles a alors été pris en charge dans sa totalité par la Municipalité de Tramelan.

Une chance, selon Florian Chatelain. «Cette charge aurait été difficilement assumable pour nous», confie-t-il.

Quant à savoir si les tireurs tramelots sont satisfaits de leurs nouveaux équipements, le président assure que oui.

«Pour l’environnement, c’est vraiment bien.»Et de glisser, tout sourire:  «Le seul petit inconvénient est que toutes ces balles récupérées pèsent lourd lorsque nous devons les transporter pour les éliminer!»

Articles correspondant: Région »