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Le Chant du Gros

«Je ne veux pas mourir sur scène»

Légende du rock, Status Quo ouvre demain le festival du Noirmont. Entretien avec Francis Rossi, guitariste et chanteur du groupe anglais

Malgré quelque 6000 concerts donnés en 50 ans de carrière, Francis Rossi (ici à Rock Oz’Arenes en 2010) a toujours le trac sur scène. Keystone

Nicolas Heiniger

Cinquante ans. Cinquante ans que Francis Rossi, armé de sa célèbre Fender Telecaster verte, œuvre comme guitariste, chanteur et compositeur dans le groupe Status Quo. «Je ne sais pas si c’est impressionnant ou foutrement triste», rigole ce Londonien pur jus de 66 ans, qui montera demain à 21h15 sur la grande scène du Chant du Gros, au Noirmont, accompagné de ses comparses.

Pourtant, avec 118 millions de disques vendus et 6000 concerts donnés devant un total de 25 millions de personnes, il y aurait de quoi pavoiser. «Mais je n’ai jamais trouvé qu’on était devenu si gros que ça, parce qu’on n’a pas eu le marché américain», relativise modestement le fondateur du groupe.

Le marketing tout-puissant

Effectivement, un seul titre du Quo (comme le surnomment les fans) a connu un certain succès outre-Atlantique:  «Pictures of Matchstick Men», un morceau de pop psychédélique sorti en 1966. Musicalement, la chanson est fort éloignée du boogie-rock bien gras qui fera ensuite la réputation du groupe en Europe.

«L’évolution s’est faite naturellement. Après ce disque, on est revenu à ce qu’on jouait à nos tout débuts. On a gagné de plus en plus de reconnaissance de la part du public en jouant notre musique, plutôt qu’en ayant eu un hit ou qu’en ayant passé à la télé le soir d’avant.»

En 50 ans de carrière, le compositeur de «Caroline» ou «Down Down» a vu le monde du show-buisiness évoluer. «Aujourd’hui, tout est question de marketing, pas nécessairement de la musique elle-même», estime le guitariste.

Il donne l’exemple de leur dernier album, «Aquostic», sorti l’an dernier: «Si on était allé vers les radios en disant ‘Voici notre nouvel album’, ils auraient fait: ‘Mouais...’ Parce qu’il y a plein de nouveaux disques, qui en a quelque chose à foutre?  Mais quand vous dites ‘Quo a un nouvel album, c’est acoustique’, ils répondent: ‘Oh, c’est intéressant.’  Et le deuxième point, c’était: ‘On pose nus sur la couverture’, puis le troisième: ‘Bryan Adams a pris la photo’. ça, c’est du marketing. Et ensuite, ils ont écouté le disque.»

Lorsque l’on demande à ce père de huit enfants ce qu’il conseillerait à un jeune voulant devenir rocker, la réponse fuse: «Je lui dirais: ‘Laisse tomber’. Car si un jeune a la motivation de le faire, il n’écoutera pas ce vieux bonhomme stupide. Et si ce n’est pas le cas, il va écouter ce vieux monsieur sage. Parce que ce que l’on voit du show business est charmant. Les gens sourient, présentent bien, c’est la télé. Mais la plupart du temps, quand vous êtes un jeune groupe, c’est: ‘Non’. ‘Est-ce que je peux avoir un concert?’ ‘Non.’ ‘Est-ce que je peux avoir un contrat d’enregistrement?’ ‘Non.’ ‘Est-ce que je peux passer à la radio?’ ‘Non.’ ‘Est-ce que vous aimez mon groupe?’ ‘Non.’ C’est là qu’il faut se battre. Certains n’y arriveront pas et vont être profondément blessés par cela.»

La motivation, Francis Rossi l’a toujours. Après 50 ans de concerts, il assure que le plaisir de monter sur scène n’a pas disparu. Le trac non plus. «Plus je deviens vieux, plus j’ai peur. On jouait la semaine passée, et durant les 25 premières minutes, il y a eu énormément de fautes, ce qui se produit rarement. On est obligé de continuer mais c’est tellement embarrassant quand ça arrive. Mais quand ça se passe bien, il y a quelque chose de merveilleux à jouer devant des gens souriant, qui applaudissent et qui trouvent que vous êtes fabuleux.»

De la chance

Avec l’âge, le musicien, qui joue encore deux heures de guitare tous les jours, a toutefois appris à apprécier des plaisirs simples. «Pour moi, ce qu’il y a d’excitant, c’est de rentrer à la maison. Je bois une tasse de thé, je me grille un toast et je fais un peu de jardin. Je m’assieds pour lire les journaux et je peux fort bien m’endormir dans ma chaise. Et j’aime ça!», rigole le sexagénaire. Pas question pour lui de mourir sur scène: «J’ai eu pensé que c’était une bonne idée mais ce n’est plus le cas. Je préférerais mourir dans mon lit avec ma famille autour de moi.»

Le succès colossal du groupe ne semble donc pas être monté à la tête de son fondateur: «Quand vous lisez des biographies, chaque groupe est le plus grand groupe du monde, le ‘plus plus meilleur’. Nous, on est juste un groupe, et on a été très chanceux.»

Il reste des billets

(gst)

Boss du Chant du Gros, Gilles Pierre le concède volontiers: «On pensait que ça allait être la ruée sur les billets. Un groupe qui a vendu quelque 120 millions d’albums, qui se pointe dans la région... Eh bien non. C’est d’autant plus incompréhensible que les Anglais donneront un deuxième récital en Suisse ce vendredi à Zurich, puis basta en ce qui concerne la Suisse. Rien de grave. Il nous reste un peu moins de 800 tickets (réd:10 000 billets payants, abonnements compris, sont mis en vente chaque soir). Je ne me fais aucun souci. En cours de soirée, il n’y aura plus rien de disponible. Il ne faut pas oublier ceux qui ont acheté un billet pour le jeudi à Rock Oz’Arènes. Ils ont droit à l’entrée gratuite au Chant du Gros lors de la venue de Status Quo, sur présentation de leur billet. On ne sait pas trop à quoi s’attendre. Mais cela représente à coup sûr plusieurs centaines de personnes.»

Des billets, il en reste quelques centaines également pour la soirée de vendredi. Mais plus pour longtemps. Quant au samedi soir, il y a belle lurette que tout est parti.

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