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Foire de Chaindon

Il reste des chapitres à écrire

Les éditions imériennes du ROC ont confié la rédaction d’une ouvrage sur le passé et le présent de la manifestation à Laurence Marti. L’historienne de Bévilard espère pouvoir en dire plus, mais...

Autrefois organisée trois fois par an, la manifestation a également connu un rythme semestriel.

Textes Dan Steiner
Photos d'archives Stéphane Gerber

Il y a tant à dire et à voir, à la Foire de Chaindon. Et on ne parle même pas de l’ouïe, du goût et de l’odorat, des sens constamment mis à contribution au milieu des dizaines de milliers de personnes qui déambulent dans les rues de R’con. Ah! le monde d’avant. Celui de la Foire remonte d’ailleurs à quelques siècles, mais on peine à dénicher assez de documents pour connaître tous les contours de son histoire. «Il est faux de dire que rien n’a été fait. On possède notamment des articles écrits. La revue ‹Intervalles› s’y est intéressée également. Mais ce qu’il manque est en effet une recherche de fond.»

Approchée par les édition imériennes du ROC pour rédiger un livre sur la manifestation, l’historienne désormais vaudoise mais bien d’ici Laurence Marti n’a pas hésité longtemps avant d’accepter ce mandat, expliquait-elle, il y a quelques jours, dans La Semaine. L’enfant de Bévilard s’est également confiée au JdJ sur ce projet, prévu initialement pour combler le vide laissé en 2021 par l’annulation de ce raout agricole. Un délai qui eut été trop court pour aller au fond des choses. «Ce n’est toutefois pas gagné», prévient-elle. «Il n’est pas certain que je trouve beaucoup plus d’informations que l’on en possède aujourd’hui.» Elle promet tout de même quelques nouveautés, déjà dénichées. A découvrir en 2022.

Vieux projet enfin concret
Reste qu’elle va faire tout son possible pour lever un peu le voile sur ce rendez-vous régional incontournable, dont les premières traces écrites remontent encore et toujours au 2 septembre 1626. Responsable des éditions du ROC, Nicolas Sjöstedt a souhaité travailler avec Laurence Marti «pour ne pas trahir son histoire», explique-t-il. «Cet événement possède une grande richesse culturelle. On souhaite le présenter comme une fête populaire, avec un livre accessible et pas pédant», poursuit-il.

Dans l’idée, l'ouvrage devrait se dérouler sur 128 pages, jalonnées de deux tiers d’images, le reste en textes explicatifs. Tôt au tard, Laurence Marti se serait lancée dans ce projet. «Ça fait longtemps que j’avais envie de réaliser quelque chose sur la Foire, mais je n’en avais pas encore trouvé le temps», note-t-elle. «Cela tombe d’autant mieux qu’elle n’aura pas lieu. C’est la bonne occasion pour amener du neuf au moment où elle redémarrera!»

Comme on va au marché
Comment un tel rassemblement de gens, une fête populaire si courue, peut avoir été délaissée au niveau documentaire? «La culture populaire repose sur la transmission orale bien plus que sur l’écrit», fait remarquer la spécialiste, installée à Aubonne, sur les rives du lac Léman. «Rappelons également qu’elle a beaucoup regagné en importance, récemment. Elle a pris de l’ampleur ces 10 à 15 dernières années, notamment grâce à son inscription dans la Liste des traditions vivantes.» Née dans le cadre de la mise en œuvre de la Convention de l’UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, celle-là est gérée en collaboration et avec le soutien des services culturels cantonaux, détaille la Confédération.

Selon Laurence Marti, cette manifestation populaire n’a pas intéressé les historiens, qui n’y ont pas vu d’intérêt prioritaire jusqu’à récemment. «On allait à la Foire comme on va au marché.» Sans arrière-pensée, elle estime que l’actuel rendez-vous, s’il reste un lieu d’échanges en tous genres, notamment agricoles, porte le sceau du marketing et de la communication.

Encore un bel avenir
Reste que, pour l’avenir, il est toujours indispensable de connaître le passé. «Je vais tenter de comprendre pourquoi cette fête demeure importante et connue nationalement, d’où elle vient et ce qu’elle était. Egalement pour savoir ce que l’on peut en faire, à l’avenir.» Pour elle, récolter quelques bribes du passé de la Foire permettra(it) d’éclairer une partie notable de l’histoire régionale, car le rendez-vous était central dans l’économie de l’Ancien régime.

Et son futur, du coup, en fonction des trouvailles effectuées ou à venir? «Elle a encore un avenir certain», juge l’historienne. «Ces dizaines de milliers de personnes ne vont pas disparaître d’un jour à l’autre. Garder l’esprit de foire est un élément essentiel, mais il faut l’adapter selon les forces en présence, les goûts et l’évolution de la région et de ses intérêts. Savoir comment amener de la nouveauté en gardant cet esprit et cette énergie n’est pas tout simple, et je suis admirative par rapport au défi que constitue son organisation», concède-t-elle. Patron de la Foire, Ervin Grünenwald pourra certainement confirmer.

Recherche de documents
Même si vous les estimez insignifiants, n’hésitez pas à contacter Laurence Marti (021 808 73 66) pour transmettre des cartes postales, témoignages, photos ou autres documents.

Deux, trois puis une
Liés à l’organisation, les premiers documents mentionnant la Foire remontent à 1626. «En mai 1703, des habitants de Reconvilier déposent une demande d’autorisation pour un rassemblement», rappelle aussi le site web de la manifestation. «C’est d’abord un marché au bétail», ajoute Laurence Marti. «Je dois encore faire des recherches. J’ai quelques jalons, mais je ne connais pas encore toute son évolution en détails.» En 1846, on passe de deux foires annuelles à trois. «Puis on est passé à une fois par an, dans les années 1950, au fur et à mesure de la diminution de l’importance des foires, notamment à cause de la baisse de la demande de bétail et des produits agricoles.» Il est en effet loin le temps où l’on avait besoin de chevaux aux champs, qu’ils soient de céréales ou de bataille.


A Chaindon, on fait aussi des affaires. Si tout le monde ne se laisse toutefois pas manipuler, certains arrangements peuvent être passés en se tapant simplement dans la main. Sinon, il ne reste qu’à parlementer...

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