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Bienne

Donner de la voix aux Biennois

La première exposition ouverte au public de la Krone Couronne nouvellement restaurée s’intitule «Biennophone». Huit artistes de la cité seelandaise y participent.

Les nouvelles curatrices de la Krone Couronne, Camille Regli et Kristina Grigorjeva, présentent leur première exposition au public dès aujourd’hui, et jusqu’à dimanche prochain. Yann Staffelbach

Julie Gaudio

L’Ancienne Couronne, le lieu d’exposition en vieille ville de Bienne, brille d’un nouvel éclat. Renommé Krone Couronne par ses deux curatrices récemment mandatées par la Ville de Bienne, Camille Regli et Kristina Grigorjeva, le centre pour l’art contemporain de la rue Haute peut à nouveau ouvrir ses portes au public ce vendredi. Après des semaines de travaux, et le lancement de la première installation par Laurent Güdel (visible depuis l’extérieur), la Krone Couronne présente l’exposition «Biennophone» jusqu’à dimanche prochain (25 avril). «Huit artistes ont investi le centre d’art durant une semaine chacun, et y ont laissé différentes pièces dans les deux salles», explique Camille Regli.

Les passants attentifs et curieux ont d’ailleurs peut-être remarqué ces dernières semaines des artistes évoluer, jour et nuit, dans la Krone Couronne. Certains ne sont d’ailleurs pas passés inaperçus. «Mirja Curtius a importé de la laine fraîche d’Engadine, d’où elle est originaire, pour créer un grand tapis, à l’aide d’eau et de savon. Elle a convié plusieurs amis à danser dessus, car la laine doit être écrasée d’abord avec les pieds», détaille Camille Regli. Après plusieurs semaines de séchage, le tapis peut aujourd’hui être exposé, tendu sur une fine corde.

Dans un autre style, l’artiste biennoise d’origine tessinoise, Vera Trachsel, a créé son œuvre de minuit à cinq heures du matin avec des amis, en même temps que les horaires de confection de la Boulangerie  Bäckerstübli, située juste en face. «A l’aide de matériaux de récupération, Vera Trachsel a imaginé un immense gâteau, où l’on peut marcher et dormir dedans», sourit la curatrice de la Krone Couronne.

Libérer la communauté

Camille Regli et Kristina Grigorjeva ont laissé carte blanche aux artistes professionnels participants, tout en leur imposant comme  point de départ l’essai «Community» de Zygmunt Bauman. Dans ce texte publié en 2000, le sociologue britannico-polonais définit le mot «communauté» comme un lieu désiré ardemment. «Mais l’obéissance à une communauté peut priver de certaines libertés», nuance Camille Regli, en analysant la définition de Zygmunt Bauman.

De ce mot, l’artiste Nora Renaud a imaginé des masques en bois, comme des filtres Instagram, ainsi qu’un immense «dièse» («hashtag», dans le langage du réseau social). «Les hashtags rassemblent des personnes autour de contenus, créant des communautés», glisse Camille Regli.

Raphael Loosli a quant à lui réfléchi à quelle communauté il destinait ses œuvres d’art en premier lieu. Il a inscrit sa réponse sur l’une des vitres de la Krone Couronne, lisible depuis l’extérieur.

Esprit collaboratif

Pour leur première exposition en tant que curatrices de la Krone Couronne, Camille Regli et Kristina Grigorjeva ont eu à cœur de faire résonner «la voix des Biennois». D’où le titre, «Biennophone», qui s’inspire d’une marque de fabrication de radios suisses, disparue du marché en 1988. Elles ont sélectionné les huit artistes au gré de leurs rencontres, tout en ayant à cœur de représenter différentes générations et divers médiums.

Toutes deux nées en 1990, Camille Regli et Kristina Grigorjeva ont tenu à imaginer leur exposition en étroite collaboration avec les participants. «Nous ne voulions pas que l’expo soit créée de manière statique. Nous avons défini le cadre de base, mais avons ensuite fait totalement confiance aux artistes, ne serait-ce qu’en leur laissant les clés de la Krone Couronne durant leur résidence», souligne Camille Regli. «Nous avions à cœur de briser la hiérarchie ‹classique› du curateur, qui récupère les œuvres terminées d’un artiste, et construit l’exposition selon ses propres souhaits.» La Krone Couronne se veut donc ouverte à tous, en témoigne la récente campagne d’affichage, composée de posters écrits dans les 20langues les plus parlées à Bienne, hormis le français et l’allemand. «Une manière de s’adresser à un public qui n’est pas forcément habitué à fréquenter des lieux d’art», conclut Camille Regli.

Infos: https://kronecouronne.ch/fr

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