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Jura bernois

Des vents contraires pour l’énergie éolienne

Le refus du projet des Quatre Bornes, il y a dix jours, et celui de Montoz-Pré Richard, il y a une année et demie, remettent-ils en question l’avenir de cette forme d’énergie dans la région? Le JdJ fait le point.

Pour le moment, le parc Juvent est le seul en service dans le Jura bernois. a-Keystone

 

Par Philippe Oudot

Il s’en est fallu de cinq petites voix, le 27 septembre dernier, pour condamner le projet du parc éolien des Quatre Bornes, à Sonvilier. Un verdict des urnes qui reste en travers de la gorge des partisans du projet. Notamment parce qu’un certain nombre d’enveloppes de votes n’auraient pas été prises en compte. Un recours vient d’ailleurs d’être déposé auprès de la préfecture du Jura bernois afin de tirer au clair cette situation…

Quoi qu’il advienne, Rosemarie Jeanneret, maire de Sonvilier, constate que l’atmosphère est désormais pesante au village, avec de fortes tensions entre les deux camps. Au vu d’un résultat aussi serré, elle s’attendait d’ailleurs à ce que des citoyens contestent le résultat du vote et déposent un recours auprès de l’autorité de surveillance des communes.

Atitre personnel, Rosemarie Jeanneret, qui s’était beaucoup engagée en faveur du parc éolien, se dit déçue de voir qu’une petite majorité des votants n’a pas compris que l’éolien était une énergie de transition indispensable, à l’heure du bouleversement climatique. «Je n’ai jamais vu les forêts de chez nous aussi mal en point, et une nature souffrant autant de sécheresse qu’aujourd’hui.»

Deuxième échec
Le verdict des urnes d’il y a dix jours n’est d’ailleurs pas une première dans le Jura bernois. Il y a une année et demie, le 12mars 2019, les citoyens de Court avaient rejeté le projet de parc éolien de Montoz-Pré Richard. Mais contrairement à Sonvilier, la décision avait été prise par l’assemblée communale, et le verdict avait été clair et sans appel, le non l’emportant avec plus de 70% des voix.

Ces deux refus montrent qu’aujourd’hui, on est bien loin du soutien populaire dont jouissait cette énergie renouvelable, lors de la construction du parc Juvent, et même lors de son repowering. Si ces deux projets ont été refusés par la population, ils restent toutefois inscrits dans le plan directeur éolien du Jura bernois. Théoriquement, en fonction d’éventuels changements à venir, il serait donc possible, dans le futur, de relancer ces projets sans devoir tout reprendre à zéro.

Oui, mais…
Avant les villages de Court et Sonvilier, les citoyens de Tramelan et de Saicourt avaient en revanche donné leur feu vert au projet du parc éolien de la Montagne de Tramelan. C’était au printemps 2015. Il portait sur la construction de sept machines, cinq sur le territoire communal de Tramelan, et deux sur celui de Saicourt. Appelés aux urnes le 8 mars 2015, les Tramelots avaient dit oui à une majorité de trois sur cinq, et le lendemain, ceux de Saicourt leur emboîtaient le pas dans une proportion presque identique.

Mais depuis, le projet est bloqué, regrette le maire Philippe Augsburger. En effet, réunis sous la bannière de l’association PHP (Protection habitat et paysage), un groupe de citoyens avait fait opposition. D’abord, auprès de l’Office des affaires communales et de l’organisation du territoire (OACOT). Puis, en deuxième instance, à la Direction de la justice qui, en juillet 2019, avait également rejeté le recours.

Mais PHPavait alors saisi le Tribunal administratif du canton de Berne, autorité devant laquelle l’affaire est encore pendante. Et si, comme devant les deux instances précédentes, la décision devait être négative, l’association PHPa-t-elle l’intention de recourir jusqu’au Tribunal fédéral? «C’est trop tôt pour le dire. Quand le verdict tombera, nous examinerons en détail les considérants avant de nous décider», indique son président Martial Voumard.

Du côté de BKW, promoteur du parc de la Montagne de Tramelan, on dit attendre sereinement la décision du Tribunal administratif. La porte-parole Sabrina Schellenberg indique que le projet est prêt à aller de l’avant dès que les obstacles juridiques auront été levés.

Trois turbines au Jeanbrenin
Un autre projet est aussi en préparation sur la Montagne du Droit, dans le prolongement du parc Juvent, côté Est. Il s’agit du projet du Jeanbrenin. Situé sur le territoire de Corgémont et de Cortébert, celui-ci prévoit la construction de trois aérogénérateurs, deux sur la première commune, et un sur la seconde. En fait, rappelle Etienne Klopfenstein, maire de Corgémont, «le projet prévoyait initialement quatre machines, mais une d’elles a été supprimée, car trop proche de quelques habitations».

Comme à la Montagne de Tramelan, BKWest le promoteur du projet. Sabrina Schellenberg précise que l’électricité produite par les trois éoliennes pourra être injectée sur la ligne de 16kilovolts du parc Juvent. Mis en dépôt public à l’automne 2019, le plan de quartier nécessaire à la construction du parc est en phase d’examen préalable auprès de l’OACOT.

Décision en 2021
Comme le souligne Philippe Weber, en charge du domaine Aménagement à l’Unité francophone de l’OACOT, c’est une procédure complexe qui, dans le cadre de l’étude d’impact sur l’environnement, implique également tous les offices liés de près ou de loin aux questions d’environnement et de paysage. Une décision de l’OACOT devrait tomber en 2021. Elle permettra ensuite aux deux communes de préparer le dossier en vue d’une décision. Elle devrait être prise en assemblée communale, précise Etienne Klopfenstein. Malgré les récents échecs à Court et à Sonvilier, le maire se dit plutôt confiant: «Le parc du Jeanbrenin constitue en fait le prolongement du parc Juvent. Il ne s’agit donc pas d’une crête totalement vierge. Je pense que les chances de succès sont meilleures, d’autant que l’éolienne qui posait le plus de problèmes a été retirée.»

 

Le projet du Mont Sujet écarté du plan directeur éolien

C’est en 1995 qu’a eu lieu une première évaluation du site du Mont Sujet. En 2007, les mesures effectuées par le développeur Greenwatt confirmaient le potentiel du site, considéré comme un des meilleurs en Suisse pour la production d’énergie éolienne. Inscrit dans le plan directeur éolien du Jura bernois, le projet, soutenu par la commune de Plateau de Diesse, prévoit la construction de cinq à huit aérogénérateurs. Avant d’aller plus avant avec les études de détail, la commune avait sondé ses citoyens lors d’un vote consultatif, le 14 juin 2015. Et ce fut un véritable plébiscite, avec plus de 81%d’avis favorables.

Le site est toutefois controversé, car il se trouve à proximité immédiate de Chasseral, qui figure à l’Inventaire fédéral des paysages (IFP). Il y a donc conflit entre les intérêts liés à production d’énergie renouvelable, fixée dans la Stratégie énergétique 2050 de la Confédération, et ceux de la protection du paysage. Consultée pour établir une expertise concernant les impacts du périmètre du Mont Sujet sur l’IFPChasseral, la Commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage (CFNP) a conclu que «le projet éolien du Mont Sujet perturbera et dénaturera fortement le paysage proche de l’état naturel de la première chaîne du Jura et touchera l’objet IFPChasseral de façon particulièrement forte».

Sur la base des conclusions de ladite commission, l’OACOTa donc annoncé à l’association Jura bernois.Bienne (Jb.B) que le projet du Mont Sujet n’était pas réalisable et qu’il était désormais biffé du plan directeur éolien du Jura bernois. Une décision aussitôt contestée par Jb.B et par la commune de Plateau de Diesse auprès de l’Office juridique de la Direction de l’intérieur et de la justice.

 

Lié à la Montagne de Granges

Un autre projet est aussi en attente du côté de la Montagne de Romont. C’est la société Ennova, bureau d’ingénieurs spécialisé des SIG (Services industriels de Genève), qui est le développeur du projet. Celui-ci porte sur la construction de cinq à six turbines au maximum. Maire de Romont, Yvan Kohler précise que «la réalisation de notre parc dépend de la construction de celui, voisin, de la Montagne de Granges. Or, celui-ci a fait l’objet d’oppositions, qui sont actuellement pendantes au Tribunal fédéral.» Comme le relève Michaël Berset, chef de projet chez Ennova, «nous avons déjà réalisé plusieurs études du milieu naturel dans le cadre de l’enquête préliminaire pour l’étude d’impact sur l’environnement, qui ont été validées par l’OACOT. Nous attendons donc le verdict du TFpour aller de l’avant.» Si la décision est positive, des synergies seront possibles avec le parc de la Montagne de Granges, notamment pour l’injection du courant. Si elle ne l’est pas, il faudra déjà voir si le projet de la Montagne de Romont reste inscrit dans le plan directeur éolien du Jura bernois. Le cas échéant, «nous sommes dans les starting-blocks», assure-t-il.

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