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Musée d'histoire de Berne

Dans la peau d’un réfugié

Des images de réfugiés en fuite, on en voit tous les jours. Intitulée «Fuir», la nouvelle expo temporaire permet aux visiteurs de se faire une idée concrète de leur vécu quotidien.

Après Zurich et Aarau, l’exposition itinérante «Fuir» fait escale à Berne. Elle permet aux visiteurs de se mettre dans la peau des réfugiés et de mieux comprendre ce qu’ils vivent. photos Keystone

par Philippe Oudot 

L’an dernier, la Suisse a reçu 18088 demandes d’asile, soit un tiers de moins qu’en 2016. Dans le même temps, quelque 171635 personnes ont rejoint l’Europe en traversant la Méditerranée, soit la moitié moins que l’année précédente. «Mais derrière ces statistiques se cachent des destins individuels, des histoires personnelles de gens qui ont des espoirs, des craintes, des attentes. C’est ce que montre cette expo ‹Fuir›», a expliqué hier Jakob Messerli, directeur du Musée d’histoire de Berne (MHB) en introduction à la conférence de presse organisée à la veille de l’ouverture de l’exposition (voir «Expo itinérante»). Elle est à découvrir dès aujourd’hui et jusqu’au 16 septembre.

Aujourd’hui, on compte plus de 65 millions d’hommes, de femmes et d’enfants qui sont  en fuite à travers le monde. Un nombre qui n’avait jamais été aussi élevé depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, a-t-il rappelé. C’est dire si cette exposition est d’une brûlante actualité. Elle braque les projecteurs sur une thématique qui suscite souvent polémique et rejet, généralement par manque de connaissance.

Comme l’a souligné Jakob Messerli, le fait que le MHB accueille cette exposition itinéraire ne doit rien au hasard, car la fuite et l’exil sont récurrents depuis l’aube de l’humanité. En témoigne l’histoire de la Suisse – et du canton de Berne. Déjà durant l’Antiquité, avec l’établissement de tribus celtes venues d’ailleurs. Ou au 16esiècle – notamment en terre bernoise –, avec la persécution des anabaptistes, contraints de fuir dans les montagnes jurassiennes, en Alsace, aux Pays-Bas ou en Amérique du Nord. Ou encore au siècle passé, avec l’immigration de 400000Suisses qui ont fui leur pays pour chercher un meilleur destin sous d’autres cieux. «C’est dire si nous sommes le bon endroit pour accueillir cette expo», a indiqué Jakob Messerli.

Du vécu
Al’entrée de l’exposition, les visiteurs se retrouvent face à de grands écrans présentant des images émouvantes du réalisateur Mano Khalil – qui fut lui-même un ancien réfugié. Ils découvrent les histoires d’êtres humains que la violence, la guerre, les persécutions ou la misère ont forcés à fuir en suivant des chemins souvent dangereux. Tantôt dramatiques et terrifiantes, tantôt sensibles et pleines d’espérance, ces images empreintes d’humanité font entrer le visiteur dans le destin de ceux qui fuient une douloureuse réalité.

Chacun prend ainsi conscience des coups du sort, des situations cruciales et souvent traumatisantes qui ont contraint ces gens à partir et qu’ils ont subis pendant leur voyage. On peut aussi ressentir ce que c’est que d’arriver dans un pays inconnu où nul ne vous attend – un pays où pourtant tous les espoirs sont permis.

Cinq destins particuliers
Au travers de cinq personnages – le Somalien Abdi, l’Afghan Aziz, la Syrienne Hayat, la Sud-Soudanaise Malaïka et le Syrien Mohammed –, on découvre le vécu et le quotidien de ceux qui ont dû tout quitter et se retrouvent ailleurs, déracinés. Porte-parole de la Direction du développement et de la coopération (DDC), George Farago a rappelé que si la Suisse et l’Europe ont l’impression d’être submergés de migrants, «deux tiers des gens qui fuient restent à l’intérieur des frontières de leur pays, un tiers dans les pays voisins. Seule une petite partie viennent chercher refuge en Europe.»

Comme l’a relevé Sibylle Siegwart, cheffe suppléante de la Commission fédérale des migrations, «nous avons choisi des personnages fictifs, pour des raisons de protection de leur identité, mais leur histoire est bien réelle.» Ce sont des biographies représentatives, des parcours variés et semés d’embûches de réfugiés et de leurs familles.

Objets du quotidien
On y découvre par exemple quelques objets du quotidien de Hayat qui, avec ses deux enfants et sa belle-mère, a fui la Syrie et rejoint le Liban:un jerrican pour l’eau potable, une casserole, un peu de nourriture, un tricot, et un fin matelas de mousse enroulé: «Chez nous, on les utilise pour faire du yoga, mais là-bas, c’est pour dormir», a observé le directeur Messerli.

Tout au long du parcours, le visiteur trouve des écrans tactiles qui lui proposent une foule d’informations complémentaires: quels sont les pays et zones de provenance de ceux qui fuient, quelles sont les voies qu’ils empruntent, les régions où ils trouvent abri.

L’asile en Suisse
La seconde partie est plus didactique et rappelle que plus de 90% des réfugiés dans le monde sont tributaires d’une aide. L’exposition offre un aperçu de l’engagement de la Suisse et de la communauté internationale. Elle explique la procédure et les critères donnant droit à l’asile en Suisse et montre, en outre, en quoi l’issue de cette procédure détermine l’avenir des personnes en quête de protection.

Le visiteur y découvre plusieurs parcours de requérants, les démarches suivies, ce qu’il advient des candidats qui n’obtiennent pas le statut tant convoité et doivent s’en aller, ou encore les possibilités d’intégration pour ceux qui touchent le graal et peuvent rester.

 

Expo itinérante

«Fuir» est un projet de la Commission fédérale des migrations (CFM), du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM), du Haut Commissariat aux réfugiés des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et de la Direction du développement et de la coopération (DDC). Cette exposition itinérante a été inaugurée l’an dernier au Landesmuseum de Zurich, avant d’être présentée à Aarau. Elle a déjà accueilli plus de 41000 visiteurs (29000 à Zurich, 12000 à Aarau) et a été visitée par quelque 500 classes d’école. Après Berne, elle sera  présentée à Lucerne et à Saint-Gall. Bien que bilingue (français-allemand), aucun musée de Suisse romande n’a montré d’intérêt à l’accueillir. pho

 

Offres et animations complémentaires autour de l’exposition Fuir

Visites guidées Publiques: mercredis 4avril et 6 juin, à 12h15. Entrée au tarif normal, visite guidée (45 minutes) gratuite. Pour groupes, sur réservation (60minutes): entrées au tarif normal, plus 150 fr. pour 20 personnes. Avec dialogue (30 minutes), avec une personne travaillant dans l’aide humanitaire: mercredi 5septembre à 12h15. Entrée au tarif en vigueur, visite guidée gratuite.

Manifestations Femmes en fuite: jeudi 3mars, à 18h, table ronde à l’occasion de la Journée des Nations unies pour les droits de la femme et la paix internationale. Samedi 16 juin, Journée nationale du réfugié.Dimanche 19 août, de 10 à 17h, Journée mondiale de l’aide humanitaire, avec présentation des différentes facettes de l’aide humanitaire internationale et de l’engagement de la Suisse.
Offres pour les écoles L’exposition s’adresse notamment aux écoles. Les visites guidées pour les classes sont gratuites. Les enseignants peuvent télécharger un dossier pédagogique complet, aussi bien pour les classes de primaire que du secondaire Iet II. Il permet aux enseignants de préparer la visite, offre un guide d’activités pendant et après la visite.

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