Du bois dont on fait du jus

par Philippe Oudot

Avec le réchauffement climatique, les forêts sont soumises à un stress hydrique qui rend les arbres de plus en plus vulnérables face aux bostryches qui, eux, profitent de ces conditions climatiques. C’est particulièrement le cas pour les épicéas, dont la part dans les forêts va diminuer drastiquement. Tel est le constat dressé par les deux députés verts libéraux (pvl) Christoph Grimm et Thomas Brönnimann.
Or, relevaient-ils dans une motion déposée l’été dernier, il serait possible de transformer le site de la centrale nucléaire de Mühleberg (CNM) pour y produire de l’électricité à partir du bois abattu. De quoi compenser, au moins en partie, la perte de production suisse d’électricité entraînée par l’arrêt du réacteur.

Nombreux avantages
Pour les deux élus, une telle production aurait de nombreux avantages: cela permettrait de résoudre le problème lié au surplus de bois abattu et de débarrasser rapidement la forêt des arbres infestés, qui constituent une menace phytosanitaire. De plus, les propriétaires de forêts verraient ainsi leurs pertes limitées, eux qui peinent à vendre leur bois contaminé.
De surcroît, cette production électrique neutre en CO² serait conforme aux objectifs de la Stratégie énergétique 2050 de la Confédération et réduirait les importations d’électricité. Dans ce contexte, les deux élus demandaient au Conseil exécutif, en tant que membre du conseil d’administration de BKW, d’user de son influence pour faire de l’emplacement de la CNM un site de production d’électricité à partir du bois et de prévoir la construction d’entrepôts pour y stocker les arbres bostrychés utilisés pour produire de l’électricité en hiver, période où la demande est la plus forte.

Pas si simple
Comme le rappelle le Conseil exécutif, ce sont le conseil d’administration et la direction de BKWqui sont responsables de la garantie à long terme des intérêts économiques de BKW SA. Conformément à la planification de la désaffectation et du démantèlement de la CNM, le site ne sera à disposition pour une nouvelle utilisation qu’à partir de 2034.
Certes, admet le gouvernement, «le bois, en tant que source d’énergie locale, favorise l’indépendance énergétique de notre pays et peut contribuer à atteindre les objectifs de la Stratégie énergétique 2050». En effet, du point de vue climatique, le bois constitue une source d’énergie exceptionnelle s’il provient de la région où il est utilisé de manière énergétique rationnelle. Ainsi donc, «la transformation du bois en électricité dans des centrales thermiques avec utilisation de la chaleur produite offre un très haut potentiel en termes de protection du climat».
Sachant qu’avec la technique conventionnelle, seuls 35% de l’énergie primaire contenue dans le combustible bois sont transformés en électricité, «il est donc judicieux d’utiliser les rejets de chaleur générés par la production d’électricité grâce au principe de la cogénération. Dans l’idéal, la chaleur produite sert à alimenter un réseau de chauffage à distance.»

Peu judicieux
Si le site de la CNMest parfaitement intégré au réseau, sa position géographique dans une cuvette n’est pas idéale. Suivant les conditions météo, les polluants atmosphériques risquent de s’accumuler sur place. Le gouvernement observe en outre qu’il n’y a guère de consommateur de chaleur à proximité. Il note aussi qu’il faudrait évaluer si une grande installation centralisée est préférable à de plus petites unités décentralisées. Quant à la construction d’entrepôts pour le bois sur le site de Mühleberg, il juge plus judicieux de privilégier des sites décentralisés et disponibles rapidement.
Si la transformation de bois infesté en électricité répond aux intérêts de la Stratégie économique, le Conseil exécutif propose néanmoins de rejeter la motion, car le site de la centrale nucléaire de Mühleberg est peu adapté à la production d’électricité à partir de bois.