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Apprentissage

Idée inopportune d’un point de vue politique

Et si le canton prenait en charge une partie des coûts de formation des apprentis des branches techniques, pour décharger les entreprises formatrices?

Tout en admettant que les professions techniques font face à des difficultés particulières, le gouvernement propose de rejeter la motion. Archives

Philippe Oudot

La Suisse peut être fière de son système de formation professionnelle. Il fait pâlir d’envie de nombreux pays, car le bagage acquis par les jeunes diplômés correspond aux besoins des entreprises. Ça, c’est le côté positif de la médaille.

Mais elle a aussi son revers: dans le secteur secondaire, et plus particulièrement «dans les branches techniques, la formation en entreprise grève lourdement les sociétés formatrices: les machines, installations, moyens de production, espaces et personnel requis font que les travaux réalisés par les apprentis ne couvrent absolument pas les charges investies par les entreprises dans ce domaine», constataient les députés UDC Pierre-Alain Schnegg (Champoz) et Anne-Caroline Graber (La Neuveville) dans une motion déposée le printemps dernier.

Aussi demandaient-ils au Conseil exécutif de prendre des mesures afin que le canton puisse «prendre en charge une partie des coûts de formation des apprentis des branches techniques, et ainsi décharger les entreprises formatrices». D’entente avec les associations professionnelles, il était prié de définir la répartition des coûts entre les entreprises et le canton, l’objectif étant de garantir la pérennité de la formation duale en soutenant les entreprises formatrices. Ils demandaient également de mieux répartir l’effort de formation entre toutes les entreprises.

Certaines jettent l’éponge

En plus des coûts de formation très élevés, les deux motionnaires relevaient aussi que depuis des années, les contraintes administratives, prescriptions et autres avaient explosé, alourdissant encore la charge des entreprises formatrices. A tel point que certaines renoncent désormais à offrir des places d’apprentissage. Si cette tendance devait se poursuivre, «de plus en plus de jeunes devront se tourner vers des cursus scolaires (écoles de métiers, études académiques, etc.) qui sont, elles, entièrement financées par les deniers publics».

Dans ce contexte, l’Etat aurait tout intérêt à soulager rapidement ces entreprises en prenant en charge une partie des coûts de formation, la charge étant de toute façon nettement inférieure à ce que coûteraient des formations similaires dans des écoles de métiers par exemple. Les deux élus estimaient leur proposition d’autant plus justifiée que bon nombre des entreprises concernées étaient confrontées aux conséquences du franc fort.

Tout est dit dans la loi

Tout en admettant que les coûts de formation sont élevés pour les entreprises qui offrent des places d’apprentissage, en particulier dans les branches techniques, le Conseil exécutif souligne que «la répartition des coûts dans le domaine de la formation professionnelle initiale est réglée dans la législation cantonale sur la formation professionnelle. L’Etat finance non seulement la formation en école professionnelle, mais aussi la procédure de qualification de la formation en entreprise et participe au financement des cours interentreprises.»

Citant les chiffres d’une étude sur le rapport coût/bénéfice de l’apprentissage, il admet que les charges sont particulièrement élevées dans les professions de polymécanicien et d’électronicien, la formation sur quatre ans présentant au final un bénéfice net négatif de plus de 31 600 fr., respectivement de près de 37 900 fr.

Bilan négatif également, mais dans une moindre mesure, pour les apprentissages d’informaticien, de mécatronicien, mais aussi de cuisinier ou encore d’employé de commerce. Cela dit, relève le Conseil exécutif, «ces entreprises peuvent compenser ces chiffres négatifs en continuant à employer leurs apprentis à l’issue de leur formation. Elles économisent ainsi des frais de recrutement et d’initiation.

Mesure d’urgence

Dans le contexte du franc fort, le gouvernement admet que les entreprises exportatrices qui forment des polymécaniciens et électroniciens sont particulièrement pénalisées. «Il serait donc envisageable d’étudier la mise en place, à titre de mesure d’urgence, d’une action de promotion unique et provisoire en faveur de ces entreprises dans le but d’assurer les places de formation et de soutenir la formation de main-d’œuvre qualifiée dans l’attente de jours meilleurs.»

Sachant qu’il y a un millier de places concernées, le canton juge «concevable» le versement d’une contribution unique de 1000fr., ce qui entraînerait un coût d’un million pour le canton. Il se montre néanmoins assez sceptique, précisant qu’«un crédit spécial devrait être demandé et ce, sans que l’efficacité d’une telle mesure soit garantie».

S’agissant des charges administratives toujours plus lourdes auxquelles sont confrontées les entreprises formatrices, le Conseil exécutif plaide non coupable. «La plupart de ces contraintes sont imposées par le monde du travail lui-même et les organisations du monde du travail.» Elles sont ensuite prises en compte dans la révision des ordonnances sur la formation correspondante. Il assure toutefois soutenir les efforts entrepris par le Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation (Sefri) visant à simplifier les procédures administratives.

Efforts à répartir

Comme les deux motionnaires, le Conseil exécutif constate que les entreprises des branches techniques font face à des difficultés sur le plan financier et dans le recrutement d’apprentis. Dans ce contexte, il estime qu’«il serait judicieux que les efforts fournis pour former les jeunes soient mieux répartis sur l’ensemble des entreprises».

S’agissant de la requête qui propose d’apporter une aide financière à une partie seulement des sociétés formatrices, il la juge inopportune d’un point de vue politique. D’autant que pour être efficace, cela nécessiterait des moyens disproportionnés que le canton n’a pas, vu sa situation financière. Et d’ajouter que «la formation professionnelle relève de la politique d’investissement des branches et des entreprises».

Le gouvernement observe par ailleurs que la constitution d’un fonds serait sans doute la mesure la plus efficace pour inciter davantage d’entreprises à former des apprentis. C’est justement ce que réclame la députée Irma Hirschi (PSA, Moutier) par voie d’interpellation. Il veut donc attendre de voir l’accueil qui sera réservé à l’idée d’un tel fonds par le monde politique avant d’aller plus loin. Aussi invite-t-il le plénum à rejeter la motion.

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