A la découverte de soi-même et des autres

Bernard Schindler

Vendredi passé à Saint-Joux au bout de La Neuveville, Ludovic Elber a retrouvé sa famille, émotion très forte et partagée. Nina son épouse l’a arrosé de champagne, Wayne et Swan, ses garçons ont exhibé une pancarte «Super-Papa».

Le périple solitaire, une première personnelle en termes de distance et durée, s’est déroulé sans accident, mais non sans peine ni interrogations. Avant d’essayer, il présumait être à la hauteur, mais seul l’essai en vraie grandeur apporte la réponse définitive.

Hasards et motivations
 Comme tous les sportifs au long cours, il s’est d’abord rencontré lui-même au bout du voyage. En peut-être plus de 100000 coups de pédale, il a eu le  temps de réfléchir, il a mûri.

Ludovic a roulé pour Homes of Hope (Les maisons de l’espoir), une ONG australienne qui crée des maisons d’accueil pour des jeunes en difficulté, en Inde, en Indonésie et au Mozambique. Un ami, Alain Guillaume, a vécu en Australie où il a connu l’ONG et, à son retour à La Neuveville, il a créé une antenne suisse.

Pour le site internet, il cherche des compétences, Ludovic peut l’aider, c’est le hasard et le doigt dans l’engrenage. La famille Elber a aussi une fibre généreuse, elle parraine un jeune des Philippines depuis plusieurs années. La trame se tisse. La saine curiosité de l’ailleurs et la pulsion du dépassement de soi-même vont faire le reste: donner une visibilité à Homes of Hope au travers d’un exploit sportif à la mesure d’un trentenaire en pleine forme sans être compétiteur acharné.

Le périple en soi est une suite d’impressions variées. Le départ du 31 juillet est dur, s’arracher à sa famille n’est anodin pour personne. Alain Guillaume va accompagner Ludovic jusqu’à Soleure, deuxième départ, vers la solitude cette fois. Le jour suivant de Nottwil (AG) à Langwiesen près de Schaffhouse, la plus longue étape de 120 km est un vrai défi, soleil brûlant et 10 km d’orage au final. Le beau temps et les paysages du Bodensee vont ensuite requinquer la motivation, avant le col du San Bernardino. Une nuit est prévue à Splügen-village, le plus petit camping, le plus accueillant aussi.

En 8 km et 500m de dénivelé, Ludovic teste ses limites physiques et hisse les 38 kg du VTT, de la remorque et des bagages au sommet du col. La descente au sud est sournoise: plusieurs arrêts où il faut refroidir les freins à disque qui font «pschitt» sous l’eau versée!

A Tenero, journée de repos bienvenue. Le Gotthard se fera en train, le Brunig sous la pluie. A Interlaken, Ludovic aura une longue conversation avec un jeune Chinois, en périple cycliste depuis une année en Europe. Le Jaunpass prendra des allures de cauchemar, cumulant le pire dénivelé, la fatigue accumulée, la pluie et le froid glacial.

Lendemain qui pense
A Salavaux, les amis, le grand-papa Bernard Elber et les deux garçons ont rejoint Ludovic. Swan, 8 ans, fera avec les autres les derniers 30 km aux allures de marche triomphale, n’était-ce une énorme averse près de Witzwil. Après un jour de décompression, l’entrevue avec Ludovic a été passionnante. Il a parlé de ses peines, de ses joies surtout, et de ses longues réflexions. Auparavant, les circonstances ne lui avaient pas offert un si long tête-à-tête avec lui-même. Il a médité sur le sens de la vie, le pourquoi des choses, une approche de la spiritualité. Il a un pressentiment que la chance qu’il a eu de vivre son aventure pourrait ne pas être un hasard. Un non-hasard qu’il n’appelle pas encore «Dieu», lui à qui ses parents n’ont pas imposé d’éducation religieuse afin de préserver son libre choix.
A court terme, il encourage vivement chacun à soutenir Homes of Hope!

Dons: Ludovic Elber, Banque Cantonale Neuchâteloise, IBAN : CH94 0076 6000 1017 9639 7