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La Chine, un eldorado pour les PME

La Chine et son milliard et demi d’habitants représentent un formidable marché qui fait rêver toutes les entreprises. Y compris les PME. Mardi soir à Tramelan, près de 150 personnalités du monde de l’économie de l’Arc jurassien se sont retrouvées au CIP, à l’invitation de la CEP et du Swiss Center Shanghai (SCS). Thème du colloque: «Arc jurassien-Chine: opportunités, expériences, mise en réseau».

Près de 150 personnes au CIP.

Philippe Oudot

Pas moins de huit intervenants ont fait part de leurs points de vue et expériences respectives: Blaise Godet, ancien ambassadeur de Suisse en Chine; Nicolas Musy, directeur général du SCS; Marc-Alain Affolter, directeur général de Affolter Technologies; Dominique Lauener, président de l’Association des fabricants de décolletages et de taillages (AFDT) et associé de LX Precision, à Shanghai; James Carter, directeur-conseil chez KPMG; Holly Roussell Perret-Gentil et Maxence Perret-Gentil, résidents de Pékin pendant deux ans, ainsi que Zhen Xiao, manager du SCS.

L’ancien ambassadeur de Suisse en Chine, Blaise Godet, a d’abord brossé un rapide tableau de l’Empire du Milieu. Un pays qui a connu une formidable croissance ces 30 dernières années, réussissant à faire sortir de la pauvreté 500 millions de personnes.

Les premiers pas

Une évolution qui s’est faite en bon ordre, mais au prix d’une sérieuse mise à mal de l’environnement, d’un renforcement des disparités sociales et régionales, et d’une hausse de la corruption. «Pour assurer la pérennité du système, le régime va devoir modifier son modèle de croissance, afin de mieux servir son marché intérieur», a-t-il relevé. Car la légitimité du parti tient surtout à son aptitude à créer du progrès pour générer une croissance d’au moins 8%, afin de pouvoir intégrer les 20 à 25 millions de nouveaux travailleurs qui arrivent chaque année sur le marché du travail.

Directeur général de Affolter Technologies, Marc-Alain Affolter a expliqué comment sa société s’était installée à Shanghai. Après une première visite en 2004, quatre années de voyages exploratoires ont été nécessaires, avant l’ouverture d’un bureau. «Nous avons alors engagé un responsable chinois dont la tâche de départ a été de chercher des clients, mais d’abord de traduire nos catalogues, de créer notre site internet et d’adapter toute la programmation pour nos machines en chinois.» Et de préciser que c’est en 2011, soit sept ans après sa première visite, que l’entreprise a vendu ses premières machines. Depuis 2011, son fils Vincent Affolter s’est établi à Shanghai, où l’entreprise a aujourd’hui créé la société chinoise, Affolter China Co Ltd, qui dispose de bureaux, d’un showroom, d’une unité de service après-vente.

Douze ans d’expérience

Pour sa part, Dominique Lauener a expliqué l’aventure de sa société Lauener Chine, devenue LX Precision. Il y a 12 ans, Nicolas Musy, ami d’enfance, lui a suggéré de venir s’y implanter. Guère intéressé au départ en raison de l’image bas de gamme des produits chinois, il a revu son jugement quand un de ses plus grands clients lui a dit qu’il y établissait une partie de sa production, lui demandant du coup de l’accompagner. «Avec l’aide de ce dernier, nous avons fait le grand saut de Boudry à Shanghai!»
Un choix facilité par le fait que la moitié de ses clients dans la connectique étaient déjà présents dans ce pays. Depuis, LX Precision a aussi développé ses activités dans le médical et dans l’automobile. Et d’insister qu’il ne s’est pas agi d’une délocalisation, mais bien de la création d’une nouvelle société, au service de ses clients qui produisent eux-mêmes en Chine. Comme l’a souligné Dominique Lauener, qu’on produise ici ou là-bas, la qualité de la production doit être irréprochable, raison pour laquelle son personnel est venu se former à Boudry. «Quand on travaille dans le médical, des vis à os doivent répondre aux mêmes standards que si elles étaient produites aux USA ou en Allemagne.»

Croissance exponentielle

Depuis son implantation, LX Precision a connu une formidable croissance. Son chiffre d’affaires a passé de 65000 fr. la première année, à 18,5 mios aujourd’hui. Et de souligner que pour réussir, il faut non seulement une bonne stratégie, savoir choisir le bon moment, s’assurer qu’il y a un marché et une demande, mais aussi avoir au moins un gros client de départ, afin d’assurer le fonds de roulement. Pour sa part, James Carter, de KPMG, a insisté sur l’extraordinaire potentiel que représente la Chine pour les entreprises suisses. A commencer par celles de l’horlogerie, qui représentent environ 40% des exportations à destination de ce pays. En 2011, le marché des produits de luxe pesait environ 13 milliards de dollars. En 2015, il devrait dépasser les 20 milliards, a-t-il souligné.

La vie au quotidien

Si la soirée a fait la part belle au thème de l’économie, Maxence Perret-Gentil et son épouse Holly Roussell, qui ont vécu deux ans à Pékin, ont fait part de leur expérience de la vie quotidienne, des difficultés de vivre dans une ville qui, officiellement, compte 18 millions d’habitants, mais sans doute bien plus de 20 millions en réalité. Ils ont évoqué les énormes temps de déplacement dans cette ville où le climat est chaud (30 degrés) et humide en été, mais très froid et venteux en hiver. Une ville qui couvre une surface correspondant à un tiers du canton de Berne. Ils ont évoqué les problèmes de logement, la surveillance policière quand on veut voyager, et bien sûr la complexité de cette langue aux 56000 idéogrammes et aux multiples intonations, qui nécessite au moins deux ans d’apprentissage intensif pour en balbutier les rudiments.

Quant à Zhen Xiao, manager du Swiss Center Shanghai, il a indiqué que cette entité était le plus grand cluster d’entreprises suisses, qui ne compte pas moins de 28 sociétés. Evoquant son travail quotidien, ses contacts avec les entreprises suisses, il a indiqué que cette interface avait contribué à l’implantation de quelque 200 PME suisses en Chine.

"Cent millionaires par jour"

Millionnaires Directeur du Swiss Center Shanghai, Nicolas Musy a quant à lui montré à quoi pourrait ressembler la Chine à l’horizon 2020. S’agissant des relations commerciales entre la Suisse et la Chine, il a souligné que les exportations à destination de l’Empire du Milieu ont augmenté 10 à 15 fois plus vite qu’avec les pays de l’Union européenne. «Dans moins de cinq ans, la Chine sera le 2e partenaire de la Suisse, derrière l’Union européenne, mais devant les Etats-Unis», a-t-il pronostiqué. «La croissance est telle que le pays compte aujourd’hui 2,7 mios de millionnaires, et qu’on en dénombre 100 nouveaux chaque jour! Le marché chinois est donc une excellente opportunité pour le secteur du luxe», a-t-il souligné.
 
Classe moyenne En plus des millionnaires, la Chine connaît une extraordinaire progression de la classe moyenne. En 2000, on y dénombrait environ 147 mios de foyers dans la classe moyenne, nombre qui va plus que doubler d’ici à 2020, pour atteindre 328 mios de ménages, soit 51% des foyers chinois. Un défi extraordinaire quand on sait qu’en 2010, ils ne représentaient que 6% des ménages.

Défis énormes Nicolas Musy a aussi évoqué les challenges que la Chine devra relever. Dans le domaine de la formation notamment, car si le pays a des spécialistes très bien formés, le niveau de formation moyen de la population reste assez médiocre. Un autre challenge sera de réussir à concilier croissance économique et protection de l’environnement. Un défi énorme dans un pays qui, pour ses besoins en électricité, construit aujourd’hui une centrale à charbon par semaine et une centrale nucléaire tous les deux mois…

Egale aux Etats-Unis Nicolas Musy a par ailleurs rappelé que la Chine investit énormément dans le domaine de la recherche et du développement et qu’elle va devenir une véritable puissance scientifique et technique, notamment dans le domaine des robots. Pour illustrer son propos, il a indiqué qu’aujourd’hui, en termes de dépôt de brevets, la Chine se classe au quatrième rang mondial. Pour l’orateur, il ne faut aucun doute qu’en 2020, cette puissance économique aura rattrapé les Etats-Unis.

Trois questions à ... Blaise Godet (ancien ambassadeur de Suisse en Chine)

Le marché chinois attire beaucoup d’entreprises, y compris des PME, mais toutes ne font pas de bonnes expériences. Quelles sont les erreurs à éviter pour qui veut y vendre ses produits?
Il faut beaucoup de patience, savoir que les marges bénéficiaires sont plus réduites qu’on ne le pense et que l’environnement juridique n’est pas toujours très clair. Les tribunaux n’ont pas vocation à faire obstacle à la volonté des autorités locales. Ce sont des difficultés dont il faut être pleinement conscient.

Et pour celui qui veut produire en Chine?
L’erreur serait de s’y intéresser uniquement à cause des bas salaires! Il faut en effet affronter nombre d’obstacles, de problèmes administratifs et de frais directs et indirects que vous n’avez pas en Suisse. Il faut venir avec une stratégie très claire, savoir pourquoi on va en Chine, ce qu’on veut produire, etc. Et si on veut y durer, il faut avoir une vision du marché chinois et la volonté d’y apporter une contribution.
La Chine est bien sûr un immense atelier de production d’articles bas de gamme, mais on y trouve aussi de plus en plus d’entreprises à forte valeur ajoutée...
En effet, l’image change. On y trouve bien sûr des objets bon marché – électronique de bas de gamme, jouets, article de cuir, etc., mais les Chinois montent en gamme et s’implantent dans le secteur high-tech. Je pense à l’industrie solaire, à la technologie de l’image, aux prothèses médicales, entre autres. Il y a une volonté claire du gouvernement de favoriser ce secteur haut de gamme. La Chine est en train de quitter le modèle axé uniquement sur l’exportation pour s’orienter vers la satisfaction de son marché intérieur.
Mais en allant produire en Chine, les PME courent le risque d’une énorme concurrence…
Oui, c’est un risque, mais on n’a pas le choix. On ne peut pas vouloir se réserver le marché chinois et fermer le nôtre. Notre pays s’est engagé dans un processus de négociations de libre-échange. Et une économie comme celle de l’Arc jurassien, avec ses PME, pourra bénéficier d’un tel accord, qui va améliorer la position concurrentielle de ces PME. La Suisse est d’ailleurs bien positionnée: c’est un des rares pays à avoir une balance commerciale positive avec la Chine.

Mots clés: Jura bernois, Chine, PME

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