«Je reviendrai, mais toute la journée...»

Pierre-Alain Brenzikofer

Il avait choisi de venir le lundi, jour de la grand-messe où la planète agricole s’expose depuis une éternité devant la multitude et dans ses multiples couleurs. Le moins qu’on puisse écrire, c’est qu’Ueli Maurer, fils de paysan ayant longtemps travaillé en contact avec le monde rural, ne s’est pas senti dépaysé.

En ce sens, l’UDC Jura bernois et sa section de Reconvilier n’ont pas raté leur coup, surtout qu’ils avaient tenu la visite secrète jusqu’au dernier moment. Diantre! c’est que nous sommes en pleine campagne électorale pour le renouvellement des Chambres fédérales!

Ueli Maurer, en tout cas, s’était déplacé en toute simplicité. Rien à voir avec le déploiement sécuritaire que nécessite la venue d’un Christoph Blocher, par exemple. Avec le patron de l’armée, nul besoin de sections Gentiane de la police, de chiens d’avalanche ou de Gripen pour sécuriser le site et contrôler l’espace aérien! A tel point que son chauffeur ne l’a même pas accompagné durant sa visite d’une heure et demie.

Pile à l’heure

Arrivé pile poil à l’heure sur le coup de 7h30, le conseiller fédéral a été accueilli dans la cantine de l’UDC par Manfred Bühler, secrétaire de la formation, et Marc Voiblet, président de la section locale. Et puisqu’on était à la Foire de Chaindon et à l’UDC, tout a débuté aux abords immédiats du champ de foire aux sons de L’Ecole de schwyzoise de Reconvilier, avec une forte odeur de gâteau au fromage pour rajouter une couche d’authenticité.

Forcément, l’UDC JB avait notamment délégué ses quatre députés, Anne-Caroline Graber, Etienne Klopfenstein, Pierre-Alain Schnegg et Manfred Bühler, son président Patrick Tobler et son ancien président Roland Benoit.

Le temps d’avaler un croissant et un café et l’illustre visiteur s’est rendu sur le territoire des bêtes, évoluant sans crainte entre chevaux et bovins, preuve que le monde rural n’a plus de secrets pour lui depuis fort longtemps.

Un coup de balai

Inévitablement, il s’est arrêté au stand de Daniel Schaer, ancien maire UDC de Reconvilier, mais surtout vieux pirate humanitaire depuis des décennies pour le compte de la Roumanie. Ueli Maurer s’est vu proposer un balai confectionné dans ce pays, mais Daniel Schaer lui a même soufflé  que les sept Sages en auraient besoin chacun d’un.

Pour balayer devant leur porte ou faire place nette? On n’en sait pas davantage... «Moi, simple Ouin-Ouin du village, je suis très honoré d’avoir un conseiller fédéral sur mon stand», devait déclarer, toujours pince-sans-rire, le citoyen de Chaindon. Plus loin, le magistrat a fait honneur aux produits du fumoir du Banneret Wisard, à Grandval.

Accessoirement, il a fait halte devant le stand Kärcher. Clin d’œil à Nicolas Sarkozy? Allez savoir! Et s’il venait à la Foire de Chaindon pour la première fois, Ueli Maurer a avoué qu’il la connaissait de réputation depuis l’enfance.

«C’est une grande première pour la foire que de recevoir un conseiller fédéral en exercice le lundi», s’est réjoui Manfred Bühler lors de la brève partie officielle.

«C’est un immense plaisir que d’être ici, lui a répondu du tac au tac le visiteur. Depuis le temps qu’on me parle de cette manifestation! Fils de paysan, j’ai d’ailleurs toujours travaillé en lien avec le monde rural avant mon accession au Conseil fédéral.»

Dans ce contexte, il a tenu à souligner que les agriculteurs vivaient une situation très dure, notamment pour cause de prix du lait: «Mais ils n’en proposent pas moins des produits de haute qualité.»

Le visiteur a par ailleurs estimé qu’il était nécessaire de soigner ses racines, lesquelles constituent la force de ce pays. «Je reviendrai l’année prochaine, a-t-il lancé à l’intention de l’assemblée. Mais pas pour une heure. Je compte bien rester cette fois toute la journée.»

Avant de s’en aller, il s’est vu offrir un panier du terroir garni par deux stars régionales du fromage, Ronald Sommer et Markus Reichmuth, tous deux récemment primés à Milan. Rien que pour ça, sûr que le conseiller fédéral reviendra l’an prochain. Avant de regagner la capitale, Ueli Maurer s’est encore assis au milieu de la juvénile troupe de L’Ecole de schwyzoise de Reconvilier, autre institution régionale. Le folklore, les racines, le monde rural: c’est définitivement son dada.

«Le Jura bernois a besoin d’un conseiller national. Pourquoi pas Manfred Bühler?»

«Extraordinaire» Adolf Ogi avait souvent recours au qualificatif «formidable». Pour sa première visite à la Foire de Chaindon, Ueli Maurer a quant à lui évoqué une atmosphère «extraordinaire».

Au cours du bref entretien qu’il a accordé au JdJ, le conseiller fédéral a avoué apprécier par-dessus tout ce mélange entre visiteurs et monde rural: «Ça, c’est une vraie fête!»

Au fait, que lui inspire cette affluence? Ces plus de 40 000 personnes accourues de toute la Suisse? Et un jour ouvrable, de surcroît.

«Eh bien, je ne suis pas étonné du tout, nous a-t-il répondu. Dans notre pays, de plus en plus de gens se mettent en quête de valeurs authentiques. Ils ont sûrement besoin de cela par rapport aux événements qui bousculent la planète. A Chaindon, les visiteurs sont à la recherche de leurs racines, aussi. De surcroît, au cours de ma visite, j’ai pu me rendre compte que Chaindon attirait également beaucoup de jeunes et bon nombre de femmes. Tout cela est très bon pour la Suisse.»

Forcément, on lui a glissé que l’UDC représentait le plus fort parti du Jura bernois. Et que la formation du conseiller fédéral s’engageait fortement pour que Moutier demeure dans le giron bernois...

«Je dois admettre que je ne connais pas ce dossier dans les détails. Ce n’est d’ailleurs pas mon devoir de donner des conseils sur un tel sujet. Je constate qu’on est actuellement à la recherche de solutions pour un dossier qui concerne fortement l’histoire.»
 
«Pas une question suisse» Parlant au nom de la Suisse alémanique dans ce cas précis, le conseiller fédéral relève toutefois que la solution doit être trouvée ici: «Cette question ne concerne pas la Suisse. Elle touche un peu le canton de Berne. Mais c’est avant tout cette région qui est impliquée.»

Ueli Maurer nous a quand même avoué qu’il considérait la contrée jurassienne comme l’une des plus belles du pays et qu’il aimait beaucoup sa population.

Et quand on lui fait remarquer que la réponse du Conseil fédéral à l’interpellation du conseiller national Jean-Pierre Graber avait provoqué une sacrée surprise – les sept Sages jugent qu’il est tout à fait possible que le dossier communaliste soit réglé en un seul vote, ndlr –, le magistrat n’y décèle pas forcément une volonté d’en finir le plus vite possible.

«Aux yeux du Conseil fédéral, il importe avant tout que le dialogue se poursuive. Il faut dès lors absolument le soigner. Mais, voyez-vous, j’ai l’impression que ce dossier interpelle bien davantage les politiciens que la population. Cette dernière souhaite en priorité que la région reste calme. Aujourd’hui, je crois vraiment que les gens n’ont plus envie de se brouiller avec leurs voisins pour une telle affaire. De mon point de vue, ce différend ne constitue vraiment pas la première priorité de la population.»

«Avec Manfred Bühler» Enfin, sachant que le conseiller national Jean-Pierre Graber ne se représentera pas en octobre, Ueli Maurer juge très important que le Jura bernois soit toujours représenté sous la Coupole:«J’espère de surcroît que la personne qui sera élue pourra véritablement incarner le Jura bernois, sa mentalité un brin particulière. Pour cela, il faudrait absolument que le futur élu ait de profondes racines ici. Pourquoi pas Manfred Bühler?»

Selon le conseiller fédéral UDC, en effet, «le Jura bernois n’a pas besoin d’un candidat alibi, mais d’une personnalité parfaitement au fait des mentalités locales, qui pourrait véritablement représenter ses habitants et les défendre à Berne».

Le message est clair.