Vous êtes ici

Abo

Bienne

Jugé après avoir semé la terreur

Déclaré irresponsable, cet Albanais de 55 ans, qui avait poignardé un senior à Madretsch en 2019, sera soigné en milieu psychiatrique. La Cour suprême a confirmé hier le jugement de première instance.

Après l’agression à la Migros de Madretsch, l’homme s’était réfugié au Manor de la rue Centrale, où il avait avoué ses méfaits. Archives

Julie Gaudio

 

La Cour Suprême du Canton de Berne a confirmé hier en appel le verdict prononcé par le Tribunal régional Jura bernois-Seeland: l’homme qui, en novembre 2019, avait poignardé presque à mort un senior à la Migros de Madretsch, avant de se réfugier à Manor, est totalement irresponsable et très dangereux. Dans son verdict d’hier, la plus haute instance cantonale a estimé que le risque de récidive était élevé et qu’une mesure thérapeutique institutionnelle dans une clinique psychiatrique s’imposait.

 

Il est acquis que cet Albanais de 55 ans a commis des délits graves: tentative d’homicide volontaire, voies de fait, menaces et tentative de contrainte. Mais le prévenu souffre de schizophrénie chronique: il a donc agi dans une sorte de délire et ne peut pas être tenu pour responsable de ses actes. C’est ce qu’explique l’expertise de Urs Hagen, que la Cour juge concluante. «L’expertise démontre que le prévenu est tout à fait capable de récidiver», a déclaré Roger Zuber, qui présidait le tribunal. A ses yeux, la défense n’est pas parvenue à démontrer que cet homme n’était pas schizophrène. 

 

Beaucoup d’absents

 

En temps normal, les accusateurs, le procureur et, surtout, les accusés sont tenus d’assister à l’énoncé du verdict. Hier, celui-ci est arrivé par téléphone. A ce jour, le prévenu n’est apparu à aucune audience: il avait d’ailleurs averti que, s’il prenait position, ce serait uniquement par écrit. Ce qu’il n’a jamais fait. Les parties plaignantes étaient également absentes. Ni le senior agressé au couteau à la Migros, ni le préposé à la sécurité de Manor, ni la jeune fille molestée ne sont venus devant la Cour. A part les juges, seule l’avocate du prévenu, Franziska Schneider, et le procureur général Michel-André Fels, étaient donc présents à l’audience. «Le prévenu vit dans un tout autre monde», a estimé la Cour. 

 

Dans sa cellule du pénitencier de Thoune, où il se trouve depuis l’été 2020, il ne reçoit aucune visite et ne parle guère, ni à son avocate, ni aux experts. «Cet homme doit commencer par réapprendre à nouer des relations avec autrui, raison pour laquelle une thérapie sur le long terme est nécessaire. J’espère qu’elle l’aidera à reconnaître qu’il est malade, ce qu’il a toujours nié jusqu’à présent», a déclaré Roger Zuber. 

 

Quelle schizophrénie? 

 

L’avocate du prévenu a tout tenté pour prouver que son client n’était pas chroniquement schizophrène. En effet, en l’absence de maladie à traiter, pas de mesure thérapeutique institutionnelle qui vaille. Franzika Schneider a donc défendu l’idée que son client, au moment des faits, était dans un état de crise temporaire, mais qu’aujourd’hui il ne souffre plus de troubles psychiques. Cette situation, insiste-t-elle, devrait inciter la Cour à réévaluer à la baisse le risque de récidive, voire à acquitter son client. 

 

Elle n’a pas convaincu la Cour suprême, pour qui l’expertise est sans équivoque. D’autant plus qu’elle est corroborée par d’autres rapports, notamment de la division fermée des Services psychiatriques de l’Université de Berne, où le prévenu a séjourné à plusieurs reprises par le passé. Le seul point où la Cour d’appel diverge du verdict énoncé par le tribunal de première instance concerne l’expulsion du territoire suisse.

 

Le Tribunal régional Jura bernois-Seeland avait en effet décrété que le prévenu, d’origine albanaise, serait expulsé de Suisse pendant dix ans après sa thérapie. La cour d’appel a estimé qu’en l’absence de verdict de culpabilité, il ne saurait y avoir de renvoi. 

 

S’il était établi que la thérapie était dépourvue de toute chance de succès, alors on pourrait envisager une expulsion du territoire, afin de protéger la population. Mais la Cour a bon espoir qu’avec une médication adéquate, le prévenu puisse un jour mener «une existence digne d’être vécue». «J’espère que cet homme comprendra plus tard que ce jugement n’est pas dirigé contre lui, mais pour lui», a conclu Roger Zuber. 

 

Dès que le jugement sera exécutoire, on cherchera pour le prévenu une place dans une clinique psychiatrique. C’est d’ailleurs une mesure qui aurait pu commencer plus tôt: elle lui aurait évité de passer tout ce temps en prison. Mais il s’y est toujours opposé. Son traitement va certainement durer des années, mais on peut penser qu’il sortira un jour de clinique. Pour autant qu’il coopère, bien sûr. S’il devait refuser toute thérapie encore pendant des années, il serait alors interné. 

 

Articles correspondant: Région »