Vous êtes ici

Abo

cover band à bobos?

Chip’s: tout sauf une pomme de discorde

Les galériens reviennent avec un quatrième album magnifiant les grands noms du blues, du rock et même du hard. Vernissage et concert ce vendredi, à Tramelan

Les Chip’s dans toute leur splendeur. De gauche à droite: Mario Lepore, Jan Krabol, Pierre-Alain Kessi et Martin Bolli. Archives

Pierre-Alain Brenzikofer

31 ans! Et sans changement de personnel, s’il vous plaît. 31 ans, donc, que Pierre-Alain Kessi (guitares, chant), Mario Lepore (batterie, chant), Jan Krabol (basse, guitare, chant) et Martin Bolli (claviers, chant), les Chip’s, squattent les scènes de la région et même de tout le pays. Un cover band d’une virtuosité folle, dont certaines covers dépassent la valeur des originaux.

Le groupe vient tout juste de sortir son quatrième album de reprises – de standards, plutôt. Le bien nommé «Recoveries IV» sera porté sur les fonts baptismaux ce vendredi, au restaurant de l’Union, à Tramelan, où Michel Schaerer ne donne jamais dans la copie. La dernière occasion de se déboucher les oreilles avant de partir en vacances.

A l’époque des débuts de Chip’s, on aurait encore parlé de groupe de danse. Mais, aujourd’hui, comme plus personne ne danse, le terme de cover band s’impose. Il est d’ailleurs moins dépréciateur.

«Ne confondons toutefois pas cover band et tribute band, avertit Pierre-Alain Kessi, l’âme du groupe. Un tribute band a pour vocation de se consacrer à un seul groupe célèbre.» Comme tous ces faux Queen, faux Led Zeppelin et faux Pink Floyd, qui reproduisent parfois à la note près – s’ils sont doués – les morceaux des célébrités qu’ils clonent, donc.

Des Beatles à AC/DC

Les Chip’s, eux, ratissent beaucoup plus large. «Recoveries IV» en constitue d’ailleurs une preuve supplémentaire. Des noms, des noms, nous demanderez-vous, en salivant d’impatience. Eh bien, les Beatles sont à l’honneur, tout comme AC/DC, JJ Cale, Eric Clapton, Free, Lynyrd Skynyrd et bien d’autres pointures.

Toujours hanté par l’esprit du blues, Kessi est même parvenu à imposer à ses comparses la reprise d’un classique de T-Bone Walker. «Il fut l’un des tout premiers à électrifier sa guitare pour jouer du blues, à tirer sur les cordes, rappelle notre interlocuteur, plutôt admiratif. C’est d’ailleurs l’inspirateur des trois King.» Allusion, les esthètes, l’auront compris, à B. B., Freddie et Albert.

Forcément, on a demandé à Kessi d’évoquer B. B. King, parti tout récemment rejoindre les deux autres.

«Le personnage qui a le mieux personnifié ce qu’était le bleus et qui l’a fait passer le plus facilement des Noirs aux Blancs. La grande trilogie des guitaristes anglais, Jeff Beck, Jimmy Page et Eric Clapton, a forcément été inspirée par le défunt. Moi aussi. Mais indirectement, puisque j’ai d’abord été influencé par le trio précité. Ce n’est qu’après que je suis remonté aux sources du blues.»

On revient à «Recoveries IV» et à T-Bone Walker? «Je l’ai entendu en 1968 à Berne, au National. J’avais 19 ans et on m’annonçait le plus grand guitariste de blues. J’ai vu arriver un vieillard qui tenait à peine debout. Mais dès les premières notes, il n’était plus vieux du tout. Il hurlait, sautait. Magnifique! Moi qui croyais que cette musique était faite par des gars de 20 ans...»

Pour mémoire, le prodigieux «Call it stormy monday» est dû à T-Bone Walker.

On entre dans la danse? «Eh bien, entre cover et animation, les gens devraient effectivement danser et bouger, admet Kessi. Mais aujourd’hui, ils écoutent de plus en plus. Sauf à la fin du show où, grâce à l’ambiance, au volume et peut-être à quelques bons breuvages, ils rallient la piste de danse.»

Notre interlocuteur n’en constate pas moins que de plus en plus de fans viennent simplement pour le plaisir de réécouter certains morceaux en live et pas par l’intermédiaire d’un banal DJ. Sacrés Chip’s.

Au sein du groupe, d’aucuns pencheraient plutôt pour une reprise littérale des standards. Kessi, heureusement, a la sagesse de rappeler à ses complices que «nous ne sommes pas l’original, nous ne sommes pas la voix et nous n’avons pas le talent. Nous reprenons les chansons à notre façon.»

Des témoins, en quelque sorte, en tout cas bien trop modestes quant à l’appréciation qu’ils font de leur propre talent. Ce qui nous donne des mixes parfois proches et parfois lointains des originaux.  «On peut faire des trucs très amusants avec des covers, poursuit le guitariste. Ainsi, pour certains morceaux de Beatles, je m’inspire des reprises qu’en a faites Vanilla Fudge.»

Confiscation pure et simple

Mais il arrive aussi même assez souvent que la version originale soit littéralement confisquée par le repreneur. L’exemple type est évidemment le «With a little help from my friends» des Beatles, justement confisqué, magnifié et sublimé par le défunt Joe Coker.

L’interprétation qu’il en a donnée à Woodstock est d’ailleurs encore dans toutes les mémoires des vétérans de la planète rock. «Elle a de surcroît été beaucoup plus diffusée en radio que l’originale, insiste Pierre-Alain Kessi. Cela dit, une cover invite aussi à découvrir la version authentique.»

Un autre exemple sous la main, maestro? «Eh bien, quand Dylan a entendu son ‹All along the watchtower› repris par Hendrix, il ne l’a tout simplement plus joué en concert.»

Connaissant le passé musical de Kessi, notamment avec les mythiques After Shave, certains esprits mesquins ont parfois raillé la dimension alimentaire de Chip’s. «Quand faut bouffer, faut bouffer», ironise-t-il aujourd’hui. Ce qui ne l’empêche pas de préparer un nouvel album d’After Shave – une première depuis une semi-éternité –, de se produire également avec ce trio magique comme avec les Rockdaddies, Blues de Luxe et les United Groovers.

Les charmes de la retraite

Histoire d’en finir avec «Recoveries IV», il était en chantier depuis six ans. Il a tout de même fallu à Kessi sa première année de jeune retraité pour le finaliser. Un gars qui, retraite justement oblige, peut enfin réaliser son rêve:faire de la musique à plein temps. De quoi atteindre de nouveaux sommets? On aura une bonne occasion de le vérifier ce vendredi, à Tramelan.

Vernissage ce vendredi de l’album «Recoveries IV» au restaurant de l’Union, à Tramelan. Repas-concert dès 20h30. Il est prudent de réserver. Le disque des Chip’s sera vendu sur place. On peut aussi l’obtenir à l’adresse kessway@zmail.ch

Articles correspondant: Région »