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Bienne

Danser contre les clichés

Le danseur André Dramé et l’anthropologue Claire Vionnet mêlent danse africaine traditionnelle et danse contemporaine occidentale pour leur projet «Kunda».

Claire Vionnet et André Dramé préparent activement leur projet commun de danse, pour renforcer la cohésion entre les cultures. Lee Knipp

Par Mengia Spahr / Traduction Marcel Gasser

En apprenant comment une autre personne bouge, en l’imitant, on se glisse dans sa peau, on apprend ce qui se passe dans son for intérieur et on accède ainsi à une autre culture que la sienne. C’est là tout le sens du projet de danse conçu par le danseur sénégalais André Dramé et l’anthropologue Claire Vionnet: favoriser la rencontre entre la danse occidentale contemporaine et la danse africaine traditionnelle.  

André Dramé est noir et porte de longues dreadlocks. En ville, on l’aborde parfois pour savoir s’il a du cannabis à vendre, comme cette jeune fille, un jour, à la gare. «Je lui ai demandé si c’était écrit sur mon front», raconte-t-il. Il s’est avéré que c’était une policière en civil. «Naturellement, il y a ici des Africains qui vendent de la drogue, contribuant ainsi à renforcer les préjugés», poursuit-il. Or, pour des motifs religieux, André Dramé ne consomme ni drogues, ni alcool.

Construire ensemble

Le danseur a longtemps été membre de la célèbre compagnie Jant-Bi, elle-même émanation de l’Ecole des Sables, située non loin de Dakar, qui fait autorité en Afrique en matière de danse contemporaine. Il a tourné dans le monde entier, a vécu longtemps en Espagne, où il a appris les danses folkloriques, a dansé dans de nombreux festivals, avant de s’installer à Bienne, il y a sept ans.

Avec l’anthropologue Claire Vionnet, il travaille actuellement à un projet intitulé «Kunda», mot qui signifie «maison» en mandinka, l’une des nombreuses langues parlées au Sénégal. «Kunda, c’est la maison que nous aimerions construire pour le futur de la Suisse. Un lieu où des gens différents vivent en communauté sous le même toit», explique-t-elle. Les deux compères viennent d’apprendre de la Commission fédérale des migrations que celle-ci acceptait de soutenir financièrement leur projet, dans le cadre d’un programme d’encouragement aux initiatives favorisant la cohabitation en Suisse.

Discrimination positive

«Notre projet est un mélange de chorégraphies et d’activités pédagogiques: des ateliers et des cours sont prévus à Berne, Bienne et Delémont. La danse est là pour ouvrir les portes à une discussion sur l’interculturalité, la discrimination et le racisme», résume Claire Vionnet. Le programme démarrera officiellement en mars avec des ateliers pour jeunes, si les mesures contre la pandémie le permettent. Les premiers spectacles de danse suivront probablement en mai, dans le cadre d’une fête de la danse à Berne. «André et d’autres artistes issus de la migration y montreront ce que cela signifie de subir la discrimination et le racisme au quotidien», poursuit Claire Vionnet. Elle-même n’en a jamais été victime au cours de ses voyages au Cameroun ou en Tanzanie, où elle a longtemps vécu et travaillé.

«Même si je parle leur langue, les gens me dévisagent en permanence. En fait, ils admirent ma couleur de peau et aimeraient bien être à la place d’une blanche», explique-t-elle. «A la longue, c’est énervant et désagréable d’être ainsi catalogué en fonction de sa couleur de peau, même si, en l’occurrence, il s’agit d’une discrimination positive, puisque mon statut est magnifié. Mais j’imagine sans peine ce que ressentent ici les personnes de couleur, dans un climat de racisme structurel.» Claire Vionnet a vécu les sept premières années de sa vie dans une famille au Cameroun, où ses parents travaillaient comme médecins. Après sa scolarité, elle a étudié l’anthropologie à Lausanne, avec à la clé un travail de doctorat sur la danse contemporaine.

Mots clés: Bienne, Danse, Afrique

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