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Redevance

«De la pure arrogance!»

De nombreux ménages ont reçu des factures contenant des données fantaisistes par l’entreprise Serafe qui, en cas d’erreurs, renvoie aux communes. Ces dernières dénoncent un gigantesque couac.

Les factures de Serafe pour la redevance font des vagues. Keystone

Par Philippe Oudot

Chancelier municipal de La Neuveville, Vladimir Carbone ne décolère pas. Depuis le début de cette année, une bonne cinquantaine de Neuvevillois se sont adressés au Contrôle des habitants en raison de données erronées figurant sur leur facture pour la redevance de radio-télévision envoyée par la société Serafe. Depuis le 1erjanvier, c’est cette dernière, plus Billag, qui est chargée de percevoir ladite redevance.

«Le problème, c’est que nous ne savons pas où Serafe a pêché ses données, car dans nos registres, elles sont exactes. Or, Serafe prétend qu’elles ont été fournies par les registres des habitants. Mais nous ne lui avons jamais transmis la moindre donnée, et elle ne nous a rien demandé. C’est un peu facile de renvoyer les gens chez nous, alors que les erreurs viennent de Serafe! De plus, elle ne nous a jamais donné la moindre instruction quant à la procédure à suivre en cas de réclamation. Cette attitude, c’est de la pure arrogance!», tempête Vladimir Carbone.

Manque de sérieux
Président de l’Association de secrétaires communaux du Jura bernois, Thierry Lenweiter confirme les propos de son collègue: «Chez nous, à Valbirse, nous avons aussi eu une cinquantaine de réclamations, alors que nos données sont correctes. C’est vraiment incompréhensible.» Et parmi les réclamations figurent des personnes au bénéfice de prestations complémentaires, qui étaient exonérées à l’époque Billag, mais qui ont reçu une facture. Comme quoi la transmission des informations entre Billag et Serafe n’a pas vraiment fonctionné.

En tout cas, Vladimir Carbone constate que le taux d’erreurs est bien plus important que ne le prétendent Serafe et l’Ofcom (Office fédéral de la communication), qui évoquaient quelques centaines ou milliers de cas. «Si on extrapole les 50erreurs signalées dans notre commune, on arrive à plus de 30000 en Suisse! C’est une vraie gabegie!» Les cas portent en particulier sur des erreurs ou des imprécisions d’adressage. Par exemple, des voisins de palier qui figurent sur la même facture, des changements d’adresse pas pris en compte, des personnes décédées qui sont mentionnées comme «solidairement responsables».

Une vraie gabegie
Au Contrôle des habitants de La Neuveville, on cite le cas d’une famille qui, dans sa maison, héberge des chambreurs, et c’est à l’un d’eux – le premier par ordre alphabétique – qu’a été adressée la facture… Ou le cas d’un frère et d’une sœur qui habitent certes dans la même maison, mais chacun dans leur appartement: «La facture était adressée aux deux noms, alors qu’ils ne font pas ménage commun, et une facture séparée a été envoyée à la personne qui cohabite avec la sœur. C’est aberrant!»

En tout cas, souligne Vladimir Carbone, le cafouillage de Serafe a fortement sollicité les services de contrôle des habitants, occasionnant une surcharge de travail. Dans ce contexte, la commune de La Neuveville a d’ailleurs écrit à l’Union des villes suisses dont elle est membre pour lui demander d’intervenir auprès de qui de droit afin d’obtenir réparation.

Par ailleurs, l’Association des secrétaires communaux du Jura bernois a écrit au Bureau cantonal pour la surveillance de la protection des données en lui faisant part de ses inquiétudes. L’association souligne que contrairement à ce que prétend Serafe, les communes n’ont jamais été sollicitées pour lui transmettre la liste des habitants. Or, comme les données en possession des communes sont correctes, «nous ne savons pas d’où proviennent celles en possession de Serafe, ni si la législation sur la protection des données a été respectée», écrit-elle. Qui plus est, elle relève que le partenaire informatique de Serafe semble se trouver en Nouvelle-Zélande et s’interroge sur la légalité de l’exportation de données personnelles.

 

«Tout devrait vite s’arranger»

Serafe étant inatteignable, c’est vers l’Ofcom que Le JdJ s’est adressé pour une réaction. Cheffe du service de communication, Caroline Sauser explique que les communes n’ont certes pas transmis elles-mêmes les données, mais que cela s’est fait via un système centralisé des cantons destiné à l’Office fédéral de la statistique. «Serafe n’a d’ailleurs eu accès qu’à une partie de ces données», précise-t-elle. S’agissant des erreurs, elle indique qu’une partie vient du fait que le dernier mois de référence est novembre, si bien que les changements intervenus en décembre n’ont pas été pris en compte. Quant aux autres bavures, «nous procédons à des analyses pour en identifier la source et la corriger».

Caroline Sauser estime que c’est sans doute au niveau de l’identificateur fédéral des logements (numéro du logement dans lequel la personne habite) qu’il y a eu problème. Toutes les communes ne saisissent pas les données de la même manière, c’est parfois le contrôle des habitants qui le fait, ou les services industriels. Qui plus est, c’est la première fois que ces données sont réellement exploitées. Donc si erreur il y a, c’est normal qu’elles surgissent maintenant, observe-t-elle, mais «tout devrait vite s’arranger». Pour l’heure, elle invite les personnes dont les données sont erronées à s’annoncer chez Serafe et à attendre leur nouvelle facture. Quant au traitement de données en Nouvelle-Zélande, elle estime que cela tient plus de la rumeur que de faits avérés, ajoutant toutefois que l’Ofcom procède à des vérifications.

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