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Saint-Imier

La chaleur du «café suspendu»

Espace Noir innove avec un concept de solidarité au quotidien

Sophie Philiponi satisfaite de pouvoir présenter le concept des «cafés suspendus» au bar d’Espace Noir. LDD

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Ètes-vous prêts, de temps à autre, à offrir une boisson à un parfait inconnu grâce aux «cafés suspendus»?




Yves-André Donzé

Depuis une semaine, Espace Noir, à Saint-Imier, est probablement le seul bistrot en Suisse romande à servir  des «cafés suspendus». C’est un café qui possède un délicieux goût de solidarité. Celui qui le boit n’a pas un rond sur le moment. Quand il en aura, il ne manquera pas de mettre le sien. Pour que d’autres puissent bénéficier de ce «blind» inespéré. Il ne s’agit pas de nourriture ni d’alcool, mais cela peut être aussi un thé ou une autre boisson chaude offerte par un client anonyme et sans regret.

Un concept découvert lors d’un séjour en Belgique

«Le concept est belge. Je l’ai découvert lors d’un séjour à Bruxelles et je me demande toujours pourquoi personne n’y avait jamais pensé avant. Ou mis en pratique», s’exclame nonchalamment Sophie Philiponi, jeune membre du collectif Espace Noir et serveuse au bar ce matin-là. A 20 ans, la jeune Genevoise est en stage de matu pour l’Ecole de culture générale de Genève dans ce haut lieu de l’autogestion imérien, en vue de son entrée à la Haute école spécialisée de travail social. Son but: devenir animatrice en milieu socioculturel. Elle a déjà une certaine expérience dans ce domaine pour y avoir travaillé dans les maisons de quartier à la métropole du bout du lac.
Son stage à Espace Noir prend fin au début du mois de juillet. «J’avais entendu parler de ce lieu plutôt unique. Ce qui m’a frappé le plus ici, c’est l’immense respect des gens, qu’ils soient du collectif ou simple client, acteurs sociaux ou personne en situation de difficulté», confie-t-elle. Elle-même participe aux activités artistiques, notamment avec une exposition de ses œuvres dès ce soir. Ce qu’elle dessine en autodidacte ressemble à sa vision du monde, à ses aspirations. Rien n’est lisse, ou tranché dans la vie et chez les gens. Mais la jeune artiste n’en parle pas. Elle se contente d’observer. Journaliste? «Eh bien, qu’il parle des gens borderline, de la société qui les largue sous prétexte qu’ils ne sont pas assez performants», semble-t-elle dire. Elle se contente de considérer les aspérités de l’existence et d’aimer le contact avec ces derniers qui ne manquent pas de l’enrichir. «Les gens qui demandent un suspendu n’ont pas grand chose, c’est bien qu’ils aient au moins un café pour se réchauffer», ajoute-t-elle comme une évidence. Elle précise qu’«évidemment, d’avoir cinq ou six cafés, quatre ou cinq thés en ‹suspension› ce n’est pas grand-chose. A Bruxelles, j’ai vu la plupart des restaurants qui affichaient 10 sandwichs suspendus, trois repas, dix cafés, l’ardoise n’était jamais vide», se réjouit-elle en soulignant ce sens du partage qu’ont les gens. Cela peut être un SDF ou même une personne qui débarque au bistro après s’être fait voler son porte-monnaie. «Ça dépanne», ajoute-t-elle laconiquement.

«J’en avais entendu parler»

De son côté, le dinosaure du collectif Michel Nemitz, passant par le bar, se réjouit de cette offre: «J’en avais entendu parler mais je dois avouer que l’idée m’est passée comme chat sur braise. C’est vrai que de plus en plus de gens sont en difficulté, on le voit. Et les aides sociales sont constamment à la baisse. Sans compter le scandale des working poors», remarque-t-il, en évoquant tous ceux qui cherchent des petits boulots comme cet ouvrier qui, l’autre jour, n’arrivait pas à se faire payer pour sa prestation. Quant à Sophie, elle brandit la pancarte. On peut y lire: «Suspendez une boisson chaude, vous permettrez à une personne dans le besoin de, lui aussi, s’accouder à notre comptoir». Point bar.
Exposition des travaux de Sophie Philiponi. Vernissage, ce soir, à 18h.

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