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Le Creux-des-biches

«Je ne suis pas un pleurnichard»

Le point quatre mois après l’incendie qui a ravagé la ferme d’Etienne Gigon. L’élan de solidarité des Francs-Montagnards lui a permis de se relever en gardant la tête haute

Quatre mois après l’incendie, les dégâts sont encore visibles sur la ferme d’Etienne Gigon, au Creux-des-Biches. Construire un nouveau toit a été la première chose entreprise par le paysan. Lucien Christen

Lucien Christen

Le 7 août, un violent incendie faisait disparaître la ferme d’Etienne Gigon, au Creux-des-Biches, entre Les Bois et Le Noirmont. Littéralement partie en fumée, la ferme avait laissé son propriétaire sur le carreau et ses bêtes sans toit pour l’hiver. Les collègues du paysan ainsi qu’un élan de solidarité des Francs-Montagnards ont permis à ce charismatique agriculteur de «garder la tête sur les épaules», comme il le dit lui-même.

Quatre mois après les faits, Etienne Gigon a accepté de nous ouvrir les portes de son appartement – dont il vient à peine de terminer les rénovations– et de nous parler de comment il «s’est relevé tout en gardant la tête haute».

Trop de curieux

«Ce qui est étrange avec un incendie, c’est que les dégâts les plus importants sont ceux causés par l’eau. Il a fallu plus de deux mois pour débarrasser tout le bois qui avait gonflé suite à l’intervention des pompiers.»

Etienne Gigon n’est pas du genre à tourner autour du pot. Lorsque nous le retrouvons devant sa ferme du Creux-des-Biches, il nous lance, sourire en coin, qu’il a été obligé de fermer la porte de son domicile, à l’époque vide et ravagé partiellement par les flammes, pour se protéger des curieux. «Beaucoup de gens sont passés par là. Ils prenaient des photos puis repartaient. Certains entraient même chez moi, pour constater l’étendue des dégâts. C’est vraiment n’importe quoi», se souvient-il.

Heureusement pour lui, tout ça, c’est désormais du passé. «J’ai reçu mon mobilier mardi et j’ai enfin pu m’installer», sourit le paysan.

Et ce n’est pas rien, puisque, depuis l’incendie, il louait un petit chalet, «avec une mauvaise isolation», vis-à-vis de sa ferme, où il avait déjà vécu quelque temps alors qu’il rénovait son appartement, il y a quatre ans environ. «On m’a proposé beaucoup de choses après l’incendie. J’aurais pu aller dormir gratuitement dans une villa. Mais je voulais rester près de mon exploitation», dit-il.

Si l’agriculteur a pu se réinstaller si vite, c’est en grande partie grâce à son cousin, «le grand Lulu». «C’est lui qui s’est occupé de tout. Je n’aurais jamais réussi sans son aide», explique Etienne Gigon, qui n’a jamais arrêté de travailler et qui a même trait ses vaches le soir de l’incendie.

Pris aux tripes

Rationnel, bosseur et humble. C’est ce qui ressort le plus de la personnalité d’Etienne Gigon. Surtout lorsqu’il nous explique sa technique pour ne pas crouler sous le poids des problèmes survenus après l’incendie.

«Premièrement, tu n’as pas le temps de t’apitoyer sur ton sort. Je suis un hyperactif, pas du genre à pleurnicher au bout de la table. Pour aller de l’avant, il fallait fixer des priorités et des échéances. La première chose a été de reconstruire le toit, les murs et la charpente. En deux mois, c’était terminé. Ce n’est qu’à ce moment qu’on a pu s’attaquer au logement.»

Un logement dont la chambre et la salle de bains avaient été victimes des flammes et qui a, lui aussi, été terminé en deux mois. «Toutes les entreprises ont joué le jeu», se félicite le charpentier de formation. «Le bâtiment est un métier où il y a toujours bien assez à faire. Mais là, tout le monde s’est rendu disponible pour m’aider. Je remercie vivement toutes ces personnes.»

Car si Etienne Gigon n’est pas un pleurnichard, il avoue tout de même que l’élan de solidarité dont il a bénéficié «l’a pris aux tripes». Une campagne d’appel au don a notamment permis au paysan de nourrir ses bêtes, de les placer chez des collègues, de se soulager de plusieurs tâches logistiques et on en passe.

«C’est surtout cette aide pratique et humaine qui m’a touchée. Au début, je ne voulais pas accepter, car je me disais qu’il y avait pire que moi et aussi parce que ça me gênait. Mais finalement, je me rends compte que cette aide a été très précieuse. Et encore une fois, je tiens à remercier tous ceux qui m’ont aidé.»

Marques indélébiles

C’est donc vers l’avant qu’Etienne Gigon jette son regard. Mais malgré tout, certaines images restent pénibles, même pour un homme avec une volonté de fer. «Le pire, c’était l’odeur de fumée. Tout sentait le brûlé et c’était impossible de la faire disparaître. Même quand je sortais mes salopettes de la machine à laver, cette odeur de brûlé était toujours là. J’ai pu tout jeter, des meubles jusqu’au dernier caleçon. Par contre ça, ce n’est pas moi qui m’en suis chargé. Je n’avais pas la force.»

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