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Mâche

Du fil et du café pour créer des liens

La Maison Calvin accueille deux fois par mois un café-couture, un point de rencontres axé autour des machines à coudre organisé, par l’InfoQuartier et la Paroisse réformée. Reportage

Epaulée par sa maman Elisabeth, Anne-Sophie, 10 ans, préfère confectionner ses habits elle-même plutôt que de les acheter. DNI

Didier Nieto

Anne-Sophie a le regard rivé sur l’aiguille de la machine à coudre. L’instant est critique. La concentration maximale. La jeune fille de 10 ans attaque la partie intérieure – toute en courbes – du pantalon qu’elle confectionne. «C’est le troisième que je crée», glisse-t-elle en levant les yeux. «Je n’ai pas envie de porter des habits achetés dans des magasins. Je ne sais pas d’où ils viennent. Je ne veux pas que des enfants en Inde ou ailleurs en Asie doivent travailler pour les fabriquer.»

Anne-Sophie aspire à devenir couturière. Vendredi passé, accompagnée de sa maman, elle a pris part pour la deuxième fois au café-couture du quartier de Mâche. L’atelier a lieu deux fois par mois à la Maison Calvin depuis la fin de l’été passé. Il est organisé conjointement par l’InfoQuartier de Mâche et la Paroisse réformée de Bienne.

Point de rencontre

«Notre but était de proposer un lieu de rencontre pour les habitants du quartier, quel que soit leur âge, leur origine ou leur appartenance sociale», explique Anna Mele, responsable de l’InfoQuartier. «Cette offre existait déjà au centre-ville, mais pas à Mâche», ajoute-t-elle. La couture est une sorte de dénominateur commun aux deux populations principales du quartier: les migrants et les personnes âgées. «Elles cherchent toutes deux à réparer leurs vêtements plutôt que d’en acheter des neufs», poursuit l’animatrice socio-culturelle. «Pour la plupart, c’est une question de culture. Mais pour d’autres, c’est une nécessité financière.»

Le café-couture réunit à chaque fois entre cinq et dix personnes. L’assistance est bigarrée: retraités, jeunes mères, grands- mamans, suisses, étrangers. Ouvert à tous, il reste cependant uniquement fréquenté par des femmes. «Un homme âgé est venu une fois. Mais nous ne l’avons pas revu ensuite», précise Susanne Kaiser, de la Paroisse reformée.

«Mieux que d’être seule»

L’atelier coûte 5 fr. Le café et le thé sont offerts. «Parfois quelqu’un apporte un gâteau ou des biscuits», relève Anna Mele. Des bobines de fil, des bouts d’étoffe, trois machines à coudre sont à disposition – «C’est pratique parce que celle que nous avons à la maison est cassée depuis peu», glisse Elisabeth, la maman d’Anne-Sophie.

Les participantes viennent avec les habits qu’elles veulent réparer ou les morceaux de tissu indispensables pour en créer de nouveaux. Certaines savent déjà coudre, d’autres cherchent à apprendre.

Deux couturières expérimentées sont à chaque fois présentes pour prodiguer de l’aide ou des conseils. Vendredi, elles ont donné quelques tuyaux à Anne-Sophie. Elles ont aussi montré à Evelyne comme attacher les bretelles du tablier qu’elle prépare. «Je sais un peu coudre, mais il y a certaines choses que je ne sais pas faire», sourit la retraitée de La Heutte. Elle participe au café pour la deuxième fois. «C’est mieux que de rester coudre seule à la maison. Ici je rencontre du monde», confie-t-elle, avant de se replonger dans la discussion avec sa voisine de table.

«C’est ce que nous cherchons à faire: sortir les gens de leur isolement et les rapprocher», indique Anna Mele. «Malheureusement, notre société a besoin de ces points de rencontres pour que les gens se parlent, créent des liens et développent un esprit de solidarité.» Le café-couture est l’une des nombreuses activités proposées par l’InfoQuartier de Mâche. Il organise aussi un marché aux puces chaque mois, des rencontres pour les parents en vue de favoriser l’encouragement précoce ou encore, depuis le week-end passé, un concours de soupe.

«Je voulais apprendre»

Alors que d’autres couturières papotent gaiement, Beri reste focalisée sur son travail. Elle coud un pyjama pour son fils. La jeune maman est une habituée de l’atelier. La première fois qu’elle a franchi les portes de la Maison Calvin, elle ne s’était cependant jamais servie d’une machine à coudre. «Mais j’avais envie d’apprendre», affirme-t-elle. Vendredi, elle a débarqué avec la machine qu’elle venait d’acheter  sous le bras. «Comme ça, je pourrai continuer à coudre à la maison», se réjouit-elle. «Mais je ne sais pas encore comment elle fonctionne. Ici, je sais qu’on pourra m’apprendre à l’utiliser.»

 

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