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Horlogerie

La Fédération présente sur tous les fronts

La Fédération de l'industrie horlogère suisse (FH) a tenu hier son assemblée générale à Martigny. Une assemblée particulièrement consensuelle, tous les points à l’ordre du jour ayant été acceptés sans discussion

Hôte de la FH hier, Jean-Michel Cina (au pupitre), ici en compagnie de Jean-Daniel Pasche, a tiré des parallèles entre l’horlogerie et le tourisme valaisan.

De Martigny,
Philippe Oudot

Depuis quelques années, la Fédération suisse de l’industrie horlogère (FH) a pris l’habitude d’aller à la rencontre de ses quelque 500 membres à l’occasion de son assemblée générale. Hier, c’est en Valais, 9e canton horloger où elle compte une dizaine de membres, que la FH a réuni ses troupes. Avant la partie statutaire, la centaine de participants a eu le privilège d’entendre un exposé du conseiller d’Etat Jean-Michel Cina, en charge du Département de l’économie et du territoire (voir «Valais, terre horlogère»)

Dans son rapport présidentiel, Jean-Daniel Pasche est revenu sur les temps forts qui ont marqué l’année écoulée. Les exportations horlogères ont battu un nouveau record, frisant la barre des 22 milliards de francs, alors que le nombre de pièces a reculé de 3,6% par rapport à 2012, à 28,1 mios de pièces. C’est le segment du milieu de gamme qui a enregistré les meilleures performances, tant en nombre de pièces qu’en valeur. Quant aux 15principaux marchés, ils ont enregistré des hausses, à l’exception de la Chine, de la France et de Hong Kong.

Projet crucial

Le président est revenu sur l’adoption du projet Swissness par les Chambres fédérales après six longues années de discussions. Il a qualifié cette adoption de «cruciale, car elle constitue une étape décisive sur le long chemin du renforcement du Swiss made». Un label qui constitue un argument de vente de premier plan. Mais si les clients sont prêts à payer un prix plus élevé pour une montre Swiss made, «ils attendent que celle-ci intègre une majorité claire de valeur suisse; dans le cas contraire, ils s’estiment abusés. D’où notre engagement.»

Jean-Daniel Pasche s’est aussi félicité de la conclusion de l’accord de libre-échange passé avec la Chine. Il a rappelé que la FH est restée très proche des négociations afin de faire valoir les intérêts de la branche. Cet accord va non seulement permettre de réduire les droits de douane, mais il contient également une clause fixant un taux de 60% minimum de valeur originaire pour les produits horlogers. Pour la branche, a-t-il poursuivi, cet accord offre de meilleures conditions en faveur de la protection des marques et des indications de provenance.

S’agissant des négociations visant un accord de libre-échange entre l’AELE et l’Inde, elles sont actuellement au point mort en raison des récentes élections en Inde, et personne ne sait quand le gouvernement entend reprendre les discussions.

Poinçons et normes

Parmi les autres temps forts de 2013, le président a cité l’entrée en vigueur de l’accord entre la Suisse et la Russie sur la reconnaissance des poinçons. Il stipule que les pièces en métaux précieux officiellement poinçonnés dans le pays producteur ne sont plus soumises au contrôle dans le pays importateur. La FH a aussi été très active dans le domaine de la reconnaissance des normes, afin d’harmoniser les règles techniques au niveau mondial et combattre ainsi les obstacles techniques au commerce.

Jean-Daniel Pasche est également revenu sur la Journée anticontrefaçon 2013 organisée par la FH et la Fondation de la Haute horlogerie, sous l’égide de la plate-forme suisse qui combat la contrefaçon et la piraterie, Stop Piracy. Pour cette journée, les organisateurs avaient invité les étudiants de plusieurs écoles d’art, de design et de cinéma, à participer à un concours de courts-métrages et d’affiches portant sur la contrefaçon. L’événement a eu un gros écho médiatique «qui a permis de mieux sensibiliser la population suisse aux méfaits de la contrefaçon».

Les délégués ont ensuite approuvé le rapport d’activités et les comptes 2013, avant de donner décharge aux organes dirigeants. Enfin, suite à quelques démissions au sein du Conseil de la FH, ils ont élu en bloc les personnes proposées pour les remplacer.


«Optimistes et confiants, mais prudents et sans euphorie»

En marge de l’assemblée, Le JdJ a pu s’entretenir avec Jean-Daniel Pasche, président de la FH.
 

L’année 2014 a bien démarré, avec une hausse des exportations de 3,3% sur les cinq premiers mois. La branche s’achemine-t-elle vers une nouvelle année record?
2014 devrait être une année positive, et ces cinq premiers mois sont conformes à nos attentes. Nous sommes optimistes et confiants, mais prudents et sans euphorie. D’une part, parce que les marchés sont volatils et d’autre part, parce que toutes les marques n’évoluent pas au même rythme.
 

Justement, certaines marques et des sous-traitants enregistrent un ralentissement. Faut-il s’en inquiéter?
C’est vrai que certains ressentent une baisse, un peu comme l’an dernier. Cela s’explique peut-être parce qu’au niveau des volumes, on enregistre une stagnation, et les sous-traitants dépendent surtout des volumes. Mais nous espérons bien que les volumes vont se reprendre et sommes assez confiants, car nous restons malgré tout à de hauts niveaux, avec plus de 28 mios de pièces exportées.

Suite au vote du 9 février, le Conseil fédéral a dit vouloir appliquer une politique migratoire très restrictive, qui va aussi toucher les frontaliers. Comment réagit la FH?
L’horlogerie dépend beaucoup du personnel étranger – environ un travailleur sur deux, résidents et frontaliers compris. Et selon les régions, ces derniers représentent entre 20 et 30% des effectifs. Nous souhaitons donc une mise en œuvre pragmatique de cette initiative, car nous avons besoin de cette main-d’œuvre pour continuer à travailler! C’est la Convention patronale qui défend les intérêts de l’horlogerie dans les discussions sur l’application du texte.

L’accord de libre-échange avec la Chine entre en vigueur le 1er juillet. Que peut en attendre la branche?
C’est un accord important, car la Chine est un des plus grands partenaires de la Suisse – pour l’horlogerie notamment. Cet accord va donner un cadre à nos relations économiques avec ce pays et engage ce processus de libre-échange de manière formelle. Concrètement, nous attendons une baisse des droits de douane de 60% sur dix ans, avec une première étape de 18% à l’entrée en vigueur de l’accord, la semaine prochaine. Nous en attendons aussi une meilleure protection de la propriété intellectuelle et du label Swiss made, et là, des engagements précis figurent dans cet accord.

Vous parlez de protection de la propriété intellectuelle, mais on sait que la Chine est le principal atelier de la contrefaçon…
Absolument! D’où la nécessité de renforcer les mesures dans ce domaine! Nous sommes en contact avec des autorités chinoises engagées dans la lutte contre ce fléau, et nous avons déjà enregistré quelques succès, avec la saisie et la destruction de fausses montres Swiss made. Il faudra toutefois du temps pour mettre tout cela en vigueur, et la contrefaçon ne va pas disparaître du jour au lendemain. Mais l’important, c’est de s’engager dans un tel programme.

Adopté l’an passé par les Chambres, le projet Swissness stipule que 60% du prix de revient d’un produit doit avoir été généré en Suisse pour avoir droit au label. La FH s’était fixée comme objectif un taux de 80% pour les montres mécaniques. Ce taux 60% n’est-il pas décevant?
Ces 60% s’appliquent pour tous les produits suisses. Maintenant que Swissness a été accepté et que ce taux est acquis, il s’agit de réviser l’ordonnance de branche Swiss made et là, nous avons toujours notre proposition de 80% pour les montres mécaniques sur la table. Mais le sujet controversé, et les discussions avec les autorités fédérales montrent que si ce taux est compatible sur le plan juridique, il se heurte à des difficultés d’application notamment au niveau des accords avec l’Union européenne en matière de libre-échange.

Et quand Swissness pourrait-il entrer en vigueur?
Le Conseil fédéral, qui vient de mettre en consultation les ordonnances d’application, prévoit de les adopter en 2015, avec une entrée en vigueur en 2017.

En janvier 2013, lors des discussions sur Swissness, vous aviez claqué la porte d’economiesuisse, avant de revenir après quelques mois sur votre décision. Cette valse-hésitation ne vous a-t-elle pas porté préjudice?
Non, nous avons été cohérents avec nos positions. On a vu qu’economiesuisse a eu d’autres difficultés, pas seulement avec nous… Il y a eu un profond remaniement, des changements de personnes, et ces réflexions internes et ces changements ont contribué à notre retour. Mais formellement, nous n’avons jamais quitté la faîtière, car notre démission annoncée en janvier devenait effective à fin 2013. Mais vu les changements intervenus, nous avons retiré notre démission avant la fin de l’année.

Valais, terre horlogère

Similitudes  Si l’intitulé de son exposé «Valais, terre horlogère»est un brin provocateur, Jean-Michel Cina a souligné que «c’est néanmoins une réalité économique», le Vieux Pays étant le 9e canton horloger, avec 700 emplois. Et il y a bien des similitudes entre cette industrie et le tourisme valaisan: tradition, qualité et raffinement, mais aussi innovation, a-t-il insisté. Et si l’horlogerie compte de grands noms comme Breguet, Perrelet ou Moinet, l’hôtellerie valaisanne a eu ses Rytz et autres Seiler.

Pour l’orateur, l’horlogerie et son canton bénéficient d’une image forte. Pas étonnant qu’on trouve les paysages valaisans, le Cervin en particulier, sur les visuels des grandes marques. De son côté, en tant que canton touristique, le Valais contribue à la bonne tenue des ventes des montres, puisque deux garde-temps sur trois vendus en Suisse le sont à des touristes.

Cela dit, tout comme l’horlogerie a dû se restructurer de fond en comble lors de la crise horlogère des années 70, le Valais touristique doit lui aussi se réinventer. L’adoption de l’initiative Weber a mis fin à son modèle d’affaires, orienté sur la construction, et l’oblige à se remettre fondamentalement en question. «C’est un défi et un enjeu majeur, et le succès de cette mutation n’est pas une option, mais la seule voie possible», a-t-il affirmé.







 

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