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Impossibles échanges entre écoles francophones et alémaniques

Le jeune Imérien Mattia Scheidegger a suivi un semestre de cours dans une école secondaire de Köniz pour améliorer son allemand, un exercice quasiment impraticable dans un canton pourtant bilingue.

Dans le canton de Berne, un échange linguistique intercommunal d’un semestre est, pour l’heure, très peu encouragé. Photo:Adrian Vulic

par Adrian Vulic

Plus facile d’organiser un semestre d’études à l’autre bout du monde qu’un échange entre deux communes du canton de Berne. C’est l’impression qu’on retient du témoignage de Mattia Scheidegger, un jeune Imérien de 14 ans qui, en fin d’année passée, a émis le souhait d’améliorer son allemand. «Le déclic m’est venu alors que j’assistais à un match à Bienne. Là-bas, j’ai remarqué que je ne comprenais presque rien de l’allemand que j’y croisais, et cela même après des années de cours à l’école», décrit Mattia Scheidegger, qui rejoindra, après l’été, la Filière gymnasiale bilingue à Bienne.

À la limite de la légalité
La solution retenue pour remédier à ce déficit: suivre la deuxième partie de sa 10H dans une école alémanique, en lieu et place de l’Ecole secondaire de Saint-Imier où il était inscrit jusqu’alors.
Très rapidement, les Scheidegger sont entrés en contact avec une famille d’accueil potentielle domiciliée à Köniz, près de Berne. Ne restait qu’à procéder à l’inscription auprès d’une école secondaire locale. Une formalité qui s’apparentera, finalement, à une mission impossible. «Toutes les personnes que j’ai contactées, au niveau de l’école secondaire, de la commune et même du Département de l’instruction publique, ont trouvé que c’était une belle initiative, mais qu’elle était irréalisable, tout simplement parce que l’échange se déroulait dans le même canton», indique le père de Mattia, Vincent Scheidegger, un aventurier local habitué de nos colonnes. Il n’existe, en effet, aucun programme permettant ce type de mobilité scolaire dans le canton. Seule option: déplacer ses papiers dans la commune concernée. Une issue à laquelle la famille n’a eu recours qu’à contrecœur.
«Finalement, ma femme et mon fils ont dû s’enregistrer à Köniz, et à partir de là l’inscription a été automatique. Je suis déçu que, même dans un canton bilingue, on soit obligé de contourner les lois simplement pour inscrire un élève dans une autre commune», avoue Vincent Scheidegger. Un sentiment que partage Jean-Luc Berberat, conseiller municipal de Saint-Imier en charge de l’éducation et de la culture: «A titre personnel, je trouve insensé que les Scheidegger aient dû avoir recours à ce procédé. Seulement, permettre ces échanges, c’est ouvrir une voie que le Conseil municipal ne souhaite pas encourager pour l’heure. Le problème, c’est simplement celui des frais d’écolage, qui sont à la charge de la commune dans laquelle l’élève est domicilié, et qui représentent tout de même environ 10000 francs par semestre et par élève.»

Surcharge de travail
À moins de mettre en place un programme intercommunal ou cantonal, difficile, pour l’heure, d’encourager ce type de pratique. Du côté du Forum du bilinguisme, le bien-fondé de celui-ci est d’ailleurs, pour partie, remis en cause.
«Dans le canton de Berne et pour l’école obligatoire, c’est le strict principe de territorialité qui s’applique: l’enfant est scolarisé où il habite. Pour les Biennois, c’est la langue d’administration qui fait foi. Il n’est pourtant pas impossible d’y inscrire son enfant dans une école de l’autre langue, mais ce n’est pas très apprécié. Les parents sous-estiment en effet la charge de travail supplémentaire que cela peut représenter», détaille Virginie Borel, directrice du Forum du bilinguisme. Raison pour laquelle l’institution milite plutôt en faveur d’un ou deux échanges au cours de la scolarité obligatoire pour tous les élèves.
Mattia Scheidegger, de son côté, n’a pas l’impression que son admission à Köniz ait représenté une charge de travail supplémentaire pour ses enseignants. «Pour moi, c’était évidemment plus de travail, mais sinon, j’ai pu suivre les cours comme tous les autres élèves, et mes camarades m’aidaient très volontiers.»
Les progrès linguistiques et l’enrichissement personnel que cette expérience représente pour le jeune homme ne font, en tout cas, aucun doute. D’autant plus que, durant la période de confinement et, donc, d’école à distance, Mattia Scheidegger est resté, en semaine, auprès de sa famille d’accueil. «Maintenant, je peux tenir une conversation en allemand et je comprends de mieux en mieux le suisse allemand. Ça me semble important dans un cantonbilingue comme le nôtre, puisque les francophones représentent tout de même une minorité et que la capitaleest germanophone», conclut Mattia Scheidegger.

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