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«Cet ouvrage est un produit unique dans le monde de l’édition»

L’«Atlas historique de la Suisse» est le premier de ce type depuis 70 ans. Grâce à ses 111 cartes et ses textes explicatifs, il permet une meilleure compréhension de l’histoire de la Suisse.

Cette carte présente le résultat de la votation du 23 juin 1974. On y voit qu’en Ajoie, le oui était bien plus timide qu’ailleurs, les communes d’Asuel, de Bonfol et de Roche-d’Or ayant voté non – et même à plus de 60% dans cette dernière. LDD

Par Philippe Oudot

Publié aux Editions Alphil, l’«Atlas historique de la Suisse» est un véritable événement pour la compréhension de l’histoire suisse. Cet ouvrage parcourt trois millénaires de l’histoire de la Suisse et réunit plus d’une centaine de cartes, accompagnées de courts textes explicatifs. Cet atlas est l’œuvre des deux historiens Marco Zanoli et François Walter. Le premier a conçu et réalisé toutes les cartes, alors que le second s’est chargé de la réalisation des textes.

Cet atlas présente l’histoire suisse non pas de façon isolée de ses contextes multiples, mais dans sa continuité avec les régions voisines. Il montre également que la Suisse est le fruit de constants changements et qu’elle n’a cessé de se faire, de se défaire et de se recomposer dans le temps et l’espace.

L’histoire suisse est aussi un puzzle de langues, de cultures, de religions, d’économies et de statuts différents qui s’imbriquent les uns dans les autres et évoluent dans le temps. Les cartes à la fois simples et détaillées et les textes qui les accompagnent offrent au lecteur une meilleure compréhension de l’histoire suisse.

Sur Wikipedia
L’idée de réaliser cet atlas est née il y a quelques années. «Un jour, l’auteur d’un livre que j’allais éditer m’a dit qu’il avait vu une carte sur Wikipedia et qu’il souhaitait l’utiliser», indique l’éditeur Alain Cortat. «Je me suis adressé à l’auteur, Marco Zanoli pour lui demander l’autorisation de la publier. J’ai repris plus tard contact avec lui, car j’avais besoin de quelques cartes, pour la publication du livre ‹Au service du dialogue interjurassien› que je préparais, consacré aux travaux de l’AIJ.»

En faisant encore quelques recherches sur cette encyclopédie en ligne, l’éditeur découvre une centaine de cartes réalisées par Marco Zanoli. «Je me suis dit qu’il fallait absolument que je le rencontre pour faire quelque chose ensemble!» Marco Zanoli donne son accord, mais s’il se sent parfaitement à l’aise en tant que cartographe, il l’est moins pour les textes. Alain Cortat prend alors contact avec le professeur François Walter. Ce dernier se dit d’autant plus intéressé qu’il connaît le travail de Marco Zanoli pour avoir utilisé certaines de ses cartes dans ses cours d’histoire.

Un produit unique
Comme le souligne l’éditeur, «cet Atlas historique de la Suisse est un produit unique dans le monde de l’édition, car aucun ouvrage de ce type n’avait été publié depuis 70 ans. Il suscite en tout cas un grand intérêt. Même si elle n’est pas réservée qu’à de spécialistes, cette publication s’adresse avant tout à un public qui s’intéresse à l’histoire – des enseignants par exemple. J’ai d’ailleurs plusieurs commandes d’écoles», indique Alain Cortat.

Le succès dépasse d’ailleurs les attentes, puisqu’une bonne partie des 2000 exemplaires sont déjà vendus. «Nous allons donc très certainement rééditer cet ouvrage. Mais si tel est le cas, nous ferons sans doute une édition augmentée, car il y a tellement d’informations sur certaines cartes qu’il faut du temps pour en décrypter tous les détails. On pourra ainsi décliner ces informations sur trois ou quatre cartes.»

Alain Cortat précise par ailleurs avoir déjà reçu des demandes d’éditeurs alémaniques et tessinois, intéressés à traduire et publier le livre en allemand et en italien.

 

«Enfant déjà, j’aimais comparer les versions des différents atlas, trouver des différences de frontière.»

Marco Zanoli, Comment est né ce projet d’Atlas historique?
C’est l’éditeur Alain Cortat, des Editions Alphil, qui en a eu l’idée, en 2017. Je venais de réaliser quelques cartes pour lui pour une publication quand il m’en a fait part lors d’un repas. Sur le moment, j’ai bien sûr pensé que c’était une bonne idée. Je lui ai dit que j’étais très intéressé, mais sans réaliser la masse de travail qui m’attendait…

Depuis quand y travaillez-vous?
En fait, j’ai commencé de réaliser de telles cartes en 2005. Al’époque, je voulais les publier pour illustrer des articles concernant l’histoire de la Suisse. Le monde des cartes m’a toujours fasciné, déjà pendant mes études, mais au départ, je ne savais pas comment les dessiner à l’ordinateur. J’ai pu m’y mettre après avoir appris à travailler avec le logiciel Adobe Illustrator.

D’où vient cet intérêt pour la cartographie?
Mon père possédait une grande collection des cartes et quelques vieux atlas des 19e et 20e siècles. Enfant déjà, j’aimais comparer les versions des différents ouvrages, trouver des différences de frontière, des retraits des glaciers, des pays disparus etc. Acette époque, on n’avait ni TV ni internet! C’était une activité très passionnante, alors qu’aujourd’hui, cela semble curieux et d’un autre âge… Parfois, je faisais même fait des copies des cartes avec du papier-calque pour créer mes propres cartes! J’étais fasciné par celles qui ont illustré des livres comme «Lord of the Rings». Je dessinais aussi mes propres cartes pour des livres que je lisais en utilisant les atlas que j’avais sous la main. Par exemple pour «Guerre et paix», de Tolstoï.

Comment avez-vous réagi quand Alain Cortat vous a proposé de réaliser cet ouvrage?
J’avoue que j’étais un peu flatté que quelqu’un s’intéresse à mon travail, parce que jusque-là, mes cartes ne suscitaient pas de beaucoup de réactions. Cela tombait aussi au bon moment, parce que mes enfants étant assez grands, j’avais plus de temps à y consacrer. J’étais donc très motivé pour élaborer le concept d’un tel atlas, avec François Walter. Je l’ai fait pendant un week-end et l’ai soumis à Alain Cortat, avec quelques cartes à titre d’exemples et une table des matières provisoire.

En plus de vos compétences d’historien, comment vous êtes-vous formé dans le domaine de la cartographie?
En autodidacte. Et j’ai la chance d’avoir une vaste collection des cartes et une bonne mémoire! Ma fascination pour l’histoire de la Suisse, ma collection de livres d’histoire et ma passion pour la lecture, c’est tout ce dont j’avais besoin!

Vous avez travaillé avec l’historien François Walter pour cet ouvrage. Comment s’est passée cette collaboration?
J’élaborais les cartes pour un chapitre et François Walter écrivait les textes. Il me présentait ensuite une liste des questions, de propositions, de corrections, de lieux à ajouter, etc. En tout cas, c’était très agréable de travailler avec lui, parce qu’il a une grande expérience comme auteur et historien. Il avait de bonnes idées pour quelques cartes et notre collaboration a été très fructueuse.

L’Atlas se compose de 25 chapitres. Comment s’est opérée cette répartition?
Mon premier concept prévoyait 27 chapitres, mais les choses ont évolué. En fait, c’est le fruit d’un «work in progress». Par exemple, nous nous étions mis d’accord, François Walter et moi, pour commencer le livre avec les cartes de l’époque de la conquête de l’Helvétie par les Romains. Mais le traducteur Laurent Auberson a insisté pour que nous commencions par la préhistoire. Nous avons donc ajouté ce chapitre.

Vos cartes offrent une foule d’informations. Quelles sont vos sources?
Elles sont très nombreuses. D’autres atlas historiques, d’anciennes cartes, par exemple des fortifications de la frontière franco-allemande avant la Première Guerre mondiale, mais aussi des lexiques et des dictionnaires comme celui historique de la Suisse. Je dirais aussi qu’il aurait été impossible de réaliser un tel ouvrage en si peu de temps sans internet. Atitre de comparaison, il a fallu 20 ans pour préparer et réaliser le dernier atlas historique.

Comment transcrire toutes ces informations sous forme graphique?
J’ai utilisé Adobe Illustrator pour créer les formes et lignes vectorisées avec la souris d’ordinateur. Il me fallait un grand écran et un scanner. Mais ce qui m’a été le plus précieux, c’était ma vaste collection des cartes et d’atlas d’où viennent mes modèles – et bien sûr aussi mon temps libre!

A quel type de public cet atlas historique est-il destiné?
Atous les gens qui s’intéressent à l’histoire de la Suisse, et pas seulement aux milieux académiques ou aux spécialistes.

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