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Votation fédérale

Cessez de crier au loup!

Le comité «Loi d’abattage Non» a donné la parole aux experts, qui souhaitent prendre du recul pour que le débat ne se cristallise pas autour du canidé.

Les politiciens François Roquier et Moussia de Watteville entourent les experts Philippe Grosvernier, Alain Ducommun et Ernst Zürcher (de gauche à droite). Sébastien Goetschmann

Par Sébastien Goetschmann

Le peuple est amené à voter la révision de la loi fédérale sur la chasse, le 27septembre. Une proposition parlementaire qui manque totalement sa cible, estime le comité constitué d’associations locales, de Pro Natura, des Verts, du PSJB et du PSA. Des experts du terrain ont pris la parole pour défendre le non, hier, en conférence de presse.

«Tout le monde ou presque s’accorde à dire qu’il faut adapter cette loi, mais pas comme ça», assène Philippe Grosvernier, président du Centre d’études et de protection des oiseaux de Bienne et environs.

«De nombreuses recherches scientifiques ont été menées en Suisse et il semble qu’on les ait totalement occultées dans cette révision. Elle est truffée d’aberrations», poursuit l’écologue de Reconvilier.

Prenons l’exemple de la suppression de la perdrix grise de la liste des oiseaux chassable. L’objet est louable mais inutile, la perdrix grise ayant disparu de Suisse en 2019 et bien avant dans la région.

A contrario, le lagopède alpin, le tétras lyre ou le lièvre variable, dont les habitats se réduisent, poussés vers les sommets par le réchauffement, seront toujours chassables, de même que la bécasse des bois, qui voit elle aussi son environnement se rétrécir à cause des sécheresses.

Alors que de nombreuses espèces disparaissent les unes après les autres, on peut se réjouir du retour de l’aigle royal dans l’Arc jurassien. «Mais, selon les nouvelles dispositions, ce grand prédateur pourra être placé sur la liste des espèces à réguler dès lors qu’il s’attaquera trop à la faune locale», regrette Philippe Grosvernier.

 

Prédateur, pas nuisible
Alain Ducommun, président de Pro Natura Jura bernois, s’est demandé si les grands prédateurs étaient des concurrents pour les chasseurs et pêcheurs du Jura bernois. Outre le loup, le renard, l’aigle, la loutre, le héron cendré et le harle bièvre font également partie des espèces prédatrices.

«Concernant le loup, il n’est pas encore installé chez nous, mais il est présent dans le Jura vaudois et il va tôt ou tard prendre souche ici aussi», a-t-il indiqué.

«Il est tout à fait imaginable que lorsque cela arrivera, les chasseurs vont demander l’abattage ou du moins la régulation drastique de ce canidé, à l’instar de la polémique qu’avait suscité le retour du lynx.»

Le biologiste pense au contraire, qu’en dispersant les hardes d’ongulés, les grands prédateurs rendent la chasse plus attractive. Et qu’en éliminant en priorité les vieux individus et les bêtes malades, ils améliorent l’état sanitaire du gibier.

Propos confirmés par Maud Léchot, jeune chasseuse d’Orvin, qui indique que depuis le retour du lynx, les effectifs de chevreuils à tirer n’ont pas diminué et que celui des cerfs a même augmenté. «De plus, les ongulés ont retrouvé un comportement plus naturel en étant davantage méfiants à cause de la présence de ces prédateurs.»

 

Sauver les forêts
Ernst Zürcher, ingénieur forestier, s’est, lui, attardé sur le rôle régulateur du loup. «La surpopulation d’ongulés pose problème à nos forêts», affirme-t-il. «Le réchauffement implique une évolution de la gamme des espèces, qui comptent de plus en plus de sapins blancs, de chênes, de sorbiers ou de frênes. Des arbres qu’affectionnent les ongulés, qui mangent les jeunes pousses, empêchant ainsi l’adaptation des forêts.»

Ce phénomène que l’on nomme abroutissement, pourrait diminuer si la population de loups augmentait. Ainsi, le canidé est la solution plutôt que le problème.

De l’avis général, il faut aider les paysans, les pêcheurs et les collectivités à mettre en place des mesures de prévention adéquates, et non accepter une loi menaçant la biodiversité. «Car le loup n’est pas un danger pour l’homme. C’est bien connu, c’est l’homme qui est un loup pour l’homme», conclut Philippe Grosvernier.

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