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Georges Pop

«Il y a du Dr. Jekyll & Mr. Hyde en lui»

Journaliste multitalents, auteur de BD et écrivain, il dédicace demain son dernier livre à Moutier.

Journaliste, scénariste et écrivain de talent, Georges Pop va évidemment ravir son auditoire, demain, à Moutier. LDD
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Pierre-Alain Brenzikofer

Il aurait pu avoir recours à des qualificatifs comme fachos, ultranationalistes, isolationnistes, voire racistes ou même génocidaires. Mais comme Georges Pop possède l’humour des gens gentils, cultivés et intelligents, il s’est contenté de constipés. Terme, finalement, qui recouvre tous les autres.

Après «Les Français ne sont pas Suisses», essai caustique sur nos relations avec nos bons amis frouzes, ce double national suisse-grec s’attaque aux problèmes de l’immigration dans «Chroniques d’un petit immigré à l’usage des constipés» (éditions Cabédita), ouvrage suintant l’érudition et l’humour par tous les pores.

Il sera ce samedi, dès 10h, à Moutier, à la librairie Point Virgule, où il dédicacera son livre et se fera l’auteur, sur le coup de 11h, d’une petite causerie sur le thème «Immigration et identité», «sur un mode plutôt souriant, selon mon habitude», dit-il.

Un stakhanoviste, un
Georges Pop? À la RTS, il a littéralement occupé toutes les fonctions, y compris les plus prestigieuses, avant de reprendre des fonctions de journaliste de base, comme il dit. Dans la région, en tout cas, ils sont nombreux à regretter son départ récent de la Revue de presse. Dans cet univers trop souvent confiné à la Lémano-Lémanie, il est en effet un des rares à savoir que Damphreux et Champoz ne sont pas des maladies honteuses, mais bien des accorts bourgs de l’Arc jurassien.

Cela dit, l’homme a plus d’une corde à son arc. Très actif sur le front de la bande dessinée, il a réalisé plusieurs scénarios en compagnie de dessinateurs prestigieux. Il dirige aussi BD Force, atelier spécialisé dans la création de bandes dessinées collectives. Oui, un moyen original, attrayant et efficace de communication pour les collectivités publiques, les associations ou les entreprises.

Très actif au défunt Festival BD de Sierre, il fut aussi un hôte régulier de Tramlabulle. Pierre-Alain Kessi, fondateur de la manifestation tramelote, parle de lui comme d’un personnage truculent, excellent raconteur d’histoires et communicateur:«Il n’a pas sa langue dans sa poche et a toujours un bon gag sous le coude. Mais il y a du Dr. Jekyll & Mr. Hyde en lui. Quand il intervient sur les ondes de la RTS, ce bon vivant devient très professionnel. La voix, très agréable, n’en est pas moins austère et sérieuse. N’oublions pas que Georges Pop est aussi un intellectuel.»

Toutes ces routes de l’exil
Dites! si vous parliez un peu du bouquin? Patience, on y arrive...

Si on devait trouver une morale à ce récit, c’est que depuis la nuit des temps, les peuples n’ont jamais cessé de s’exiler. Souvent avec une intégration réussie. Avec, en prime, un bénéfice certain pour les contrées d’accueil. Seulement, voilà. De tout temps, il s’est aussi trouvé des furieux – des constipés – pour sonner le tocsin. Et quand ces furieux se muent en génocidaires, en tortionnaires, voire en tyrans pour les plus modérés, bonjour les dégâts.

De quoi faire honte aux constipés d’aujourd’hui? Il y a un peu de cela, même si, hélas, il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.

Nous l’avons esquissé plus haut, cet ouvrage témoigne surtout d’un formidable savoir. C’est un livre de vie, mais de géopolitique, aussi. Georges Pop nous plonge ici dans le passé et le présent de moult nations parfois inconnues, de dynasties oubliées, de génocides non reconnus et de contradictions flagrantes.

Façon de rappeler que dans ce tour du monde, la Suisse fait partie des nations ayant le plus longtemps résisté aux envahisseurs. Ainsi, ce n’est qu’en 1958 que la pizza a pu franchir nos frontières. Aurions-nous donc inventé la xénophobie des papilles? De tout temps, il y eu ceux qui accueillaient – souvent pour leur plus grand profit – et ceux qui fermaient.

Mais le petit Grec, qui s’est découvert des ancêtres à Sibiu, dans cette magnifique Transylvanie – comme un certain Nicolas Sarkozy, d’ailleurs –, sait aussi faire éclater sa colère quand il mentionne les nazillons d’Aube Dorée. Savent-ils, ces nouveaux barbares, combien de Grecs les nazis avaient massacrés?

Pour en revenir à Sarko, membre éminent de la galaxie des constipés, se souvient-il de ses racines carpatiques et juives? Pas sûr.

Et les Suisses? Sont-ils vraiment meilleurs. Bon, ils avaient de justesse renvoyé le sombre James Schwarzenbach à ses études. Et, aujourd’hui, foi de Pop, ils n’auraient pas vraiment peur des étrangers, mais quand même un peu plus de leur nombre...

Certains d’entre eux n’en avaient pas moins qualifié l’inoubliable Jean-Pascal Delamuraz, l’un de nos plus grands hommes d’Etat, de traître à la patrie.Les mêmes qui oublient que le sinistre Christoph Blocher est accessoirement un immigré allemand de la quatrième génération?

Le malheur grec
Revenant dans sa patrie, l’auteur cite Winston Churchill qui déclara jadis: «Dorénavant nous ne dirons pas que les Grecs combattent tels des héros, mais que les héros combattent tels des Grecs.»

Mais, ajoute l’auteur, «ça commence à dater». Aujourd’hui, presque tous leurs «amis» du septentrion qualifient les Hellènes de va-nu-pieds, fraudeurs, désordonnés et gaspilleurs.

Une généralisation obscène due à une poignée d’élites corrompues. Ce qui précède, on pourrait hélas en faire un copié-collé pour bien d’autres nations valeureuses. Pop ne s’en prive d’ailleurs pas. On en déduira que trop souvent, le pouvoir n’est pas au peuple, mais bien aux constipés. «Ceux qui en appellent à Léonidas, Thémistocle et Alexandre ignorent manifestement tout de Socrate, Platon ou Aristote», constate-t-il, plus que désabusé.

L’échec de l’Europe
De quoi asséner, pour cet Européen convaincu, que la crise migratoire a encore eu le mérite de dessiner distinctement les carences effarantes de la construction européenne.

Suisse, Grec, Européen, immigré: ainsi se décrit finalement Georges Pop dans cet ouvrage où la connaissance et la richesse du vocabulaire atteignent des sommets vertigineux.

De quoi manquer sa cible? Les constipés, trop souvent, sont totalement dépourvus de ces deux qualités, indispensable ciment de la tolérance.

Georges Pop sur le plateau de L'Invité.

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