Vous êtes ici

Abo

Centrale nucléaire de Mühleberg

Départ du premier convoi

Hier, sur le coup de 11h, deux camions ont quitté le site, chargés de gros blocs de béton. Ce sont les premiers éléments à être évacués. Deux mois après l’arrêt définitif de l’installation, les travaux avancent comme prévu.

Les premiers blocs de béton anti-éclats ont quitté l’enceinte de la centrale nucléaire hier.

Par Philippe Oudot photos Keystone


Pratiquement deux mois après la mise à l’arrêt définitif de la centrale nucléaire de Mühleberg (CNM) – c’était le 20 décembre 2019 –, deux camions ont quitté hier les lieux, chargés de gros blocs de béton. Ces derniers ont été acheminés sur un site de l’entreprise Vigier en vue de leur recyclage (voir encadré). Propriétaire de la CNM, BKW avait convié les médias pour cet événement, qui marque symboliquement  le début du démantèlement de la centrale. L’occasion également de faire le point sur les premiers travaux en cours.

Comme l’a relevé Stefan Klute, responsable général du projet de désaffectation de la CNM, les travaux se déroulent conformément à la planification. Son collègue Urs Amherd, en charge du programme post-exploitation et démantèlement, a expliqué que tous les systèmes – et il y en a des centaines – vont être progressivement démontés. Tout cela a été planifié durant la période précédant la mise à l’arrêt. «Les éléments obsolètes, qui ne sont plus nécessaires à la sécurité, ont été dûment marqués d’une peinture magenta, afin d’être immédiatement identifiés.»

Une fois tous les contrôles effectués, ils sont peints d’une couleur bleue indiquant qu’ils sont prêts à être démontés, nettoyés, décontaminés si nécessaire, découpés, placés dans des caisses pour être finalement recyclés. «Pas moins de 17000tonnes de matériaux, dont 3000tonnes contaminées par la radioactivité, vont ainsi être évacués ces dix prochaines années. Cela ne représente pas moins de 40000 caisses!», a indiqué Stefan Klute.

Haute surveillance
Afin d’assurer la traçabilité de tous ces matériaux, chaque caisse est munie d’un QR Code qui en détaille le contenu. Une nécessité, car aucun kilo de matière ne peut sortir de l’enceinte de la centrale sans le feu vert de l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN). Cette dernière examine toute la documentation et peut exiger des examens supplémentaires. Ses inspecteurs peuvent en tout temps intervenir sur le site de la centrale.

Après la mise à l’arrêt, les premiers travaux ont effectivement démarré le 6janvier. «Dans la salle des machines, nous avons commencé à enlever les 165briques anti-éclats qui entourent les deux gigantesques turbines», a relevé Stefan Klute. Ces blocs en béton de 8 à 10tonnes servaient de protection en cas d’éclatement d’une turbine.

Peu ou pas contaminés
Mais avant de pouvoir les évacuer hors de l’enceinte de la centrale, les collaborateurs de BKW doivent s’assurer qu’ils ne contiennent aucune trace de radioactivité. S’ils sont contaminés, ces blocs sont dûment nettoyés et recontrôlés avant de pouvoir sortir de la salle des machines. Mais comme l’a précisé Joachim Dux, responsable du démantèlement, «la plus grande partie n’est pas, ou très peu contaminée». Et d’ajouter que les collaborateurs peuvent traiter 5 à 6blocs par jour. Ace jour, environ deux tiers ont ainsi pu être traités et sortis de la salle, en attendant d’être acheminés chez Vigier.

En parallèle, les employés ont aussi entrepris les premiers travaux de démontage des éléments des turbines. Des travaux qui se font dans une cellule étanche équipée d’un système de filtration de l’air, afin d’éviter toute dispersion d’éventuelles traces de radioactivité.

Découpés et fondus
Dûment découpés, les composants des turbines seront conditionnés dans des conteneurs étanches et acheminés en Suède dans une entreprise spécialisée. Ils y seront découpés en plus petites pièces, avant d’être fondus. Cette opération permet de débarrasser le métal de toute trace de radioactivité, celle-ci se retrouvant dans les résidus qui seront ramenés en Suisse. Ils seront alors entreposés au Zwilag avant leur enfouissement en couches géologiques profondes.

D’ici à cet automne, la salle des machines devrait être complètement vide et sera utilisée pour le nettoyage et le découpage de tous les composants potentiellement contaminés. Elle devrait être opérationnelle dans le courant du 3e trimestre.

Débités en petits blocs
Si les travaux vont bon train dans la salle des machines, on s’active également dans le bâtiment du réacteur. Pour l’heure, les éléments combustibles se trouvent toujours dans le cœur du réacteur et devraient y rester environ trois mois, avant d’être placés dans le bassin de désactivation. «Ce laps de temps permet de réduire la radioactivité d’un facteur 1000», a souligné Sabrina Schellenberg, en charge de la communication de BKW.

Depuis janvier, on s’est attaqué au découpage du couvercle de béton qui couvre le réacteur. Une cellule étanche a été aménagée juste à côté, où l’air est en légère sous-pression, afin d’éviter toute diffusion de radioactivité. C’est là que les énormes plaques de 50tonnes sont découpées en blocs d’environ 5tonnes, afin de pouvoir être plus facilement manipulés. Comme l’a indiqué Joachim Dux, «le béton est débité au moyen d’une scie spéciale. Il s’agit d’une sorte de câble diamanté qui tourne avec de l’eau pour éviter la poussière.» L’eau est évidemment récupérée et filtrée. Ces blocs sont ensuite emballés et stockés dans un dépôt provisoire, avant de pouvoir être décontaminés dans la salle des machines lorsqu’elle aura été entièrement vidée et aménagée en conséquence.

Dans le cœur du réacteur
Pour l’heure, a indiqué Joachim Dux, les degrés de contamination des matériaux sont très faibles, ou nuls. Mais les choses vont changer cet automne. Lorsque la contamination n’est pas superficielle, elle peut être éliminée avec de l’eau sous pression, comme un kärcher, mais avec une pression jusqu’à 200 bars. Et si c’est insuffisant, les pièces seront «sablées» au moyen de petites billes d’acier.

Ensuite, à partir du 4etrimestre, des spécialistes vont s’attaquer au démantèlement et au découpage des éléments qui se trouvent au cœur du réacteur. En particulier les grilles d’acier supportant les éléments combustibles, ainsi que le manteau du cœur du réacteur. Ces travaux seront effectués sous l’eau, qui fait office d’écran de protection contre la radioactivité. Trop irradiés pour être décontaminés, ces matériaux seront conditionnés pour être envoyés au Zwilag avant leur enfouissement définitif en couches géologiques profondes.

 

On économise la matière première

Les 165 blocs de béton anti-éclats disposés autour des turbines, dont les premiers éléments ont été évacués hier, vont être transportés dans le canton de Soleure, sur un site de l’entreprise Vigier. Ils vont y être concassés finement avant d’être recyclés. Concrètement, ce matériau sera acheminé à la cimenterie de Péry, où il servira de matière première dans la fabrication de ciment. «Cela n’a rien d’exceptionnel», a expliqué un collaborateur de Vigier, présent hier. Sur les 800000 à 900000 tonnes de ciment et de béton produits par année, environ 100000 tonnes proviennent de béton recyclé. C’est un processus standard qui permet non seulement d’économiser de la matière première, mais qui réduit aussi les émissions de CO² produites lors la combustion de la chaux utilisée pour fabriquer le ciment. 

Articles correspondant: Région »