Des gosses dans le «groove»

Yves-André Donzé

D’énergiques clameurs sourdaient mardi du X-Project, lieu d’expression des jeunes talents par excellence, à Bienne. Pas moins de 22 enfants de la cité et des centres d’accueil de requérants d’asile de Bienne et de Reconvilier entamaient une semaine de plongée culturelle par la danse et le théâtre. «Surtout par le jeu et grâce au talent naturel de ces enfants provenant de différents horizons», précise Isabelle Freymond, comédienne et pédagogue de théâtre, qui prépare avec cette joyeuse troupe un spectacle pour demain.

Tous les enfants dans un même projet

Pour la troisième année consécutive, des enfants et ados d’ici se mêlent aux jeunes migrants pour s’épanouir dans un projet nommé Théâtre Evasion, initié par le Service civil international (SCI) et le Centre de compétences Multimondo pour l’intégration. Il est également soutenu, entre autres, par la Fondation Art Mentor, de Lucerne.

«L’idée de faire de l’intégration d’enfants migrants me plaît infiniment, mais sans mettre forcément le doigt sur l’intégration. C’est l’immersion et la mobilisation des forces créatrices de chacun qui me paraissent primordiales et intégrantes», insiste la comédienne tandis que les enfants, emmenés par Marc Ugolini, le danseur de la Capsule Academy installée dans le centre socioculturel X-Project, se fondent avec ardeur dans les rythmes du hip hop et d’autres musiques actuelles. Les gosses, il n’y a pas à dire, groovent naturellement, qu’il s’agisse du mouvement ou de l’imagination.

Sur une table, un flyer décrit laconiquement le projet: «Nous inventons et créons ensemble une pièce de danse-théâtre. Cela veut dire jouer, essayer, rêver, se glisser dans des rôles, bouger, se laisser bouger. Si tu veux participer à ce projet coloré et bilingue avec les enfants de tous les pays...»

Isabelle Freymond explique sa démarche: «Je pars toujours de choses simples, de ce qui touche l’enfant dans son quotidien; d’un lieu où il se sent bien. A partir de cela, nous créons de petites scènes, nous inventons une histoire autour d’un thème ou d’une activité qu’ils aiment faire.» Mardi, elle a donc présenté des images à partir desquelles les gamins de 5 à 13 ans ont travaillé par petits groupes supervisés chacun par un adulte bénévole. «L’important pour moi, c’est qu’ils passent une bonne semaine, hors des problèmes de leur quotidien qui peut être très difficile», lâche la comédienne en évoquant le fait que l’an dernier, trois enfants ont dû quitter la Suisse en catastrophe. «Vivre ça pour un enfant, c’est horrible», soupire-t-elle.

Isabelle Freymond ne manque pas de souligner l’incongruité du libellé Théâtre-Evasion. «C’est juste un concept. Mais cela sonne un peu cruel quand trois enfants doivent s’évader du pays ou se faire refouler sans délai», ironise-t-elle. Elle se ravise et préfère parler d’un recentrage de l’enfant autour de l’activité culturelle, autour de sa folle capacité de création. D’où la nécessité de l’exprimer par le jeu, activité naturelle par excellence.

Découvrir de nouvelles formes d’expression

Mardi, Maurus Achermann, responsable de projet en Suisse pour SCI, a assisté à la première journée théâtrale. Il affichait une satisfaction évidente, tout comme les six bénévoles de l’association qui participent à la semaine. «Je suis content de voir la qualité de l’intégration de ces jeunes dans leurs différences», s’enthousiasme-t-il.

Miriam Lüthold Lindén, mentor des arts et responsable au sein de la Fondation Art Mentor, partage le même élan: «Nous voulons encourager les enfants à découvrir la culture et les arts, la danse, la musique, qu’ils puissent approcher des nouvelles formes d’expression, et à s’ouvrir à d’autres cultures. Cette semaine se présente comme est un très bel exemple», s’exclame-t-elle de son côté.

Spectacle conçu par les enfants: Vendredi à 12h40, au X-Project (rue d’Aarberg 72).