Vous êtes ici

Musique

Gianna Nannini, reine de la rock provoc

Star incontournable du rock italien, Gianna Nannini revient sur le devant de la scène avec un nouvel album. Interview

Gianna Nannini était de passage à Bienne

Marcello Previtali
Après «Hitstory» paru il y a deux ans, l’artiste toscane nous fait découvrir son «Amore Gigante» (Amour géant). L’amour, toujours, véritable fil rouge pour la rockeuse à la voix éraillée.
A plus de 61 ans, l’auteure de tubes comme «I Maschi» ou «Bello e Impossibile» fait preuve d’une belle constance artistique. Véritable bête de scène, la reine de la rock provoc a fait escale à Bienne.
Engagée et habituée aux coups de force, elle a souvent suscité la polémique. Comme en 1995 à Rome où, accompagnée de militants de Greenpeace, elle grimpe au balcon du palais Farnèse, siège de l’ambassade française, pour y improviser un concert de protestation contre la décision du Gouvernement français de reprendre les essais nucléaires dans l’atoll de Mururoa.

Ou, en 2010, quand l’Italie apprend qu’elle est enceinte à l’âge de 54 ans. Le 26 novembre, elle donne naissance à sa fille Penelope et déclare «God is a woman», défrayant la chronique dans la très catholique Botte. Elle sait aussi mettre le feu sur scène, à l’image de son duo avec Edoardo Bennato, lors de l’ouverture de la Coupe du Monde de football, en 1990.

Quelque peu assagie depuis qu’elle a donné naissance à Penelope, l’icône du rock transalpine vit aujourd’hui à Londres avec sa fille. Coup de fil dans un français chantant et rocailleux.

Plus de 40 ans de carrière et près de 20 albums. Comment expliquez-vous une telle longévité?
La musique, c’est un voyage dans l’inconnu. Quand tu aimes la musique, c’est toujours un recommencement de quelque chose. Tu te découvres toi-même. Moi, j’aime prendre des risques, faire des rencontres, découvrir des gens et d’autres cultures. C’est peut-être tout cela qui me permet d’avancer et de rester toujours dans le coup.
Le rock italien manque de sang neuf et peine aujourd’hui à passer les frontières. Comment voyez-vous l’évolution du rock en Italie?
Il y a tout de même quelques jeunes qui sortent du lot, comme le groupe Negroamaro (ndlr: du nom du cépage de Salento, dans les Pouilles). Ils ont une vraie identité italienne. Mais pour évoluer et se faire connaître, il faut oser se mêler aux gens, aller à la rencontre de l’autre. Aujourd’hui, les jeunes Italiens sont trop individualistes.
Quelles sont vos influences?
C’est en Allemagne que j’ai découvert mon identité culturelle grâce notamment au producteur Conny Plank. J’ai eu très vite confiance en lui. Je crois beaucoup à la confiance. Il venait de la radio, il avait travaillé avec les Kraftwerk et jeté les bases de la musique électronique qui se joue encore aujourd’hui. Mais j’aime à peu près tous les genres de musique, de préférence de type underground ou rock minimaliste.
Où trouvez-vous l’inspiration?
Dans les voyages, l’enfance ou dans l’air du temps, tout simplement. Je dois me mettre en condition pour créer. Je crois aussi beaucoup au pouvoir de l’émotion. Il faut libérer et communiquer les émotions. C’est mon rôle, mon objectif.
La scène et le public, est-ce important pour vous?
C’est même essentiel. C’est un moment métaphysique. Nous, les artistes, nous avons une responsabilité envers le public.
«Amore gigante», votre nouvel album de 15 titres, est moins rock. La maternité a-t-elle quelque peu assagi la provocatrice que vous étiez?
On ne change pas vraiment un caractère, mais c’est vrai que ce n’est pas un disque rock, à l’exception du dernier titre «L’ultimo latin lover». Il s’agit plutôt de ballades, avec un brin d’ironie et de mélancolie et d’émotions.
Et d’amour aussi...
Oui, c’est un message essentiel. Il faut parler, chanter et faire l’amour, car il y a beaucoup de haine et de racisme dans le monde. Quand je vois la haine, je vois l’amour. On a besoin d’un amour géant.
En 1990, vous avez chanté l’hymne officiel du Mondiale de foot avec Eduaordo Bennato dans votre pays. Que pensez-vous de la non-qualification de la Squadra?
Evidemment, je suis très déçue, mais c’est symbolique de l’Italie actuelle, incapable de créer un team. Comme je le disais pour les jeunes, les Italiens sont devenus trop individualistes. C’est le même problème pour le gouvernement. Il n’arrive pas à trouver un esprit d’ensemble.
Vous avez choisi de vivre à Londres avec votre fille. Et l’Italie, alors?
J’ai donné le meilleur de moi-même pour mon pays et 30 ans de ma vie pour la musique en Italie. Aujourd’hui, je veux donner à ma fille, qui va à l’école ici. Et pour travailler dans le milieu du rock, il vaut mieux être en Angleterre. Mais je n’ai pas quitté mon pays pour autant, car l’Italie a besoin de moi (rires).

Articles correspondant: Région »