Vous êtes ici

Série d'été - Suisse, terre d'accueil

«J’ai reconnu mon foyer»

L’arrivée: Ils ont passé des semaines dans des centres fédéraux, quand vient le temps pour les requérants d’asile de découvrir «leur» canton.

Diane sait que Saint-Gingolph n’est qu’une étape dans son périple suisse. Dans ce premier foyer d’accueil, la jeune femme a «retrouvé la paix». Sabine Papilloud

Ils ont fui les conflits ou une vie de misère. Certains ont rêvé de la Suisse comme d’un eldorado, alors que pour d’autres, notre pays n’est qu’une étape dans leur course vers une vie plus belle. Toute cette semaine, nous partons à la rencontre des requérants d’asile qui sont installés, provisoirement pour la plupart, près de chez nous. Au-delà de leur parcours et de leur histoire, focus sur l’itinéraire et les étapes qui les attendent une fois qu’ils sont attribués aux cantons. Des cantons dont la mission est de les accueillir et les aider, en toute indépendance de la procédure d’asile en cours à Berne.

Stéphanie Germanier - Le Nouvelliste

Les fenêtres sont ouvertes. On devine des rideaux qui virevoltent derrière à cause de la brise qui vient du lac. Des cris d’enfants et des rires de femmes portent jusque sur le seuil de la porte. Tout emmitouflée dans un maxi cosy, la 81e résidente du Centre de premier accueil pour requérants d’asile de Saint-Gingolph débarque juste avant midi.

Elle n’a que quelques jours et ses parents, de retour de l’hôpital, la présentent à la communauté toute mouvante et changeante qui se fait et se défait au rythme des transferts.

Comme ce bébé, la plupart des pensionnaires du Centre sont arrivés avec le train, à la gare qui jouxte le Centre. Diane, une Congolaise de 37 ans se souvient bien de ce petit trajet qu’elle a fait il y a quelques semaines. «Je suis sortie du train. J’ai vu les habits aux fenêtres alors j’ai bien pensé que c’était mon nouveau foyer. Je me suis assise une demi-heure, j’ai regardé. Puis j’ai pris mon sac et je me suis dirigée vers l’accueil».

Un aumônier à l’écoute

Un nouveau foyer, une nouvelle adaptation, des autres compagnes pour partager la chambre et la salle de bains. Arrivée de Brazzaville à l’aéroport de Genève en mai dernier, cette ancienne religieuse a quitté son pays grâce à l’aide de sa famille. Sur elle, une enveloppe qui contenait ses papiers, son CV, des photos où elle porte le voile blanc et une explication pour les douaniers.

Diane demande l’asile en Suisse. «On m’a bien accueillie, même si tous les hommes étaient armés. J’étais perdue, apeurée. J’ai quitté mon pays parce que j’y étais menacée par un clan qui voulait me marier à un vieillard après que j’ai abandonné les ordres, alors revoir des armes...» La jeune femme est emmenée à Vallorbe, l’un des centres fédéraux d’enregistrement des requérants. «Je n’ai pas mangé, ni dormi pendant trois jours. Mais j’ai pu très vite rencontrer un aumônier qui m’a écoutée et qui, Dieu soit béni, m’a aidée à retrouver la paix».

Un ange est passé

Diane ne sait rien de l’asile en Suisse et ignore surtout que ses pérégrinations ne font que commencer. L’ancienne religieuse est «attribuée» après un mois à un canton, comme cela est le cas pour tous les demandeurs d’asile. Chacune des entités cantonales doit gérer un pourcentage de requérants proportionnel à sa population résidente. Pour elle, ce sera direction le Valais qui accueille 3,9% des arrivées dans les centres d’enregistrement (Vaud: 8,4%, Neuchâtel: 2,4%, Genève: 5,6%, Fribourg: 3,3%). A Vallorbe, elle reçoit un billet de train et un plan qui doit la mener au Service des migrations où elle doit aller s’enregistrer.

«Heureusement, je parle français. Sur le quai de la gare de Sion j’ai pu demander mon chemin, et un ange est passé. Enfin, celle que j’appelle mon ange. Une dame qui est allée chercher sa voiture pour m’emmener moi et ma valise en ville». Les formalités remplies, Diane est ensuite dirigée dans un centre qui à nouveau lui fournit un titre de transport et... un nouveau plan pour Saint-Gingolph.

Depuis plusieurs semaines, Diane dort mieux, mange bien et a retrouvé un rythme presque normal. Calée dans un des fauteuils de la chambre qu’elle partage avec cinq autres jeunes femmes, Diane remercie autant le ciel que les Suisses de lui avoir donné un foyer et une nouvelle sécurité. Elle vient de se changer car elle a travaillé le matin même au sein de la maison, au ménage et à la préparation des petits-déjeuners dans la cuisine commune.

Une cuisine pour tous, qui est le pilier central de la notion de foyer de premier accueil. Car s’il faut apprendre à dire bonjour et merci, il faut aussi appréhender le vitrocéramique, le four électrique et les habitudes alimentaires du pays. «Ici, je me sens bien. C’est un peu difficile de communiquer avec mes collègues qui ne parlent pas le français, mais on se débrouille, avec les mains, avec un peu d’anglais». Avec des photos aussi qu’elles se montrent sur leur téléphone portable et qui font se remémorer les bons comme les mauvais souvenirs. La famille restée au pays. Les parents si loin. Les enfants parfois.

Des transferts, des départs

A Saint-Gingolph, Diane et les autres résidents découvrent la vie en Suisse. Hygiène, bienséance, habitudes alimentaires. Des cours de français, dès les premiers jours. Des cours d’intégration express qui contribuent à soigner les relations entre les requérants et le voisinage. Ne pas rester inactif, ne pas subir, apprendre à vivre ensemble et intégrer le mode de vie suisse. Et aussi se faire quelques sous supplémentaires, quinze francs par jour qui s’ajoutent aux 180 mensuels, en participant au bien-être des autres.

La vie quotidienne est rythmée par les affiches sur les portes qui annoncent les transferts de certains d’entre eux dans un autre centre ou alors dans un appartement de l’Etat. Chamboulée aussi par des décisions négatives de Berne qui font que la police va venir les chercher, s’ils ne décident pas de disparaître d’une heure à l’autre pour éviter le retour.

Les requérants souhaitant rentrer volontairement dans leur pays peuvent également faire appel au bureau d’aide au retour, qui les aide à rentrer au pays avec un projet personnel.
A Saint-Gingolph, on arrive encore à jongler entre les arrivées et les départs, même si depuis le mois de mai, les arrivées de Syriens et d’Erythréens sont journalières au lieu d’être hebdomadaires. Diane respire. Pour un moment. Elle et les autres résidents ne resteront là que deux ou trois mois, avant d’être à nouveau déplacés.

Une immersion très, très rapide

Les foyers de premier accueil cantonaux sont des sortes d’incubateurs à gens sans problème.

Après le mot de bienvenue et la prise de possession des chambres, les requérants entrent tout de suite dans le bain avec un laïus sur le règlement de la maison et une information sur la suite de leur parcours en Suisse. Visite médicale d’abord pour panser les blessures ou les traumatismes de l’exode et pour assurer l’hygiène de tous. Les règles de base ensuite, ce qui leur est permis ou pas, ce qu’ils ont la possibilité d’entreprendre ou non.

A l’accueil, les encadrants aident les requérants à trouver leurs premières marques. Sabine Papilloud

Très vite, tous les résidents sont mis à contribution pour faire tourner le foyer. En cuisine, accompagnés d’un chef professionnel, au service où une équipe sert les résidents, au nettoyage, à la lessive ou à la garderie. La prise en charge des jeunes enfants permet aux mamans de participer au cours de français et aux tâches quotidiennes. Les enfants en âge d’être scolarisés le sont tout de suite dans des classes organisées sur place, dont certaines sont mêmes localisées dans les écoles de la région. Des résidents aident aussi à la vie de la commune en prenant part à des travaux d’utilité publique.

81 requérants vivent au Centre d’accueil de Saint-Gingolph. Sabine Papilloud

Suisse, terre d’accueil
Dans notre édition de mardi, le centre de deuxième accueil de Vernamiège.

Articles correspondant: Région »