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Roland Matti

«Dans ce métier, on trouve hélas de tout»

Nouveau président de la section régionale Jura bernois/Lac de Bienne de Gastro, il s’apprête à batailler en faveur de l’initiative «Stop à la TVA discriminatoire pour la restauration».

Nouveau président de Gastro Jura bernois, le maire de La Neuveville Roland Matti est sur le point de reprendre un établissement public. Dans la région toute proche, évidemment: il entend fermement rester maire! (Stéphane Gerber)

Pierre-Alain Brenzikofer

Il a poussé un grand ouf de soulagement en prenant acte du sort réservé par le peuple suisse à l’initiative pour un salaire minimum, Roland Matti. Président frais émoulu de Gastro Jura bernois/Lac de Bienne – il a succédé à Fabien Mérillat, de Perrefitte, il y a deux mois –, l’intéressé s’apprête surtout à militer en faveur de l’initiative lancée par Gastro Suisse. Intitulée «Stop à la TVA discriminatoire pour la restauration!», elle sera soumise au peuple en septembre. Patience, on y revient dans quelques lignes.

Avec le nouveau boss, on a forcément profité d’évoquer l’avenir d’une profession où génies purs et moutons noirs se côtoient. Mais, juste avant, histoire de rassurer les esprits soupçonneux, sachez que cet accès à la présidence n’est pas lié à la non-réélection au Grand Conseil du maire de La Neuveville. «Il était de toute façon prévu que je prenne la succession de Fabien Mérillat. Dorénavant, le président d’une section régionale doit être membre du comité cantonal. Je l’étais déjà, contrairement à mon prédécesseur. Alors, comme ce dernier n’avait plus trop de temps à consacrer à cette fonction...»

Retour au fourneau

Tout le contraire d’un Roland Matti! Celui qui a déjà dirigé plusieurs établissements publics va renouer avec cette profession, non-réélection oblige. Il doit encore choisir entre deux offres intéressantes. Dans la région, évidemment:il tient fermement à rester maire de La Neuveville!

A part ça, on lui a évidemment demandé si un salaire de 4000 balles aurait été insupportable pour sa branche: «Totalement! Gastro a une convention collective un peu en dessous des 4000 francs. Et puis, si nous devions payer une personne en fin d’apprentissage à ce tarif, combien devrions-nous lui offrir cinq ans après? Non, proposer un tel salaire à une personne de vingt ans dans les métiers de bouche, c’est tout simplement impensable!»

A part ça, Gastro Jura bernois, combien de divisions? «Eh bien, nous sommes exactement 117 membres. Mais le nombre des établissements publics est plus conséquent, tant il est vrai que certains patrons sont affiliés à d’autres caisses.»

Et comme un peu de publicité pour sa propre cuisine n’est jamais inutile, Roland Matti glisse que Gastro Social gère l’AVS et le deuxième pilier de ses féaux:  «Avec un avantage certain! Jusqu’à 25 ans, l’employé et l’employeur payent 1% chacun. Dès 26 ans, le taux passe à 7%. Mais contrairement à d’autres organisations, il ne bouge plus. Ce qui ne pénalise pas les gens plus âgés...»

Il avait d’ailleurs évoqué cette problématique avec le big boss d’AXA pour lui proposer de faire de même: «Eh bien, on m’a répondu qu’ailleurs, la problématique était différente. Dans la restauration, patrons et employés changent très souvent de voie avant de vieillir, tant il est vrai que notre métier est particulièrement pénible. Je dois bien reconnaître que c’est un peu vrai...»

Puissant, le lobby

A part ça, bien sûr, Gastro est un lobby puissant qui ferraille sans retenue pour défendre la branche, jusqu’à intervenir dans les campagnes de votations. Et cette branche, elle se porte comment? «Eh bien, c’est difficile, concède le nouveau président. Il faut dire que les mentalités ont changé. Aujourd’hui, un ouvrier n’ira plus forcément manger le menu dans un restaurant. Il se contentera d’un sandwich ou d’un take-away. Mais, finalement, c’est partout la même chose. Celui qui se donne de la peine, qui est amoureux du métier et a suivi une formation, celui-là va toujours s’en sortir. Mais cela signifie beaucoup d’heures de travail.Le temps où le patron jouait aux cartes avec les clients, c’est fini. Aujourd’hui, il doit travailler comme un ouvrier.»

Question de mentalité?

La mentalité du Jura bernois, un brin empreinte d’austérité et de retenue? «Il est clair qu’en Valais, ils sont tous à l’apéro pour boire un coup de blanc à 17h. Chez nous, tel n’est pas le cas. Et puis, j’en connais qui vont acheter leur six-pack de bière avant d’aller boire la septième au bistrot.»

Dans ce contexte, on imagine qu’ils doivent être nombreux, les établissements à vendre. Et souvent pour question d’âge, de surcroît. Mais c’est parfois mission impossible, comme le confirme Roland Matti: «Si l’établissement est très grand, les intéressés éventuels ne veulent pas investir autant. Et s’il est trop petit, ils auront toutes les peines du monde à obtenir un prêt de la banque...»

Vous avez dit cornélien? Corollaire, de nombreux restaurateurs doivent continuer de travailler une fois l’âge de la retraite dépassé, dans la mesure où leur immeuble représente leur deuxième pilier.

Hep, président, des solutions!

«Eh bien, il n’y en a pas tellement. Gastro Zurich évoque par exemple toutes ces auberges de haut standing qui ne trouvent pas de repreneur. On les transforme dès lors en villas ou en appartements de luxe dans des endroits qui sont magnifiques. Et c’est beaucoup plus rentable. Cela dit, même si certains bistrots disparaissent, il en reste toujours un grand nombre. A La Neuveville, nous en comptons encore seize.Mais ils deviennent plus petits...»

Originalité et boulot

Quoi qu’il en soit, pour surnager, il faut être original et bosser. Pour notre interlocuteur, le lieu importe peu. Un restaurant pourra tourner à plein régime dans un trou perdu, contrairement à un autre fort bien situé dans une accorte ville.

«Celui qui veut travailler arrivera à un résultat, insiste le Neuvevillois. Je sais qu’on trouve tout ce qu’on veut dans nos professions. Les pires ne font pas long. Mais ils nuisent grandement à la corporation et empêchent les bons de faire du chiffre.»

Lui, il a une recette: dans un établissement il faut constamment décorer, améliorer, changer. «Surtout, il faut un couple. Et un des deux doit toujours être présent. Il y a certes des exceptions, mais cela demande un sérieux effort d’organisation.»

Maudite TVA

Tout cela nous amène à ce maudit taux de TVA de 8%, qui pénaliserait tant nos restaurateurs, pendant que take-away, kiosques ou magasins s’en tirent avec 2,5%. «En en plus, il s’agit souvent de self-service, s’emporte Roland Matti. Ce que nous demandons, c’est une taxe unique. Un peu plus haute pour les autres, un peu plus basse pour nous.»

Bref, on se retrouverait au milieu de l’échelle. Notez que le précité n’a rien contre les take-away. Il juge cependant que l’Etat doit intervenir au niveau des chartes sociales et de la TVA. «Les établissements sans ticket de caisse, ça suffit, fulmine-t-il. Nous, à notre niveau, nous sommes dans l’impossibilité totale de tricher. S’il contrôlait vraiment la situation, l’Etat pourrait encaisser des millions. Notez que je suis contre l’étatisation, mais il y a des limites.»

On l’avait bien compris. En guise de conclusion, on notera que le nouveau président se propose d’organiser l’une ou l’autre table ronde destinée à ses ouailles: «Pour mettre les problèmes sur la table et parce que nous ne nous rencontrons pas assez», conclut-il. Le premier rendez-vous se fera-t-il dans son nouvel établissement? Mystère et boule de gomme...

Il reste sur le pont

Conférence régionale

Inutile de rappeler ici toutes les nuances du postulat Matti, qui a obligé le gouvernement à constituer une commission pour tenter de trouver une solution au casse-tête de la conférence régionale. Sous la présidence de Mario Annoni, il conviendra de définir si la région Jura bernois-Bienne-Seeland se contente d’une grande conférence ou de deux avec Bienne comme interface. Pour mémoire, la nomination de Mario Annoni n’a pas fait rire certains politiciens alémaniques biennois, qui ont eu l’outrecuidance de remettre en cause son objectivité. Heureusement, le gouvernement est demeuré totalement zen. Mais les Biennois précités devront avaler une seconde couleuvre: même non réélu au Grand Conseil, Roland Matti demeurera membre de cette commission. Il y aura certes beaucoup d’ennemis. Mais aussi des alliés puissants comme Walter von Kaenel et Maxime Zuber.

L’exemple de gastro berne 

«Chez nous, il était aussi question de constituer une section avec Bienne et le Seeland, glisse Roland Matti. Eh bien, les Seelandais ont été les premiers à monter aux barricades en disant qu’ils souhaitaient rester seuls. Ils ont été entendus et disposent de leur propre groupe, comme c’est le cas pour la ville de Bienne.»

Et pour le Jura bernois, qui inclut les rives du lac de Bienne de La Neuveville à Douanne! Expansionniste, hein?

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