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Du rififi autour du Hirschen

La salle du Hirschen n’a toujours pas été rénovée malgré les engagements pris par le propriétaire il y a deux. Celui-ci est aussi attaqué en justice par un ancien locataire.

La Ville a vendu la salle du Hirschen en juin 2015 à la société immobilière Bozistra AG. Son directeur, Albert Edner, possède aussi le bâtiment attenant. Photo archives

Didier Nieto

La Ville avait poussé un ouf de soulagement. En juin 2015, après trois ans de recherche, elle avait enfin trouvé un acheteur pour la salle du Hirschen. La société immobilière Bozistra SA avait déboursé 550000fr. pour acquérir l’enceinte emblématique de Boujean. Son directeur, Albert Ender, n’était pas un inconnu dans le quartier. En 2010, il avait déjà racheté le bâtiment du Hirschen, qui jouxte la salle et qui comprend un restaurant et des appartements.
Le Zurichois entendait redonner à la salle «son lustre d’antan». Il s’était engagé – et c’était aussi une exigence de la Ville – à rénover le bâtiment. Albert Ender prévoyait d’investir environ 800000 fr. pour renouveler les systèmes électrique et acoustique et pour installer un véritable espace cuisine. A cela s’ajoutaient des frais pour assainir la façade de l’édifice. Le nouveau propriétaire avait annoncé vouloir débuter les travaux «immédiatement».

«Pas allé comme prévu»
Près de deux ans plus tard, rien n’a changé. Ou presque. «Nous avons effectué des réparations sur les installations électriques. Nous avons aussi installé des instruments de musique, une machine à café ou encore une chaîne hifi. Mais une partie du matériel a été volé (réd. une enquête de police est effectivement en cours)», explique Albert Ender. Le propriétaire concède cependant que «tout ne s’est pas déroulé comme prévu». Il dit que certaines associations – le Zurichois refuse de donner leur nom – qui avaient promis leur aide pour effectuer les travaux n’ont pas respecté leur engagement. En outre, le taux d’occupation de la salle et les demandes émanant des associations locales se sont avérés trop faibles pour justifier les rénovations prévues. «Pour pouvoir redonner de la vie à la salle, il faut développer un autre concept d’utilisation de la salle. Elle doit par exemple pouvoir accueillir des concerts et des défilés de mode.»
Depuis son rachat, le Hirschen a toujours été loué, principalement pour des mariages ou des fêtes de famille. Des associations l’ont aussi occupé, notamment la clique Harlekin. D’autres y ont renoncé, en raison de la hausse du prix de location. «Les tarifs pratiqués autrefois étaient trop bas, ils ne m’auraient pas permis de rentrer dans mes frais», rétorque le propriétaire.
Pour faciliter le contact avec les sociétés locales, Albert Ender avait confié l’administration de la salle à la Guilde du quartier de Boujean. «Mais je n’ai pas pu compter sur elle», accuse-t-il. Ancienne assesseure de la guilde, Lis Keller avait hérité des clés de la salle en juin 2015. «Je m’étais mise à disposition pour m’occuper de la gestion, reconnaît-elle. J’ai rencontré Albert Ender une fois. Mais ensuite, plus rien. Je n’ai jamais reçu de consignes.»
Aujourd’hui, l’administration de la salle est entre les mains d’Albert Ender – ou entre celles d’un collaborateur.

Travaux en juin?
La rénovation du Hirschen n’était pas une clause inscrite dans le contrat de vente. La Ville n’a donc aucun moyen de contrainte sur le propriétaire. «Mais Albert Ender a pris un engagement moral. Et nous entendons bien qu’il le respecte», assène Silvia Steidle. La directrice des Finances relativise toutefois la situation: «Il est usuel que des projets de cette ampleur prennent du retard. D’autant que dans ce cas, il s’agit de rénover un bâtiment protégé.» De son côté, Albert Ender assure qu’il respectera sa promesse. Les travaux, continue-t-il, devraient débuter dès le mois prochain. «Nous commencerons, entre autres, par rafraîchir les murs, changer le rideau, refaire la décoration et installer une nouvelle cuisine.»
La salle du Hirschen étant un bâtiment classé digne de protection, les plans des travaux doivent être supervisés par le Service des monuments historiques. Or, ce dernier indique n’avoir encore jamais penché sur le moindre projet. Et pour le moment, aucune demande de permis de construire n’a non plus été déposée.

Litiges avec des locataires
Parallèlement à ce projet de rénovation, Albert Ender a été attaqué en justice par l’un de ses anciens locataires du bâtiment du Hirschen. Micha Colombini avait signé un contrat de bail pour un appartement à partir du 1er août 2016. Selon lui, au moment d’emménager, le logement accusait de nombreuses défaillances, dont des dégâts des eaux. Bien qu’il ait payé le premier loyer, il n’a jamais pu habiter à la route de Boujean. Micha Colombini n’était pas un locataire comme les autres. Il avait aussi été engagé pour diriger les travaux de rénovation dans quatre appartements du bâtiment. «Le propriétaire m’avait promis que l’appartement serait prêt pour le 1er août. Mais vu l’état des lieux, c’était impossible», affirme-t-il. Albert Ender s’en défend. «Si les travaux ont pris du retard, c’est de sa faute.» Les deux hommes se sont retrouvés en février devant l’autorité de conciliation, sans parvenir à un accord. Albert Ender réclame désormais à son ancien locataire de lui régler les loyers de septembre à février – soit 7940 fr. Estimant la démarche frauduleuse, Micha Colombini a déposé une plainte pénale contre le propriétaire, notamment pour tentative d’extorsion.
D’autres locataires sont dans la même situation. Omar Ayachi a expliqué à TeleBielingue que l’appartement dans lequel il a emménagé en août 2016 avec sa sœur était toujours en travaux: ils n’ont pas eu d’eau chaude durant plusieurs mois. Omar Ayachi a refusé de payer les loyers tant que le logement ne serait pas terminé. Lui et Albert Ender ont rendez-vous le mois prochain devant l’autorité de conciliation.

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