Vous êtes ici

Abo

spécialité valaisanne

Hier vitaux, aujourd’hui cadeaux

Entre Anzère et Botyre en suivant les bisses

Balades au fil de l'eau

Le bisse? «C’est une spécialité valaisanne au même titre que le fendant», rigole Armand Dussex. Sac au dos, le fringant barbu nous attend sur le parking de la télécabine d’Anzère.

Nicole Hager

C’est ici que débute le Chemin du Musée. Ce sentier longe trois bisses bien différents pour se terminer au Musée valaisan des bisses de Botyre, quelque 600 mètres en contrebas.

Il y a d’abord le bisse de Sion, praticable avec une poussette sur le tronçon qui nous intéresse. Construit au tout début du 20e siècle, ce canal amène de l’eau d’une rivière à une autre, assurant ainsi un débit plus régulier à la Sionne, rivière qui alimente la ville de Sion. Il ne compte pas de sortie pour l’irrigation, fait rare, et n’est utilisé que quand l’eau vient à manquer en été.

«Partout où c’est possible, le bisse est taillé dans le terrain. Si celui-ci est instable, on fait passer l’eau dans des cheneaux en bois ou des auges en métal, comme ici. Avant, on utilisait l’acier qui rouillait et se fondait bien dans le paysage. Maintenant, ces auges sont en alu ou en inox, donc un peu plus visibles.»

Source intarissable d’histoires et d’anecdotes sur les bisses, Armand Dussex n’oublie pas de nous faire remarquer la splendide vue qui s’offre à nous. Le panorama s’ouvre sur la couronne des sommets qui tutoient les 4000 mètres.

On quitte le bisse de Sion pour rejoindre celui d’Ayent qui coule 150 mètres plus bas. Le sentier musarde en pente douce dans de bucoliques prairies de coteaux. Pour ne pas se perdre, il suffit de se fier au balisage spécial en vert spécifiant «Le chemin du musée».

Le bisse d’Ayent

Vue sur l’ancien et le nouveau passage du bisse d’Ayent, depuis le tunnel de Torrent-Croix. Nicole Hager

Voilà un bisse parmi les plus prestigieux du Valais. Avant d’amorcer la descente en direction des Mayens d’Arbaz, n’hésitez surtout pas à remonter l’ouvrage pendant une poignée de minutes jusqu’au tunnel de Torrent-Croix pour découvrir l’ancien passage spectaculaire dans une paroi de rocher. «C’est l’endroit à ne pas manquer», insiste Armand Dussex.

L’usage de ces cheneaux en bois a été abandonné en 1831, au profit d’un tunnel. En contournant les zones dangereuses, cet aménagement moderne a permis de diminuer les travaux d’entretien et les pertes d’eau.

En reprenant le bisse d’Ayent vers l’aval on découvre, le long de son cours, des écluses permettant de distribuer l’eau pour arroser les prairies et nourrir le bétail.

La troisième partie de la balade, la plus sauvage, nous plonge dans l’ambiance intimiste de la forêt. Elle démarre aux Mayens d’Arbaz, où le bisse d’Ayent croise le Bitailla. Le long de ce bisse taillé partiellement dans la roche, d’où son nom, on observe plusieurs répartiteurs et écluses qui partagent ingénieusement les eaux entre les divers villages de la région.

«Les bisses les plus anciens, comme celui-ci, perdent beaucoup plus rapidement de l’altitude, évitent les obstacles, dévient donc beaucoup plus», fait observer Armand Dussex. En effet, le charmant Bitailla zigzague au milieu d’un enchevêtrement de racines d’épicéas dans un doux murmure. Mais gare à celui qui se risquerait à compromettre son cours.

Un patrimoine à protéger

Le Bitailla et son ingénieux système de répartition d’eau. Nicole Hager

Un règlement impitoyable de 1307 spécifie que celui qui entrave le Bitailla sera amputé de la main. C’est dire l’importance qu’avaient ces précieux cours d’eau. Longtemps, ils ont constitué la seule ressource pour échapper aux conséquences de la sécheresse. «Ils n’ont pas qu’une valeur agricole et touristique, commente Armand Dussex.

Depuis plus de 700 ans, ces canaux à flanc de coteaux sculptent les paysages valaisans. C’est en appréciant leur dimension géographique, historique, économique, sociale et environnementale qu’on va savoir protéger ce patrimoine.»

Info

Balades au fil de l’eau:
Mercredi, vous vous promènerez dans les gorges de la Poëta-Raisse (NE).

La mémoire des bisses

Armand Dussex, bientôt 75 ans.

Un CV long comme un jour sans pain de seigle. Il a été gardien d’une cabane d’altitude, responsable de la sécurité hivernale de la station d’Anzère, organisateur de trekkings au Népal. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont un sur les bisses («Des bisses et des hommes»).

L’idée du chemin des bisses, c’est lui. Celle d’un musée des bisses, encore lui! Il a dirigé bénévolement l’établissement jusqu’au mois de mai dernier. Il n’a pas raccroché totalement. Il propose encore des visites commentées et continue de sensibiliser les guides aux richesses d’un patrimoine «agricole, touristique et historique» qu’à son sens on ne met pas suffisamment en valeur. La retraite? Demain... Peut-être.

A voir

Musée valaisan des bisses

Le Musée valaisan des bisses à Botyre, ouvert tous les après-midis en juillet et août. Prévoir une bonne heure voire davantage pour parcourir les quatre étages de cette magnifique bâtisse. Le site internet du musée est riche. Il comprend, entre autres, un inventaire de 260 bisses, classés selon leur intérêt. www.musee-des-bisses.ch

Le chiffre du jour:

700

ans: C’est l’âge des bisses, ces canaux à flanc de côteaux qui sculptent le paysage valaisan.

Pratique

Comment s’y rendre En voiture jusqu’à Sion, sortie Sion Est no 27, direction Anzère. Par les transports publics: en train jusqu’à Sion, puis prendre un bus juste devant la gare. Cars postaux 351 ou 342 jusqu’à Anzère, arrêt télécabine pour réaliser la totalité de la balade (12,5 km).

Offre spéciale Action bicentenaire du Valais: le week-end libre parcours à prix réduit sur les terres valaisannes jusqu’à la fin de l’année. Infos: www.valais.ch/carte1815

Le parcours Suivre le balisage en vert. La première partie du parcours, le long du bisse de Sion, est praticable en poussette, voire en chaise roulante. Après, cela se corse un peu plus. En fonction de vos envies et possibilités, optez pour la version longue (3h30), mi-longue (2h20) ou courte (1h10). Détails sur le site du musée (ci-contre).

Se restaurer En chemin, peu de possibilités, si ce n’est le restaurant du Lac, proche du croisement entre le bisse d’Ayent et le Bitailla. Belle terrasse. En été, à deux pas de là, petite restauration proposée à côté d’un des étangs du coin. Pour la boisson, pas de souci. Plusieurs fontaines à eau potable très fraîche le long du chemin. A l’arrivée, deux restaurants à Botyre-Ayent, fermés tous deux le dimanche! Mais la buvette du musée, elle, est ouverte.

Se renseigner www.valais.ch

Articles correspondant: Région »