Vous êtes ici

Abo

Documentaire

Grock, entre ombres et lumières

Dimanche sera diffusé, sur RTS Deux, un film qui explore le contraste entre Adrien Wettach, fin entrepreneur en avance sur son temps, et le personnage drôle qu’il a créé.

Né à Loveresse, Adrien Wettach fera éclater son personnage de Grock ailleurs, plus tard. Photo mémreg

Michael Bassin

Diffusé il y a quelques jours sur ARTE en première, le film «Grock, ombres et lumières d’un clown de légende» est à voir demain sur RTS. Ce documentaire retrace l'histoire d'un artiste qui a fait de son personnage un produit à succès. Mais il dévoile aussi son côté sombre, son orgueil démesuré et ses égarements, lui qui joua pour le régime nazi. Deux faces opposées, mais indissociables, d'un clown poétique qui a croqué à merveille les contradictions humaines.

A l’origine du projet se trouve un producteur français captivé depuis longtemps par Grock, qui a demandé à la réalisatrice Alix Maurin d’entamer le développement d’un film. Puis s’est joint un autre réalisateur, Fabiano D'Amato. «Je ne connaissais pas Grock avant. J’ai tout appris sur lui au fur et à mesure. J’ai très vite été fasciné par son histoire et, surtout, par toutes ses facettes», confie-t-il.

Auguste destin

Les coréalisateurs n’avaient pas pour objectif de retracer la chronologie de celui qui est né à Loveresse en 1880. «Nous voulions explorer le contraste entre Adrien Wettach et le personnage qu’il a créé», explique Fabiano D'Amato. «Nous avions, d’un côté, un clown drôle et touchant qui, avec une grande sensibilité, a fait rire les publics les plus jeunes et plus âgés, et ce dans tous les pays. De l’autre, il y avait un homme qui s’est avéré un fin entrepreneur en avance sur son temps qui, avec un seul numéro de clown (réd: un Auguste, musicien, éprouvant les pires difficultés à jouer de son violon), a assuré son succès pendant plus de quarante ans. Un vrai homme d’affaires qui a joué pour les meilleurs et les pires de son époque.»

Quelques perles

L’essentiel du travail de réalisation fut la recherche d’archives. «Pour les photos, les partitions ou les lettres, nous avons pu, entre autres, compter sur le soutien de Raymond Naef, petit-neveu d’Adrien Wettach, ainsi que de Laurent Diercksen, auteur du livre ‹Grock un destin hors norme›, qui possède une collection impressionnante de documents historiques», indique Fabiano D'Amato.

Les archives audiovisuelles proviennent quant à elles de différentes sources en France, Allemagne, Italie et Suisse. «Cela a été un travail de longue haleine, qui a demandé beaucoup de patience, mais qui a également été passionnant, surtout lorsque nous tombions sur des petites perles.» Notons encore que l’on trouve l’actrice Irène Jacob à la narration.

Biographe de Grock, Laurent Diercksen parle de ce film comme d’une «magnifique remise en lumière, avec tact et sensibilité». Il constate que le documentaire plonge le spectateur dans l’émulation artistique des grandes métropoles européennes qui ont établi la légende de Grock au tournant du 20esiècle.

Pour l’honneur de son père

Pour une raison de durée, le film n’aborde toutefois pas la question de l’enfance misérable, dans l’Arc jurassien, d’Adrien Wettach, fils de parents pauvres et rejetés. «Dix-sept années d’indignité, jusqu’à ce que l’entourage condamne le jeune saltimbanque à la maison de redressement», rappelle Laurent Diercksen.

«Adrien a dû fuir avec sa sœur à Budapest, pour y établir rapidement ses parents et ses deux autres sœurs. C’est là qu’il a transcendé sa révolte en ne visant que l’excellence dans les disciplines du cirque et du music-hall», poursuit-il. «C’est là aussi qu’il faut comprendre la motivation profonde du perfectionniste obstiné et homme d’affaires redoutable qui, toute sa vie durant, a profusément veillé au confort des siens puis financé les études et projets de ses nièces et neveux.»

Et Laurent Diercksen de conclure que ce Monsieur Wettach que le film révèle en bourgeois placide et orgueilleux était calqué sur les modèles de respectabilité de l’époque «mais, surtout, pour l’honneur de son père». Car devant ce multimillionnaire intraitable, les directeurs de music-halls et les banquiers s’inclinaient. Une revanche, en quelque sorte.

 

Documentaire diffusé dans Histoire vivante, ce dimanche à 21h, sur RTS Deux. Rediffusion lundi, à 23h40. Visible sur www.arte.tv jusqu’au 24janvier.

Articles correspondant: Région »