Vous êtes ici

Abo

Relations entre l’église et l’état

Dites! c’est où, le milieu du village?

Faute d’un berger charismatique, le troupeau parlementaire s’est littéralement dispersé dans toutes les directions

Christoph Neuhaus: le directeur des Affaires ecclésiastiques a dû brûler plus d’un cierge pour être entendu. DR

Pierre-Alain Brenzikofer

Même munie d’un collier arborant la croix huguenote, une chatte n’y aurait pas forcément retrouvé ses petits!Il est vrai que quand le Grand Conseil s’empare d’un dossier aussi brûlant que les relations entre l’Eglise et l’Etat, la multiplicité des opinions exprimées nous pousserait presque à affirmer que la lecture du nébuleux Ancien testament en araméen consiste en un exercice plus simple.

Pour tenter de faire simple, quand même – que Dieu nous vienne en aide! –, sachez que ce rapport fait suite à l’examen des offres et des structures (EOS 2014), lors duquel le Conseil exécutif avait renoncé à soumettre au législatif des propositions d’économies dans le champ d’activité «Eglise». Il estimait en effet ne pas pouvoir juger suffisamment bien la situation. Il avait donc choisi de confier un important travail de déchiffrage à deux experts, ce qui lui a permis de concocter son propre rapport.

Ah! les voies du Rathaus...

C’est ce document que le plénum a commencé d’examiner hier, l’incroyable diversité des propositions exprimées faisant néanmoins qu’on s’y recollera aujourd’hui. Les voies du Seigneur, dit-on, sont impénétrables. Celles de ses troupes l’étaient encore davantage au Rathaus. Avec les partisans du plus d’Eglise, ceux du moins d’Etat et les mécréants de service, difficile de cheminer sereinement.

Mais avant de passer à ce travail de déchiffrage, quelques faits importants. A l’heure actuelle, une majorité de la population bernoise – soit 570 000 fidèles – fait partie de l’Eglise réformée. Bon, ils ne vont pas tous au culte le dimanche, mais demeurent protestants jusqu’au dernier franc de leur impôt d’Eglise. Avec Schaffhouse, Berne représente ainsi le seul canton suisse à disposer d’une population majoritairement rattachée à l’Eglise réformée.

Et sans refaire l’Histoire, le droit ecclésiastique bernois part du principe que l’Etat reconnaît les Eglises nationales (réformée, catholique romaine et catholique chrétienne) et organise une partie de leur financement. Dans un tel contexte, une séparation de l’Eglise et de l’Etat est jugée inopportune par l’Ours. Elle n’obtiendrait déjà pas de majorité politique. Mais il conviendrait d’assouplir la relation d’interdépendance et de revoir la loi ad hoc, ce qui n’est pas le cas actuellement, les députés se prononçant uniquement sur un rapport.

Il faudrait en particulier supprimer l’engagement des ecclésiastiques par le canton, qui sont pour l’instant d’authentiques fonctionnaires. Ils devraient être recrutés par les Eglises elles-mêmes, tout comme ces dernières devraient aussi s’occuper de la dotation de leurs paroisses en ecclésiastiques.

Par contre, pas question d’élaborer pour l’instant une loi prévoyant la reconnaissance d’autres communautés religieuses, un tel projet ayant déjà été rejeté nettement en 1990.

Hier, les députés ont entamé un interminable débat relatif aux huit principes directeurs que le Conseil exécutif proposait dans son rapport. Ils ont déjà refusé de ne pas entrer en matière, ainsi que le proposait une députée UDC qui souhaitait ainsi conserver «un système qui a fait ses preuves».

Lors du débat d’entrée en matière, les groupes se sont montrés fort diserts: «Quand le vent souffle, certains construisent des murs, d’autres des éoliennes. Nous, nous sommes pour les éoliennes», a déclaré un Parti bourgeois-démocratique lyrique et féru d’évolution.

Pour le PS, la loi sur les relations entre Eglise et l’Etat est une des plus vieilles du pays:«Ceux qui ne veulent pas entrer en matière menacent tout simplement l’évolution de ces relations», a-t-on entendu dans ses rangs. S’agissant des communautés religieuses, l’UDC a jugé que le temps n’était pas venu de les reconnaître dans une loi, par risque de mettre en péril la paix des religions.

«La réforme doit avoir du contenu», a estimé le Parti évangélique. «Les temps changent et nous changeons le temps», a lancé, prémonitoire, le directeur des Affaires ecclésiastiques Christoph Neuhaus. Mais avec ce rapport, nous n’avons aucune pression sur la future réforme législative et c’est très bien ainsi.»

L’entrée en matière a été acceptée par 127 voix contre 16 et 3 abstentions. Le plénum a ensuite dû se coltiner trois propositions de renvoi distinctes, issues de politiciens tous minoritaires dans leurs rangs. Certains souhaitaient une vaste analyse permettant de définir la suite des relations, d’autres voulaient simplement le maintien du statu quo absolu. Enfin, une proposition exigeait toute bonnement une stratégie claire pour séparer l’Eglise de l’Etat. Inutile de prolonger le suspense:les trois propositions de renvoi ont été repoussées.

Vision trop courte?

Juste avant, on avait encore entendu les différents auteurs relever tout à la fois que le Conseil exécutif avait une vision trop courte – n’est pas Saül qui veut, qui ne consistait qu’en une adaptation marginale des salaires, que le thème était trop important pour qu’on y réfléchisse de façon aussi peu approfondie et qu’il fallait aborder la reconnaissance des autres communautés.

Certains, au contraire, ont martelé qu’il fallait avoir le courage et la force de maintenir l’ancien système. Que le fait que les ecclésiastiques soient engagés par le canton était un grand acquis de la Réforme.

«Il nous faut des réformes bien plus ambitieuses, a plaidé Pierre Amstutz (Les Verts, Corgémont). Le canton doit être pionnier.Las, le gouvernement dit surtout ce qu’il ne veut pas. Il nous faut une politique active pour soutenir ceux qui s’engagent en faveur de la tolérance et la compréhension contre les intégrismes. Il nous faudrait aussi une loi sur les communautés religieuses. En ce sens, je suis pour le renvoi.»

Le dernier, pas le premier

«Ne m’obligez pas à faire une telle loi, a enfin plaidé Christoph Neuhaus. Je rappelle que nous sommes le seul canton où les ecclésiastiques sont encore des salariés de l’Etat. Quant à plancher sur une séparation de l’Eglise et de l’Etat, il faudrait changer la Constitution et dissoudre les Eglises nationales...»

La discussion se poursuit aujourd’hui avec l’analyse très détaillée des huit principes directeurs du gouvernement qui ont suscité une foultitude d’amendements. Ça nous rappelle presque la multiplication des pains. Quelques cas ont déjà été réglés, mais nous y reviendrons dans une prochaine édition.

Jusque-là, allez en paix!

Articles correspondant: Région »