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A la croisée des chemins

Jean-Claude Rennwald vient de publier un livre sous forme de 30 questions-réponses sur les relations de la Suisse et l’UE. Il entend ainsi contribuer à faire échec à l’initiative de limitation de l’UDC sur laquelle les Suisses voteront le 27 septembre.

La Suisse va-t-elle céder au chant des sirènes de l’UDC et couper les ponts avec l’UE? Ce serait catastrophique, estime l’auteur. ldd

 

Par Philippe Oudot

L’avenir des relations de la Suisse avec l’UE est au cœur du dernier livre du politologue Jean-Claude Rennwald. Il brosse un rappel historique de ces relations, depuis le «dimanche noir» du 6décembre 1992, jour où la Suisse a refusé d’entrer dans l’Espace économique européen (EEE).

Pour assurer sa survie économique, elle a toutefois conclu toute une série d’accords bilatéraux qui lui ont permis d’être associée aux règles du jeu européen dans de nombreux domaines: libre circulation des personnes, accès facilité au marché intérieur européen, transports, fiscalité, ou encore formation. Or, ces relations, que Jean-Claude Rennwald qualifie de «flirt», risquent de voler en éclats en cas de oui à l’initiative «Pour une immigration modérée (initiative de limitation)», le 27septembre prochain.

Gare à la guillotine!
S’il devait être accepté, le texte de l’UDC exige que la Suisse règle l’immigration des étrangers de manière autonome. Berne aurait alors un an pour négocier la fin de l’accord sur la libre circulation des personnes avec Bruxelles. Or, cet accord fait partie d’un paquet (Accords bilatérauxI) lié par une «clause guillotine»: en clair, si un accord devait être annulé, c’est tout le paquet qui deviendrait caduc. «Une telle issue aurait des conséquences économiques et sociales désastreuses pour la Suisse», en particulier pour l’emploi et les industries d’exportation, souligne l’auteur.

Sur un peu plus de 200 pages, Jean-Claude Rennwald aborde une trentaine de thèmes, qu’il traite sous forme de questions-réponses. Dans la première partie, il s’intéresse à cette relation d’amour-haine que la Suisse entretient avec l’Europe. C’est que, malgré le refus de l’EEE, l’UE exerce une forte influence sur la Suisse, en particulier sur le plan juridique: en effet, constate-t-il, «plus rien ou presque ne se fait sans s’assurer que nos lois sont eurocompatibles».

Si le pays a réussi à tirer son épingle du jeu en bricolant une politique européenne au coup par coup, cette stratégie présente de gros inconvénients: la Suisse ne fait que subir l’élaboration de la législation européenne sans pouvoir l’influencer. Pour l’auteur, «la politique européenne de la Suisse a atteint ses limites et ne pourra pas reposer encore longtemps sur ce bricolage».

S’agissant des accords bilatérauxI, le politologue constate qu’ils ont eu de nombreux effets positifs et qu’ils ont dopé la croissance économique de la Suisse. Il admet toutefois que l’accord sur la libre circulation est le plus controversé, raison pour laquelle on lui a mis quelques garde-fous, notamment par le biais de mesures d’accompagnement, afin de lutter contre le dumping salarial.

Jean-Claude Rennwald évoque également l’accord-cadre réclamé par l’UE. Lorsqu’un accord est signé, ce dernier est soumis au droit européen. Or, ce dernier évolue. Généralement, la Suisse s’adapte à ces modifications, mais il arrive qu’elle refuse. D’où l’idée de cet accord-cadre qui prévoit une adaptation systématique – mais pas automatique – du droit suisse au droit européen. En cas de litige, l’accord-cadre prévoit en effet de le régler dans une commission mixte ou par un tribunal arbitral qui, en cas d’échec, fixerait des mesures de compensation.

Alors que l’UDC conteste globalement cet accord-cadre au nom de la défense de sa souveraineté, Jean-Claude Rennwald estime au contraire qu’il aurait aussi des avantages pour la Suisse, à condition, toutefois, de revoir les points qui affaiblissent les mesures d’accompagnement.

Dans ce contexte, il affirme qu’un oui du peuple à l’initiative UDC serait un désastre, car il entraînerait l’annulation des Bilatérales I. Acontrario, sans se faire d’illusions sur une hypothétique adhésion à l’UE, il affirme que «la Suisse aurait intérêt à rejoindre le ‹club européen›»sans pour autant assimiler cela à un miracle.

Il admet toutefois qu’en l’état, l’UE ne fait pas rêver et qu’elle a besoin de sérieuses réformes pour assurer sa pérennité. Notamment une démocratisation de ses institutions, un système de gouvernance économique, une harmonisation de sa fiscalité, la mise en place d’un budget européen, ou encore la définition de standards sociaux minimaux.

 

Le livre de Jean-Claude Rennwald «Suisse – Europe, la séparation après un flirt?» vient de sortir de presse aux Editions Alphil

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