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Sornetan

Dernier vœu d’une mère exaucé

Une image biblique et une lettre datant de la première Guerre Mondiale dévoilés

Un siècle plus tard Armin Reust de Charmoille revient à Sornetan pour honore le vœu de sa maman. Rose-Mary Voiblet

Rose-Mary Voiblet


«Quand cette image aura 100 ans, tu la feras paraître sur le journal...» C’était le souhait de Jeanne Reust de Sornetan lorsqu’elle offrit à son fils Armin, cadet comme elle d’une fratrie de six enfants, son si précieux bien. Une image pieuse, un intermède de bonheur, une plage d’espoir dans ce souvenir lumineux de petite fille qu’elle était, en ce Noël de guerre 1914. Transmettre aux générations futures ce message de paix, ça restera durant sa vie, son désir le plus cher. Un siècle plus tard, Armin Reust et ses cinq frères et sœurs ont choisi ce temps pascal, symbole de résurrection pour honorer le vœu de leur mère.

Une époque difficile

Née le 9 mars 1908 dans la ferme du Maupas à Sornetan, la petite Jeanne Graber n’a que six ans lorsque la guerre éclate. Ce 1er août 1914, le Conseil fédéral décrète la mobilisation générale. Jeanne est en première année d’école. De la petite ferme familiale, située à l’époque à plus d’un kilomètre du village, c’est à pied qu’elle arpentera au quotidien le chemin des leçons. Comme partout ailleurs, à Sornetan, les temps sont durs. Les enfants se passent souliers et habits jusqu’à complète usure. Mais entre compagnons de misère, on s’aide, on se soutient, on partage; au cœur du hameau, c’est une vraie vie de famille. Dans l’église de Sornetan, en ce Noël de guerre 1914, on se recueille, ensemble on chante, on prie pour que la paix revienne sur terre. Un jour béni entre tous pour la fillette qui, en ces lieux, recevra du pasteur Paul Gross, 14e de l’histoire de Sornetan, son inestimable présent; les cadeaux de Noël de l’époque ne se limitant souvent qu’à une orange.
Environ 17 ans plus tard, Jeanne Graber épouse Alfred Reust qui depuis 1929 exploite la ferme du Semplin. Ensemble, le couple aura quatre garçons et deux filles, tous retraités aujourd’hui. Jeanne Reust-Graber quitte ce monde le 17 avril 1989. Elle avait 81 ans.

Au front ce même Noël

Alors que dans le petit village de Sornetan, comme partout ailleurs dans le monde, l’heure est à la contemplation en ce Noël 1914, des trêves sont observées en plusieurs points du front entre les troupes allemandes et alliées. Un temps de répit apprécié dans l’épouvante du carnage, comme l’écrivait à ses parents, le soldat Joseph Roth. Un témoignage émouvant parmi tant d’autres, envoyé de Lorraine. (voir extrait encadré). Bien que né et ayant fait ses classes à Porrentruy, mais de parents français, Joseph Roth fait son service militaire en tant que dragon à la caserne de Belfort en 1913. En 1914, il est appelé sous les drapeaux. Il ne reverra hélas jamais sa terre natale puisqu’il sera tué en 1916 dans la région de Verdun. Il avait 23 ans. Dans ses premières lettres, Joseph s’excuse des fautes. Il dit qu’il écrit parfois en vitesse et aussi sans trop de lumière.

Merci à l’Ajoulote Madeleine Blanchard - Roth sa nièce, de nous les avoir confiées…et à Jean-Pierre Graber de Sornetan, neveu de Jeanne Graber-Reust, pour ses éclaircissements.

Une lettre qui revient tout droit de la guerre

Chers parents,
Hier j’ai reçu votre énorme paquet qui m’a fait un plaisir dont vous ne pouvez vous en douter. J’ai le moment d’en profiter attendu que depuis que nous avons quitté le Nord nous sommes au repos. A que nous sommes contents d’avoir quitté ce pays où nous sommes restés pendant six semaines à la même place ; c’est devant Monchy (pas de Calais) que nous avons resté si longtemps et que le 10 octobre notre régiment s’est sacrifié, ainsi que toute notre division devant des forces 20 ou 50 fois supérieures à nous  et que nous avons réussi à les enrayer jusqu’à l’arrivée d’un corps d’armée qui venait nous délivrer, (20e Corps de Nancy et des Marsouins ; ces derniers ne sont pas des «pétochards»). Laissons ces affaires de guerre pour l’instant attendu que pour le moment nous ne somme plus sur le front. Nous avons passé un beau Noël tout le peloton était rassemblé en famille et nous avons eu un bon repas.
Trois camarades et moi de l’escouade nous avons fait le «réveillon» (comme ont dit aussi dans le pays de Porrentruy). Nous avons acheté deux lapins pour notre soirée et nous nous sommes amusés jusqu’à Minuit après quoi nous avons été à la messe... Il y a 3 semaines quant nous étions encore dans les tranchées nous ne pensions pas passer un si bon Noël….. Espérons que notre repos durera encore quelques jours et que tout joyeux nous reprendrons notre ouvrage. Tous va bien et à vous tous. Bonne et heureuse année pour 1915. Votre fils. Brabant le Roi le 25 décembre 1914.

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